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À La Une - Le point

En attendant le pire

La nouvelle guerre d’Irak vient de commencer, sans les Américains cette fois. Elle promet d’être longue, sanglante, impitoyable, avec au bout du compte une peu agréable issue, si bien résumée jadis par le chef gaulois Brennus : vae victis (malheur aux vaincus). Tout cela au moment où, d’une côte à l’autre, la presse yankee annonce en fanfare la fin de l’engagement des boys dans une expédition aussi coûteuse qu’inutile. La preuve...
Ayad Allaoui, ancien Premier ministre (2004-2005), Oussama al-Noujayfi, président du Parlement, et l’actuel ministre des Finances Rafeh al-Issawi viennent de publier dans le New York Times un appel au secours qui en dit long sur les dangers de la crise actuelle. À moins que les États-Unis n’interviennent rapidement pour aider à la formation d’un véritable gouvernement d’union nationale, écrivent-ils, notre pays est condamné (sous-entendu à disparaître). Consciente de l’importance de l’enjeu, l’administration démocrate a promis de dépêcher dans les prochains jours le vice-président Joe Biden, avec pour mission de circonscrire le début de sinistre. Il y a tout lieu de douter des chances de succès de la médiation, en raison surtout de l’acharnement mis par Nouri al-Maliki à compliquer une conjoncture déjà passablement embrouillée.
Rappel des faits : il y a une dizaine de jours, le vice-président de la République Tarek al-Hachémi faisait l’objet d’un mandat d’arrêt pour « collusion avec des groupes terroristes », sur dénonciation obligeamment assurée par ses gardes du corps, sous la torture, prétendent les mauvaises langues, ignorant sans doute que de telles pratiques ne sauraient exister en terre mésopotamienne. L’intéressé, désireux sans doute de se prémunir contre tout risque d’abus, choisit de se réfugier au Kurdistan et accepte de passer devant un tribunal, à condition que le procès se déroule à Erbil, capitale de cette province autonome du pays.
À partir de là, le cours des événements s’accélère : pressions accrues du Premier ministre sur ses adversaires ; raidissement de la Iraqiya, le groupe parlementaire d’opposition fort de ses 91 députés et des 2 849 612 voix obtenues lors des législatives (24,7 pour cent de l’ensemble de l’électorat), qui boycotte le cabinet ; début de rébellion des quatre provinces à majorité sunnite (al-Anbar, Salaheddine, Ninawah, Diyala) ; agitation dans le gouvernorat chiite de Bassora, qui réclame une forme d’autonomie lui permettant de jouir des revenus du pétrole. À tout cela, le chef du gouvernement répond par une offensive en règle contre ses anciens alliés devenus ses ennemis, confirmant ainsi les accusations d’ « autocratie sectaire » qui se multiplient menaçant le fragile équilibre instauré par l’Amérique.
Loin du bruit et de la fureur de la capitale, le chef de l’État Jalal Talabani et le président du Kurdistan Massoud Barzani tentent d’organiser une conférence nationale, des efforts par avance condamnés depuis que se multiplient les appels au boycott d’un exécutif accusé de conduire le pays droit vers une forme de tyrannie que n’aurait pas désavouée feu Saddam Hussein. « Respectez vos partenaires au sein de la coalition, a lancé Issaoui à l’adresse de Maliki, si vous ne voulez pas être balayé par le printemps arabe et devenir un homme du passé. » L’appel est tombé dans l’oreille d’un sourd puisque celui à qui il s’adresse s’est lancé depuis quelque temps dans une offensive visant à semer la discorde au sein de l’autre camp pour mieux l’affaiblir. Mettant à profit les tendances autonomistes apparues à la faveur de la crise actuelle, il travaille en ce moment les tribus, principalement celle des Joubour, dont les chefs se sont montrés coopératifs à condition que soient satisfaites certaines de leurs revendications, notamment celle portant sur l’intégration d’éléments sunnites dans les forces de sécurité ainsi que l’arrêt des mesures vexatoires dont sont victimes les anciens membres du parti Baas.
La manœuvre peut paraître habile ; elle pourrait être court-circuitée par l’initiative de plusieurs blocs politiques qui réclament la médiation de l’Iran pour régler le problème Hachémi. Alors, arbitrage kurde ou arbitrage iranien ? Dans un cas comme dans l’autre, on voit clairement qui sera le vainqueur et dans quelle direction s’oriente l’Irak, un pays qui, depuis 1932 (année d’une toute relative indépendance), progresse, si l’on peut dire, au rythme des putschs et des dictatures. Leur appel, Allaoui et ses deux compagnons le concluent par ces mots : « Le retrait américain nous laisse avec l’Irak de nos cauchemars, un pays où un système militaire partisan, et non pas le peuple ou la Constitution, protège un régime sectaire. »
Immuable Mésopotamie, en attente toujours d’un Saddam. Ou d’un Hajjaj.
La nouvelle guerre d’Irak vient de commencer, sans les Américains cette fois. Elle promet d’être longue, sanglante, impitoyable, avec au bout du compte une peu agréable issue, si bien résumée jadis par le chef gaulois Brennus : vae victis (malheur aux vaincus). Tout cela au moment où, d’une côte à l’autre, la presse yankee annonce en fanfare la fin de l’engagement des boys dans...
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