Rechercher
Rechercher

Culture - Collectionneurs

Michel Harmouche, éclectisme et coups de cœur

Michel Harmouche, un nom synonyme de goût et de raffinement, et signature de quelques-uns des plus beaux décors d’intérieurs beyrouthins. Rien de plus normal donc si le propre appartement de cet esthète regorge d’œuvres éclectiques. Des pièces allant du XVIIIe italien au contemporain russe, espagnol et français, dont certaines spécialement réalisées pour lui !

Michel Harmouche posant dans son salon devant une de ses propres toiles surplombant deux sculptures de Lalanne. (Photo Michel Sayegh)

Une sculpture monumentale, en métal mobile de May Richani, trône dans son salon. Pas loin d’une antique statue de femme de Palmyre, en pierre, grandeur nature, et qui semble poser sur les visiteurs franchissant le pas de cet appartement d’esthète un regard ébahi venu de la nuit des temps.
Un peu plus loin, dans un couloir, une huile de l’école italienne du XVIIIe siècle, offrant une vue en perspective de Venise, fait face à un portrait, elliptique, de jeune homme au regard perçant, signé Bahman, peintre kurdo-allemand contemporain. Dans un corridor, deux eaux-fortes, l’une de Raoul Duffy, l’autre d’Henri Matisse, témoignent de la sincérité de ce collectionneur qui n’exhibe pas les signatures prestigieuses et fait se côtoyer, sur un même pied d’égalité, ces dernières avec des œuvres de peintres inconnus. C’est d’ailleurs dans les pièces intimes, du côté des chambres, que l’on peut admirer la profusion de toiles d’artistes européens, libanais ou russes et de panneaux helléniques ou italianisants, qui occupent les murs ou même ornent parfois les têtes des lits des habitants de cet appartement. Normal, c’est une passion partagée pour les belles œuvres qui lie Michel et Jacqueline Harmouche, sa femme française, rencontrée, il y a 60 ans, à l’époque de ses études aux Arts déco de la rue d’Ulm, à Paris. Et c’est leur affinité artistique qui nourrira la très éclectique collection de peintures et de sculptures qu’ils constitueront, ensemble, au fil des années.
Une collection initiée au tout début des années cinquante par l’acquisition d’un plat hispano-mauresque – trônant toujours sous vitrine dans la salle à manger – qu’«on avait aimé tous les deux, se souvient Michel Harmouche, sans avoir la moindre idée de sa valeur. Et dont on possède aujourd’hui une trentaine de pièces qui valent une fortune», s’exclame-t-il.
À l’époque, installés à Paris, les Harmouche accumulent, au gré de leurs coups de cœur, des œuvres d’artistes qu’ils côtoient, mais aussi des pièces chinées aux puces, achetées dans les galeries ou les ventes... «Il m’est arrivé de faire beaucoup de bêtises pour acquérir certaines pièces», lance malicieusement l’architecte décorateur, aujourd’hui reconverti en peintre.

Peintures XVIIIe et bestiaire de Lalanne
Et s’il voue une sorte de tendresse à ses pièces de collection, dont il parle parfois comme de vraies personnes – «normal, je vis avec», vous dira-t-il –, le monsieur avoue être versatile. Et détaché. Ce qui peut sembler paradoxal pour un collectionneur! «Eh oui, je ne suis pas possessif. Quand j’aime une chose, j’en profite au maximum, mais si quelqu’un me la demande, je peux la lui donner.» Pas tout à fait gratuitement quand même! Il vient ainsi de se séparer d’une Libellule géante (4 m de longueur x 90 cm de largeur) de François-Xavier Lalanne qui, depuis plus de trente ans, avait accompagné les tribulations de la famille entre Paris et Beyrouth (où elle avait, notamment, passé 14 années dans les caves à cause du manque de place dans l’appartement parisien puis de la guerre au Liban) avant de se poser, durant deux décennies, dans son salon, puis de s’en envoler à la demande – assortie d’un gros, gros chèque – d’un jeune amateur.
Il lui reste quand même de ce fameux sculpteur français trois autres œuvres de dimensions beaucoup plus modestes: deux hippopotames, l’un en bronze l’autre en fonte laquée bleu, posés sur une desserte, ainsi qu’un rhinocéros en métal cuivré «que Lalanne a spécialement réalisé pour moi», assure-t-il. Une sculpture qui s’ouvre comme une boîte à secrets et qui évoque, en format réduit (celle-ci est posée sur une table basse), le célèbre Rhinocrétaire, bureau en forme de rhinocéros, l’une des pièces cultes de l’artiste français.
Tout un bestiaire qui s’inscrit, avec une élégante fantaisie, dans un décor fourmillant – sans surcharge – de délicates et millénaires effigies pompéiennes, amphores crétoises, peintures de Pierre Lesieur, Alekos Fassianos, Farid Aouad, José Hernandez, Vahram et... Michel Harmouche himself parmi d’autres artistes russes, français, espagnols et italiens du XVIIIe.
Un cadre d’un raffinement vivant et chaleureux qui raconte, avec éloquence, la curiosité et les enthousiasmes de ce collectionneur qui ne cultive qu’un seul regret: celui de n’avoir pu s’offrir un Picasso en 1948. «Une toile en noir et blanc, représentant une femme de dos se peignant, et qui coûtait 600 francs français, soit l’équivalent de mon salaire à l’époque», se souvient-il. Un collectionneur qui n’est cependant absolument pas figé dans le passé. La preuve: à la question de savoir à laquelle de ses pièces de collection il est le plus attaché, sa réponse fuse instantanément: «Celle à venir.»
Une sculpture monumentale, en métal mobile de May Richani, trône dans son salon. Pas loin d’une antique statue de femme de Palmyre, en pierre, grandeur nature, et qui semble poser sur les visiteurs franchissant le pas de cet appartement d’esthète un regard ébahi venu de la nuit des temps. Un peu plus loin, dans un couloir, une huile de l’école italienne du XVIIIe siècle,...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut