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Culture - Récompense

L’incroyable moment de Firas Abou Fakhr, lauréat d’un Bafta pour la musique d'un documentaire

Compositeur de la musique du documentaire « The Shamima Begum Story », l’ancien claviériste et guitariste de Mashrou' Leila a décroché la récompense pour sa réalisation, tandis que le film remportait tous les prix dans la catégorie « affaires courantes ».

L’incroyable moment de Firas Abou Fakhr, lauréat d’un Bafta pour la musique d'un documentaire

Photo de famille de l’équipe de « The Shamima Begum Story » aux Bafta Awards. À droite, Firas Abou Fakhr tenant son trophée, habillé par Zaid Farouki, le 12 mai, au Royal Festival Hall, à Londres. Photo Instagram @firasfir

Il est 10h30 à Beyrouth, deux heures de plus qu’à Londres où Firas Abou Fakhr se réveille à peine. Notre message lui rappelle qu’il ne s’est pas rêvé sur la scène du Royal Festival Hall, recevant pour sa musique sur le documentaire The Shamima Begum Story un Bafta inattendu. Le trophée doré, en forme de masque théâtral, lui est tombé dans la main presque malgré lui. Lundi matin, quelque chose tremble encore dans sa perception de la réalité. Il sait depuis jeudi que le film est nominé à l’équivalent britannique des oscars américains ou des césars français pour la télévision. Il a obtenu un visa d’urgence et réservé un vol in extremis, samedi, la veille de la cérémonie. En dernière minute, constatant qu’il n’a pas de costume pour la circonstance, il fait appel au créateur palestino-jordanien Zaid Farouki pour lui en tailler un à toute vitesse. Arrivé à Londres déjà à bout de souffle, il rencontre pour la première fois l’équipe du film avec laquelle il travaille à distance depuis plusieurs mois.

Quatre films étaient en lice pour la catégorie « Current Affairs » : Inside Russia: Traitors and Heroes ; Putin vs. the West ; Russell Brand: In Plain Sight et The Shamima Begum Story. Et c’est ce dernier qui a remporté le titre pour l’édition 2024. Rembobinons ! Le parcours du guitariste et pianiste dont les groupies libanais n’ont pas oublié les impros, du temps où il jouait avec Mashrou’ Leila, le conduit, après dix ans avec le groupe indépendant, à la production et à la musique de film.

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Victime de traite humaine

The Shamima Begum Story est un documentaire réalisé par le journaliste d’investigation Josh Baker. Il a fallu 8 ans à ce dernier pour tourner les parties de ce film de 1h29min, qui raconte l’histoire vraie de Shamima Begum. À 15 ans, Shamima Begum, née de parents originaires du Bangladesh, quitte Londres avec deux amies pour rejoindre le groupe terroriste État islamique. La nouvelle emballe les médias du monde entier. Les jeunes filles sont surnommées les Bethnal Green Girls. Quatre ans plus tard, enceinte de son troisième enfant, Shamima Begum émerge des cendres du califat autoproclamé et tente désespérément de rentrer chez elle. Comme elle ne montre pas de remords convaincants pour cette période de sa vie, le gouvernement britannique considère qu’elle représente une menace et lui retire sa citoyenneté. Elle vit toujours en Syrie, dans un camp de prisonniers. Ses avocats affirment qu’elle est victime de traite humaine et qu’elle devrait être autorisée à rentrer au Royaume-Uni. Josh Baker suit son histoire depuis le jour de son départ, essayant de comprendre – et de montrer – ce qui s’est réellement passé.

Entre Turquie et Syrie, risquant leur vie pour trouver Shamima

« Je me souviens que Josh Baker et Sara Obeidat m’ont contacté. Lors de ce premier appel, nous avons parlé de beaucoup de choses, notamment de la musique du projet », confie Firas Abou Fakhr. « Nous avons surtout parlé des expériences qu’ils ont vécues tout au long de ce voyage, entre Turquie et Syrie, risquant leur vie pour enfin trouver Shamima... Ce sont les conversations les plus intéressantes et les plus fructueuses, je pense », poursuit le compositeur. Dans un premier temps, il écrit la musique du podcast enregistré parallèlement au film. « J’avais déjà commencé à composer la musique des premiers épisodes du podcast lorsque j’ai commencé à travailler sur le film. Mais je peux vous dire qu’il m’a fallu un mois pour trouver le bon ton avant que les choses ne s’enchaînent », détaille Firas Abou Fakhr, qui affirme par ailleurs : «Honnêtement, c’est l’incroyable passion et l’effort de travail de l’équipe qui m’ont poussé à aller de l’avant, en essayant de les suivre. »

