Rechercher
Rechercher

À La Une - Analyse

Turquie : L'AKP achève la mise au pas de l'armée sans rassurer les démocrates

"Rien ne garantit aujourd'hui que l'armée sera un acteur entièrement extérieur au jeu politique ».

L'ex-chef d'état-major des armées turques, le général à la retraite Ilker Basbug, a été placé en détention préventive tôt vendredi accusé d'avoir voulu renverser le gouvernement, dernier épisode du conflit de pouvoir opposant l'armée aux dirigeants politiques islamo-conservateurs. Osman Orsal/Reuters

En incarcérant, vendredi, pour tentative de putsch l'ex-chef d'état major des armées turques, le général Ilker Basbug, la justice turque, qui a déjà emprisonné des dizaines d'officiers ces dernières années dans le cadre de diverses enquêtes sur des projets supposés de coup d'Etat, s'en prend pour la première fois à un ancien numéro un de la hiérarchie militaire. Le général Basbug, en fonction jusqu'en 2010, est accusé d'avoir dirigé une "organisation terroriste" dans le cadre d'une enquête sur la création supposée par des officiers de sites internet diffusant de la propagande contre le Parti au pouvoir de la justice et du développement (AKP) et de fausses informations pour déstabiliser la Turquie.

 

La confrontation de l'officier, aujourd'hui à la retraite, avec la justice a été accueillie avec satisfaction par les milieux proches de l'AKP, qui y voient une avancée décisive de la démocratie. "Le simple fait qu'Ilker Basbug, qui autrefois désignait d'un geste du doigt là où la justice doit s'arrêter, soit interrogé indique un changement de système", se réjouissait ainsi vendredi Mahmut Övür dans le quotidien pro-gouvernemental Sabah.

 

Pour d'autres analystes cependant, le passage du général devant les juges, attendu car il était désigné par ses subordonnés déjà incriminés comme le commanditaire de leurs actions, n'est que l'ultime étape d'une lutte de pouvoir déjà remportée par l'AKP.

"L'événement a une charge symbolique évidente (...) mais le Rubicon avait déjà été franchi il y a environ un an et demi. Ce sont à présent les soubresauts finaux", estime Ahmet Insel, de l'université stambouliote de Galatasaray, faisant référence à l'ouverture fin 2010 du procès de près de 200 militaires accusés de complot, dont de nombreux généraux.

 

La démocratie turque s'est-elle désormais affranchie de la tutelle sur la sphère politique de l'armée, qui se veut la garante de la laïcité? Pas sûr.

"Rien ne nous garantit aujourd'hui que l'armée (...) sera un acteur entièrement extérieur au jeu politique. L'armée pourrait parfaitement intervenir en politique aux côtés du gouvernement", estime M. Insel, auteur d'un livre sur l'armée turque.

 

Dans les colonnes du quotidien Taraf, qui a joué un rôle crucial depuis sa fondation en 2007 dans la critique de l'armée et la dénonciation de projets supposés de coup d'Etat, Ahmet Altan, rédacteur en chef, salue, de son côté, "un pas important vers la démocratie". "Mais ce n'est pas suffisant", prévient-il : "Nous envoyons Basbug devant les juges mais nous évitons soigneusement de pousser l'Etat à d'avantage de transparence". Altan cite notamment en exemple la mort de 35 villageois kurdes la semaine dernière dans un raid de l'aviation turque, et l'absence de communication sur les causes de cette erreur.

 

Zülfu Livaneli, chroniqueur du quotidien Vatan et ancien député social-démocrate, ne veut pas s'exprimer sur la réalité des faits imputés au général. "L'armée a un sombre passé" en Turquie, dit-il laconiquement. Mais il dresse un constat qui fait douter des lendemains chantants de la démocratie turque : "Beaucoup de personnes sont actuellement en prison depuis des années dans l'attente de leur jugement (pour complot). Certains sont coupables, d'autres sont innocents. Dans tous les cas, c'est vraiment très dérangeant."

 

En incarcérant, vendredi, pour tentative de putsch l'ex-chef d'état major des armées turques, le général Ilker Basbug, la justice turque, qui a déjà emprisonné des dizaines d'officiers ces dernières années dans le cadre de diverses enquêtes sur des projets supposés de coup d'Etat, s'en prend pour la première fois à un ancien numéro un de la hiérarchie militaire. Le...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut