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Nos Lecteurs ont la Parole

L’aventure des Petits Soleils

Dr Noha BAZ
L’idée des Petits Soleils est née un jour de 1983, lorsque, interne en sixième année de médecine, j’ai vu arriver aux urgences de l’Hôtel-Dieu de France à Beyrouth un petit garçon de 8 ans atteint d’une méningite bactérienne et plongé déjà dans le coma. Venant d’un village du Liban-Sud accompagné de son père, il s’était vu refuser l’accès à huit autres hôpitaux avant d’arriver a Beyrouth.
Par manque de moyens, il était voué à recevoir quelques soins palliatifs avant de repartir vers quelque autre centre hospitalier, dans une quête perdue d’avance... Il ne parvint jamais à destination et cette tragique issue mit dans une colère folle l’étudiante en médecine que j’étais, et qui ne pouvait rien faire d’autre à l’époque qu’exhaler sa rage face à l’absurdité d’une situation où un enfant n’échappait à cette autre absurdité, la guerre civile, que pour expirer bêtement aux portes d’un hôpital parce que ses parents manquaient d’argent.
Je me jurai alors qu’une fois diplômée, je ferais de tout pour empêcher une telle situation de se reproduire. Au terme d’une spécialisation en pédiatrie et un travail actif a l’hôpital Necker des enfants malades et à la ville de Paris comme médecin de la petite enfance, nous décidions, mon mari et moi, de rentrer dans un Liban qui reprenait son souffle à l’aube des années 90. J’assurais des consultations hebdomadaires gratuites (tous les mardis matins) au dispensaire Saint-Antoine à Accaoui (Achrafieh) où l’on voyait défiler de nombreux enfants chétifs et mal soignés. Dix-huit mois durant, les Petits Soleils ont parcouru un discret chemin, grâce à des aides octroyées au cas par cas par quelques personnes de bonne volonté, grâce à la contribution de mes parents et de quelques autres personnes de bonne volonté, notamment une adorable grand-mère, Georgine, dont je soignais la petite-fille et qui m’appelait au téléphone juste pour me demander : « Alors, quand est-ce que l’on va sauver d’autres enfants ? »
J’assurais tout aussi bénévolement des consultations à l’AFEL, dans les centres de Bourj Hammoud et de Sin el-Fil où, là aussi, je rencontrais des familles vivant dans des conditions de vie déplorables. On assurait aux enfants un repas chaud et un soutien scolaire après les classes, mais la partie médicale était souvent boiteuse et beaucoup d’enfants traînaient des pathologies diverses qui devenaient handicapantes.
Lors d’une des consultations au dispensaire, je vois arriver un jour une élève de troisième, membre d’une famille de cinq enfants. Toute pâle, pliée en deux, Gladys avait déjà été admise dans un centre hospitalier où avait été diagnostiquée une gastro-entérite. Comme je le soupçonnais déjà à l’auscultation, c’est en réalité d’une pneumonie qu’elle souffrait ; mais sa nécessaire hospitalisation était impossible car le père, chauffeur de taxi, n’ avait que 20 dollars en poche avec lesquels il avait payé la radiographie et qu’il était totalement incapable de payer la caution de 3 000 dollars réclamée par l’établissement.
Me revient alors en mémoire la scène vécue aux urgences quinze ans plus tôt et je décide de payer moi-même. Six semaines plus tard, Gladys, guérie, quitte l’hôpital ; c’est aujourd’hui une belle jeune fille qui a fait des études de secrétariat.
C’est là que je me dis que l’on pourrait aider beaucoup plus d’enfants si l’on se mettait à plusieurs. J’appelle alors un ami informaticien, Salim Eddé, fondateur de la société Murex, doté d’une compassion et d’une empathie extraordinaire. Il commence par me reprocher de ne pas l’avoir appelé plus tôt, on se partage l’addition et il me pousse alors à concrétiser mon idée, qu’il m’avait souvent entendue exposer à Paris. C’est alors la naissance des Petits Soleils.
Depuis 1997, nous n’avons cessé d’accueillir et de traiter des enfants de tous bords, de toutes appartenances sociale, ethnique, ou religieuse.
Notre action couvre le suivi médical, la prise en charge des vaccinations, des prothèses orthopédiques, oculaires, auditives ; le soutien psychologique pour l’enfant et sa famille, ainsi que les frais de l’éducation spécialisée dispensée dans certains centres (centre de Bhannès, Zawrak, centre Saint-Luc, Aïn Saadé, etc).
À ce jour, nous sommes à plus de 8 500 prises en charge et croyez-moi devant le sourire et le mieux-être de ces enfants, j’oublie tout ! Les démarches, le labeur pour lever des fonds, les longues négociations avec les centres de soins... Aider pour moi est le plus beau verbe après celui d’aimer.
Nous avons été aidés par une équipe médicale efficace et discrète, des amis médecins choisis pour leur compétence et leur humanité, tels les Drs Nabil Hokayem, Fernand Dagher, Rafic Baddoura, Georges Dabar, Marwan Nasr et, bien sûr, Patrick Baz, l’ophtalmologue des Petits Soleils.
Nombre de bienfaiteurs au Liban, mais aussi en France, en Suisse, en Espagne et même au Canada et aux États-Unis soutiennent notre action et m’appellent régulièrement pour parrainer un enfant. D’autres ONG nous adressent leurs cas médicaux, comme l’AFEL et le CJC.
Notre mode de fonctionnement est immuable depuis le début. L’enfant est pris en charge, soigné, admis dans un centre hospitalier, avec ma caution personnelle. Le donateur choisi et contacté par nous a alors la possibilité de payer directement le centre de soins s’il le désire. Nous œuvrons avec tous les hôpitaux, du Nord au Sud du Liban, car l’essentiel pour nous est que l’enfant bénéficie du meilleur traitement disponible et qu’il demeure le plus proche possible de sa famille.
Il y a deux ans, nous avons été obligés d’élargir notre prise en charge et de relever de 16 à 21 ans l’âge des enfants soignés. Pour lever des fonds, nous avons multiplié, dix années durant, dîners, déjeuners, spectacles de théâtre, notamment en partenariat avec le Festival d’al-Bustan.
En 2009, lors de l’organisation des « Journées du Liban » à Rambouillet, Gérard Larcher, alors président du Sénat et maire de Rambouillet, a choisi de mettre notre association à l’honneur. Ce tremplin nous a aidés à élargir le nombre de nos donateurs et de bénéficier du soutien d’institutions françaises telles la fondation Merieux, Air France et dernièrement Puressentiel, un de nos sponsors pour le dîner de gala du 3 mars à la Résidence des Pins, qui marquait le quinzième anniversaire des Petits Soleils.
Ce dîner, qui se déroulait dans un cadre de rêve aimablement prêté par l’ambassadeur de France Denis Pietton, était placé sous le signe de la musique (récital de Julien Weiss en prélude), et de la gastronomie grâce au précieux concours de deux grands chefs français, Sébastien Mahe et Sylvain Arthus.
Allier les plaisirs des sens à l’action humanitaire a toujours été ma devise. « Le caritatif ne doit pas être rébarbatif », comme j’aime à le répéter.

Dr Noha BAZ
L’idée des Petits Soleils est née un jour de 1983, lorsque, interne en sixième année de médecine, j’ai vu arriver aux urgences de l’Hôtel-Dieu de France à Beyrouth un petit garçon de 8 ans atteint d’une méningite bactérienne et plongé déjà dans le coma. Venant d’un village du Liban-Sud accompagné de son père, il s’était vu refuser l’accès à huit autres...

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