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Culture - Qu’est-ce que vous me chantez là ?

« Le déserteur » : Nous sommes tous les enfants de Boris

Quand Boris Vian écrit en 1955 « Le déserteur ». Cette chanson populaire est un texte emblématique de la poésie française engagée. Publié dans le douloureux contexte de la guerre d’Algérie, c’est un chant de protestation, mais aussi le symbole de la liberté d’expression face à la censure et aux carcans de l’ordre établi. N’est-ce pas encore d’actualité ?

Marcel Mouloudji, premer interprète du « Déserteur ».

«Monsieur le Président, je vous écris une lettre que vous lirez peut-être, si vous avez le temps. Je viens de recevoir mes papiers militaires pour partir à la guerre avant mercredi soir. Monsieur le Président, je ne veux pas la faire, je ne suis pas sur terre pour tuer des pauvres gens. C’est pas pour vous fâcher, il faut que je vous dise, ma décision est prise, je m’en vais déserter.»
Mais ce sont de véritables ondes sismiques que cette chanson simple et ces mots, cris du cœur, vont susciter. En effet, outre le contexte de la guerre d’Algérie, c’est par pur hasard que cette chanson est enregistrée le 7 mai 1954, jour même de la défaite de Diên Biên Phu. Paul Faber, conseiller municipal de la Seine, choqué du passage à la radio de cette chanson, demande à ce qu’elle soit censurée. Boris Vian écrit une lettre mémorable qu’il diffuse partout sous forme de lettre ouverte, sous le nom de «Lettre ouverte à monsieur Paul Faber». Mais la radiodiffusion et la vente de ce chant antimilitariste furent interdites. L’interdiction sera levée en 1962.

Répercussions...
Chanter Le déserteur en France en 1963-1964 sera moins problématique qu’en 1954 où les tensions, les inimitiés, les querelles intestines étaient fortes dans et hors de l’Hexagone. C’est pourquoi Mouloudji avait demandé à Boris Vian de modifier certaines paroles. Ainsi, «Monsieur le Président» est remplacé par «Messieurs qu’on nomme grands»; «Ma décision est prise, je m’en vais déserter» est remplacé par «Les guerres sont des bêtises, le monde en a assez». De plus, étant un non-violent, Marcel Mouloudji veut aussi modifier la fin car il n’imagine pas avoir un fusil et, de surcroît, tirer sur des gendarmes. Il semble que Boris Vian lui aurait répondu: «Tu fais comme tu veux Moulou, c’est toi qui chantes». C’est donc la version Mouloudji qui sera apprise par tous les jeunes entre 1954 et 1960, transmise par les associations militantes et syndicales. Marcel Mouloudji fut donc le premier à chanter Le déserteur, tous les artistes sollicités s’étant désistés. Bizarrement, elle sera interprétée après 1960 par une multitude de chanteurs, notamment Serge Reggiani, Richard Anthony, Johnny Hallyday ou Peter, Paul and Mary. Ces derniers, ainsi que Joan Baez se l’approprieront pour la chanter aux États-Unis, durant les marches pacifistes, au début de la guerre du Vietnam. C’est ce qui fit dire à Jean Ferrat, dans sa chanson Pauvre Boris, en 1966: «Il paraît que Le déserteur est un des grands succès de l’heure quand c’est chanté par Anthony. Voilà quinze ans en Indochine, la France se déshonorait et l’on te traitait de vermine, de dire que tu n’irais jamais. Pauvre Boris.»
Pauvres sont ceux qui sont encore aliénés par la haine de l’autre et les chants de guerre et qui ne savent pas qu’un déserteur est en fait un homme libre.

«Monsieur le Président, je vous écris une lettre que vous lirez peut-être, si vous avez le temps. Je viens de recevoir mes papiers militaires pour partir à la guerre avant mercredi soir. Monsieur le Président, je ne veux pas la faire, je ne suis pas sur terre pour tuer des pauvres gens. C’est pas pour vous fâcher, il faut que je vous dise, ma décision est prise, je m’en...

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