Shamima et l’apatridie, la radicalisation, le conditionnement, la violence

À la question de savoir si la composition de cette musique l’a rendu plus sensible au parcours de Shamima, Firas Abou Fakhr répond oui sans hésiter : « Nous avons abordé des thèmes majeurs : l’apatridie, la radicalisation, le conditionnement, la violence... mais nous sommes toujours revenus à la voix de Shamima et à son expérience. Tous ces thèmes sont plus importants que jamais, je pense. » Quant à son approche de la musique pour ce documentaire souvent très dur, il explique : « Je voulais que les gens comprennent les forces complexes en jeu dans la vie de Shamima, l’ampleur des pressions gouvernementales et des conflits géopolitiques qui pèsent sur elle, mais aussi la réalité d’une jeune fille de quinze ans qui a quitté son foyer, s’est rendue en Turquie et a été introduite clandestinement en Syrie pour rejoindre Daech. Nous avons constamment discuté de la manière de maintenir l’élan et d’aller de l’avant jusqu’au bout, malgré le fait que l’histoire se déroule dans plusieurs pays et sur plusieurs années. » Paradoxalement, le compositeur considère que ces parties du film ont été très amusantes et rapides à composer et qu’en revanche, les parties les plus difficiles étaient celles qui ne nécessitaient que peu ou pas de musique, les moments d’introspection et de réflexion personnelle. « J’étais très intéressé par la création de paysages sonores ambiants à partir d’instruments réels, montés et traités dans un lieu inconnu. Très souvent, je devais maintenir la tension d’une scène pendant de nombreuses minutes, et le “souffle” d’un véritable instrument porte la vie, même avec une seule note tenue pendant des minutes. Il y a eu beaucoup d’expériences et d’échecs, surtout au cours des premières semaines », confie-t-il aussi.

Le musicien et compositeur libanais Firas Abou Fakhr. Photo DR


« Savoir qui j’étais sans Mashrou’ Leila »

La récompense du Bafta est loin de monter à la tête de ce passionné de cinéma, qui s’est lancé dans la composition de musique pour des court-métrage et des projets visuels depuis 2016. Quand on lui demande de comparer son approche avec celle des géants de la musique de film, les Hans Zimmer, Ennio Morricone ou Gabriel Yared, il explique simplement que chaque projet dicte techniques et approche, et que chaque cinéaste travaille de manière unique avec le compositeur. « Je pense que l’une des forces de tous ces immenses artistes est qu’ils sont capables de produire des œuvres qui s’inscrivent dans une vision plus large, qu’il s’agisse d’un film d’action à grand spectacle ou d’un drame se déroulant dans un seul lieu », souligne Firas Abou Fakhr. « Pour moi, l’expérience de la musique est primordiale. L’endroit où les gens vont découvrir la partition a un effet considérable sur mes choix et mes décisions », poursuit-il.


Sur sa traversée du désert après Mashrou’ Leila, le musicien confie : « Je mentirais si je disais que cela n’a pas été difficile. Faire de la musique avec Mashrou’ Leila était tout ce que j’avais fait pendant plus de 10 ans, et pendant longtemps, je n’ai pas trouvé le moyen de savoir qui j’étais sans cela. J’ai malgré tout trouvé des moyens de continuer à créer, parfois pour des choses extraordinaires, comme The Shamima Begum Story, mais aussi parfois pour rien du tout, ce qui est également très important. »

Quant à son ressenti au moment de recevoir le trophée, Firas Abou Fakhr commente brièvement, visiblement sonné : « Nous avons gagné ! C’est encore un peu surréaliste. »

Il est 10h30 à Beyrouth, deux heures de plus qu’à Londres où Firas Abou Fakhr se réveille à peine. Notre message lui rappelle qu’il ne s’est pas rêvé sur la scène du Royal Festival Hall, recevant pour sa musique sur le documentaire The Shamima Begum Story un Bafta inattendu. Le trophée doré, en forme de masque théâtral, lui est tombé dans la main presque malgré lui. Lundi...
commentaires (2)

Certains Libanais composent et leur cousins décomposent. Un ou deux par jour!!

Zampano

13 h 40, le 15 mai 2024

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Commentaires (2)

  • Certains Libanais composent et leur cousins décomposent. Un ou deux par jour!!

    Zampano

    13 h 40, le 15 mai 2024

  • Bravo!

    Michele Aoun

    20 h 27, le 14 mai 2024

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