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Nos Lecteurs ont la Parole

Enseignement et débouchés : quelques questions

Par Marwan SEIFEDDINE
Monsieur le Ministre de l’Économie et du Commerce,
Ma lettre s’adresse aussi bien à vous qu’à M. le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Elle fait suite à votre conférence donnée le 5 janvier à l’Université Saint-Esprit de Kaslik sur les défis et perspectives de l’économie libanaise en 2012 et dont j’ai lu avec un grand intérêt le compte rendu succinct publié le lendemain dans L’Orient-Le Jour. Vous avez, à juste titre, mis l’accent sur l’importance que revêtent pour l’économie de notre pays la formation des jeunes et la réforme de tout le système éducatif. Ce problème fondamental est souvent occulté par le grand bruit fait dans la presse locale autour de deux aspects : le premier concerne le nombre élevé de jeunes Libanais ayant reçu une formation universitaire et qui ont eu la chance de trouver un emploi dans les pays arabes voisins, le second a trait aux succès des plus doués de nos étudiants qui ont décroché de hauts diplômes d’universités prestigieuses d’Europe et d’Amérique, et dont la plupart se retrouvent enseignants et chercheurs dans ces mêmes universités. Or, d’une part, l’enseignement supérieur dans les pays arabes, notamment ceux du Golfe, a fait d’énormes progrès au cours des dix dernières années et, d’ autre part, les politiques de ces pays en matière d’emploi accordent de plus en plus la priorité au recrutement des autochtones. Ces deux facteurs ne feront que rétrécir les possibilités qu’auront les jeunes Libanais de trouver un emploi dans les pays voisins, à moins d’une approche différente dans la conception de notre système éducatif. Quant à nos jeunes prodiges disséminés dans les grands centres d’excellence à l’étranger, ils font surtout le bonheur des pays dans lesquels ils poursuivent leur prestigieuse carrière, laissant à leur pays d’origine la seule consolation de vanter leurs exploits avec une fierté souvent mêlée de tristesse.
Il est grand temps, eu égard à l’acuité du problème du chômage des jeunes au Liban, de se départir de cet optimisme béat et de cette complaisance irritante que gouverneurs et gouvernés ont souvent tendance à manifester concernant notre système d’éducation. Certaines questions doivent être clairement posées. L’enseignement primaire et secondaire dispensé par nos écoles et dont nous nous sommes tant enorgueillis par le passé répond-il toujours de par son contenu et sa qualité aux exigences modernes ? Sommes-nous mieux nantis actuellement, avec près de quarante universités et établissements d’enseignement supérieur au Liban, qu’il y a vingt ans quand le pays en possédait seulement une dizaine ? En langage plus cru, quelle est la qualité de l’enseignement dispensé par tous ces établissements créés après 1990 et auxquels des permis ont été octroyés à la va-vite pour des raisons qui ne relèvent pas toujours du noble dessein de promouvoir l’enseignement supérieur ? Quels débouchés offre notre système universitaire aux deux tiers de ses étudiants engagés dans les filières des lettres et des sciences humaines ? L’enseignement supérieur scientifique accorde-t-il l’importance qui lui revient à la recherche appliquée, aux technologies modernes et aux métiers d’avenir ?
Ce même enseignement parvient-il à bénéficier de la compétence et du savoir acquis par ses boursiers ayant préparé leurs thèses dans des centres de recherche à l’étranger ? Qu’en est-il de l’enseignement technique et de la formation professionnelle qui constituent un élément essentiel à la promotion des petites et moyennes entreprises, sources d’emploi, d’approches novatrices et de création de valeur ajoutée ? Enfin et surtout, comment s’insère notre système éducatif dans une vision d’ensemble du développement de notre pays ?
Toutes ces questions appellent des réponses afin de permettre l’élaboration d’une refonte de notre système d’éducation et de formation qui devrait logiquement s’articuler autour de trois axes principaux : les avantages économiques comparatifs du Liban avec en arrière-plan le cadre économique et social régional, les besoins du marché local du travail et les conditions à remplir pour la construction à long terme d’une économie du savoir.
La formulation et la mise en œuvre d’une réforme de notre système d’éducation et de formation devraient être le fruit d’une réflexion et d’une collaboration étroite des responsables et des principales parties prenantes dans les domaines de l’économie, de l’éducation et de l’emploi. Ainsi, beaucoup de personnes seraient heureuses de vous voir, Monsieur le Ministre, prendre l’initiative d’organiser, de concert avec vos collègues, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et le ministre du Travail, les états généraux de l’éducation et de la formation au Liban qui ne seraient pas limités aux seuls représentants des trois « E » (Économie, Éducation, Emploi), mais incluraient aussi des représentants de la société civile. Plus d’une institution multilatérale de développement serait, j’en suis certain, disposée à vous prêter son concours dans une telle initiative.
Monsieur le Ministre de l’Économie et du Commerce,Ma lettre s’adresse aussi bien à vous qu’à M. le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Elle fait suite à votre conférence donnée le 5 janvier à l’Université Saint-Esprit de Kaslik sur les défis et perspectives de l’économie libanaise en 2012 et dont j’ai lu avec un grand intérêt le compte...

commentaires (2)

Très intéressante intervention de M. Seifeddine. Je souhaiterais que les éventuelles réponses des ministres concernés soient publiées, ce serait très instructif qu'un débat soit ouvert sur ce sujet crucial suite à cette initiative.

Robert Malek

06 h 43, le 12 janvier 2012

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Commentaires (2)

  • Très intéressante intervention de M. Seifeddine. Je souhaiterais que les éventuelles réponses des ministres concernés soient publiées, ce serait très instructif qu'un débat soit ouvert sur ce sujet crucial suite à cette initiative.

    Robert Malek

    06 h 43, le 12 janvier 2012

  • Mr. Safieddine, dans son etude du systeme educatif au Liban, a vise dans le mille. Je me permettrais cependant les remarques suivantes et je serais heureux de savoir s'il les agree: 1) Les jeunes ne trouvent pas de debouches au Liban parceque les secteurs de l'agriculture, de l'industrie, et meme celui du tourisme ne recoivent pas d'encouragement de la part des Autorites.Il n'existe pas de plans nationaux agricoles,industriels et touristiques a l'heure actuelle. Nos dirigeants n'ont pas de politique a long terme dans ces domaines essentiels. 2) Les techniques de "modern management" ne sont pas suffisamment enseignees dans notre pays et leur mise en application, rare dans le secteur prive, n 'existe pratiquement pas dans le secteur public.

    George Sabat

    00 h 02, le 12 janvier 2012

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