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Liban - Disparus de guerre

Nour Hanna : Je n’abandonnerai pas le dossier de Gergi, je réclame la vérité

Le sort de milliers de Libanais – et de ressortissants arabes – disparus durant la guerre civile et la période qui l’a suivie sous la tutelle syrienne au Liban reste inconnu. Pour que ce dossier vieux de plus de trente ans ne reste pas occulté et relégué aux oubliettes, « L’Orient-Le Jour » relatera chaque semaine le témoignage d’un parent en quête de la vérité sur le sort d’un disparu.

Nour Hanna s’occupe depuis 1985 du dossier de son beau-frère, Gergi Hanna, enlevé à Beyrouth-Ouest.

Beyrouth-Ouest, Tallet el-Khayat, 1985. Gergi Malek Hanna, détenteur d’un doctorat en informatique et professeur à l’Université libanaise, rentre de son travail. Arrivé à proximité de Canal 7, à Tallet el-Khayat, des inconnus l’abordent. « Ils laissent sa secrétaire partir, l’enlèvent et prennent sa voiture, raconte Nour Hanna, sa belle-sœur. Au début, nous avons pensé qu’il a été enlevé pour des motifs financiers. Il venait d’encaisser son salaire. Puis, nous avons cru qu’ils l’ont fait parce qu’il était chrétien. Nous n’avons jamais su la cause réelle. »


Pendant dix années, la famille de Gergi Hanna est restée sans aucune nouvelle. « Puis nous avons su par un ancien détenu irakien qu’il était à la section de Palestine, se souvient Nour. Au début, nous ne l’avons pas cru parce que nous avons été victimes de plusieurs escrocs qui nous avaient promis de ramener Gergi. Évidemment, ils nous ont soutiré de l’argent et nous attendions toujours des nouvelles de Gergi. »


Pour s’assurer de la nouvelle, Nour Hanna a été en Syrie. « J’ai pu le faire, mais je n’ai pas pu le rencontrer. C’était la seule info que nous avons pu avoir sur Gergi. Aujourd’hui, nous ignorons s’il est toujours en vie. Nous ne nous attendons pas à ce qu’il le soit après toutes ces années. Toutefois, je ne lâcherai pas le dossier. Je réclame la vérité. S’il est mort, qu’ils nous restituent ses restes. Nous ne pouvons plus vivre dans cette incertitude. C’est l’enfer. »


Gergi Hanna avait 43 ans le jour où il a été enlevé. Il était rentré au Liban depuis huit ans avec sa femme, une Allemande, et ses deux filles. « L’aînée avait obtenu une bourse et poursuivait ses études en Grèce, poursuit Nour Hanna, mère de quatre enfants, deux garçons et deux filles. Lorsque l’université a arrêté de verser son salaire, sa femme a décidé de rentrer avec les filles en Allemagne. Elle ne pouvait pas travailler au Liban et subvenir par conséquent aux besoins de sa famille. Gergi n’a qu’un seul frère, mon mari. Comme ce dernier avait à sa charge en plus ses parents, je me suis occupée du dossier. »


Nour Hanna avait deux enfants, une fille et un garçon, lorsque son beau-frère a été enlevé. « J’étais enceinte de ma deuxième fille, note-t-elle. L’ambiance à la maison était tragique.


De plus, mes beaux-parents n’allaient pas bien. Pour pouvoir m’occuper d’eux et suivre le dossier, j’ai dû mettre mes deux enfants en pension dans une école à Ajaltoun. Mes beaux-parents sont décédés cinq années après la disparition de Gergi, à trois mois d’intervalle. En 1990, lors des événements, j’ai ramené mes enfants à la maison. Puis j’ai dû les mettre dans des écoles publiques. »


Qu’en est-il de la famille de Gergi ? « Sa femme et ses filles viennent chaque année au Liban, précise Nour Hanna. Elles savent que je ne lâche pas le dossier et me demandent toujours des nouvelles. Gergi avait vécu douze années en Allemagne avant de rentrer au Liban et avait refusé la nationalité allemande. »


Étouffant un sanglot, Nour Hanna balaie du regard la tente dressée dans le jardin Gibran Khalil Gibran, place Riad el-Solh.

 

« Vous savez, nous étions quatre à avoir entamé ce sit-in le 11 avril 2005, dit-elle : Ghazi Aad (porte-parole de Solide), Sonia Eid (dont le fils fait partie des soldats disparus le 13 octobre 1990, après l’entrée des troupes syriennes dans la zone est du pays), Violette Nassif (le corps de son fils a été retrouvé dans la fosse commune de Yarzé en 2005. Violette avait à plusieurs reprises affirmé avoir vu son fils, soldat ayant disparu le 13 octobre 1990, dans une prison syrienne en 1991) et moi-même. Au début, nous dormions sur les bancs dans le jardin. Nous n’avions même pas une tente. Les premiers jours, nous avons même observé une grève de la faim. Sept ans plus tard, nous nous retrouvons toujours à la case de départ. Toutefois, nous sommes prêts à consentir encore plus de sacrifices, pourvu que nous connaissons la vérité. Après toutes ces années de souffrance et d’incertitude, nous ne pouvons pas nous résigner. Nous avons droit à la vérité. »

Beyrouth-Ouest, Tallet el-Khayat, 1985. Gergi Malek Hanna, détenteur d’un doctorat en informatique et professeur à l’Université libanaise, rentre de son travail. Arrivé à proximité de Canal 7, à Tallet el-Khayat, des inconnus l’abordent. « Ils laissent sa secrétaire partir, l’enlèvent et prennent sa voiture, raconte Nour Hanna, sa belle-sœur. Au début, nous avons pensé...
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