La plupart des photographies ont été prises dans le palais d’été, non loin de Pékin, et montrent notamment la princesse vêtue à la manière de Guanyin, déesse de la compassion. Ailleurs, on la voit dans un bateau sur un lac avec des membres de sa cour, toujours en costumes extravagants.
Elle met en scène
ses portraits
«Ce qui frappe dans ces clichés, nous précise-t-on, c’est leur théâtralité. CiXi a créé une esthétique unique qui mixe le style de la cour Qing avec son grand flair pour le sens scénique, la mode et la dévotion religieuse. Il y a cent ans, elle utilisait la stratégie de la communication par l’image, comme le ferait aujourd’hui un politicien pour séduire son assise.»
À noter que, sans aller jusqu’à ce genre de manipulation, la reine Victoria d’Angleterre pactisait bien avec la caméra, sachant cadrer ses portraits et ceux de sa famille.
L’impératrice s’était inspirée de l’un des divertissements les plus populaires du pays: le théâtre. Et elle en a retenu des mises en images chargées de symboles qu’elle envoyait aux membres de sa cour, à ses sujets et à l’audience étrangère. Certains de ses portraits étaient spécialement composés pour être offerts aux diplomates et aux visiteurs de marque venus d’ailleurs. Néanmoins, son but de redorer son blason n’a pas été atteint. Malgré tout son apparat, la presse occidentale ne voyait en elle qu’une personne démoniaque, cruelle et magouilleuse, une impression qui a duré jusqu’après son décès en 1908.
Cette série de photographies, réalisées dans le pur esprit «public relations» de nos jours, a été achetée par le musée à la sœur de leur auteur, qui était venue s’installer aux États-Unis.
Et cet album de l’impératrice douairière est plus qu’un document historique. Selon un spécialiste de cette époque, il est considéré comme une utilisation de la caméra pour réécrire l’histoire. «La Dragon Lady par excellence était au creux de la vague en matière de réformes politiques, mais elle a atteint des sommets en utilisant les médias pour contrôler son image.»