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À la frontière avec la Syrie, blessés et réfugiés cheminent entre les mines antipersonnel pour arriver au Liban

À Homs, la relève de la troupe s’effectue tous les 3 jours pour éviter que les soldats fraternisent avec les habitants

Il y a vingt kilomètres qui séparent Baba Amr, à Homs, de Hnaïder, à Wadi Khaled. Pourtant, la fuite vers le Liban prend parfois 48 heures.

La frontiere est minée depuis novembre, mais ceux qui fuient Baba Amr sont prêts à risquer leur vie pour quitter l’enfer de fer et de feu.  Joseph Eid/AFP

Hnaïder est l’un des hameaux les plus éloignés de la région de Wadi Khaled. Ici, on se trouve à 20 kilomètres de Homs, et suivant la direction des vents, on entend clairement le bruit de l’artillerie de l’armée syrienne qui pilonne depuis quelques semaines divers quartiers de la ville. En temps clair, on distingue les colonnes de fumée provoquées par les obus.


À l’instar des autres localités de Wadi Khaled, Hnaïder a reçu en mai dernier un important flot de réfugiés. Depuis quelques semaines, elle accueille des familles qui prennent leur courage à deux mains, bravant les francs-tireurs et faisant fi des mines plantées à la frontière pour fuir les quartiers les plus bombardés de Homs.


Hiam, 27 ans, habite Baba Amr. Elle a fui Homs la semaine dernière avec son mari, ses cinq enfants dont le plus jeune est âgé de dix mois, sa belle-sœur enceinte au neuvième mois et la fille de cette dernière.


«C’était devenu intenable. Jusqu’au début de février, on nous bombardait trois jours par semaine, du jeudi au samedi, pour dissuader les manifestants de prendre la rue les vendredis. Mais le pilonnage est devenu plus intensif. On nous pilonnait désormais tous les jours et toutes les heures. On ne pouvait plus sortir de chez nous», dit-elle.


Hiam raconte la fuite de Syrie. «Nous étions une trentaine dans une camionnette. Nous avions procédé par étapes. Le voyage jusqu’au Liban nous a pris 48 heures, normalement il nous faut 20 minutes pour passer la frontière. Nous avions eu de la chance car les soldats postés au barrage à la sortie de Homs nous avaient laissé partir. Ce n’était pas le cas des autres voitures qui nous suivaient. Hors de Homs, nous avons passé la nuit dans une petite localité. Puis le lendemain en soirée, nous avons franchi la frontière à pied. Nous avons marché une heure et demie puis avons été aidés par des personnes qui connaissent la frontière. Elles savaient où les mines étaient plantées, et pourtant, deux hommes qui faisaient partie du groupe ont sauté sur ces engins. Ils ont perdu des membres», poursuit-elle.


Hiam parle des orgues de Staline et des obus de mortier qui s’abattent sur la ville, des snipers, des soldats tenant des barrages et vérifiant des listes de noms, du manque d’eau, de vivres et d’électricité... Son témoignage constitue une sorte de déjà-vu pour les Libanais qui ont vécu les bombardements, l’occupation et la guerre dans leur propre pays.

Guerre civile
Elle évoque aussi les soldats, la plupart des sunnites, comme elle, mais qui se voient obligés de tirer sur les personnes de leur propre communauté.


«Depuis plusieurs mois, la relève de la troupe a lieu tous les trois jours. C’est simple, les soldats fraternisent rapidement avec les habitants et le régime veut éviter cela», souligne-t-elle. «Beaucoup de soldats veulent déserter, mais ils n’ont nulle part où aller. Si une famille accueille un déserteur, c’est tout le quartier qui est perquisitionné puis pilonné», ajoute-t-elle.


Hiam évoque aussi la quasi-impossibilité d’avoir accès aux soins médicaux. «Nous n’osions pas aller dans les hôpitaux. Dans les institutions publiques, un blessé était tout de suite arrêté, tout manque dans les cliniques privées. Il y a des blessés qui meurent faute de soins», poursuit-elle.


«Nous sommes sans nouvelles de notre famille restée au pays depuis que nous sommes arrivés au Liban. Les lignes avec la Syrie sont coupées», ajoute-t-elle.


«Il y a une école à côté de chez moi, elle a été transformée en centre de torture. C’était insupportable. Je n’arrêtais pas d’entendre des gens crier de douleur sous les mains de leurs bourreaux. Mon fils aîné, âgé de 7 ans, est traumatisé. Quand il entend des cris ou des obus qui éclatent, il se glisse sous
un tapis», raconte-t-elle
encore.
Oui, Hiam a des proches qui sont morts, des voisins qui ont été torturés. Mais elle ne s’attarde pas sur le sujet.

Déserter? Pour aller où?
C’est aux soldats à majorité sunnites, comme elle, qu’elle pense surtout. Ils ne peuvent pas prendre d’initiative. S’ils défendent les leurs, refusent les consignes, ils seront abattus. Ils ne peuvent pas quitter l’armée. Pour aller où? S’ils désertent, ils n’ont que les munitions qu’ils portent sur eux et elles s’épuisent beaucoup trop vite.


Sans se rendre compte, Hiam tient un discours sectaire: «Ce sont les alaouites qui s’en prennent aux musulmans, explique-t-elle. Nous voulons des armes. Nous ne voulons pas que les étrangers nous défendent, nous pouvons compter sur nous-mêmes si nous sommes bien armés. Qu’ils nous donnent de quoi nous battre et nous ferons le reste. Seuls les alaouites ont des armes. Il nous a même été interdit de posséder un fusil de chasse.»
A-t-elle un rêve? Hiam répond sans hésiter: «Oui, la mort de Bachar el-Assad.»


Elle ajoute qu’elle restera au Liban jusqu’à ce jour qu’elle attend avec impatience.

 


Hnaïder est l’un des hameaux les plus éloignés de la région de Wadi Khaled. Ici, on se trouve à 20 kilomètres de Homs, et suivant la direction des vents, on entend clairement le bruit de l’artillerie de l’armée syrienne qui pilonne depuis quelques semaines divers quartiers de la ville. En temps clair, on distingue les colonnes de fumée provoquées par les obus.
À l’instar des...