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À La Une - Le point

La grande confrontation

Quel dénominateur commun relie-t-il entre eux les faits suivants : la chute brutale, hier, du rial iranien, la reprise des manifestations à Bahreïn, les troubles en Syrie, l’appel saoudien à l’union des pays du Golfe et l’exacerbation des tensions internes en Irak ? Réponse : le gigantesque bras de fer régional engagé entre la République islamique et le royaume wahhabite, avec pour théâtre la majeure partie des pays du Proche-Orient.
Mardi, la monnaie iranienne piquait du nez : 15 000 rials pour un dollar. Mais le pays « ne fait face à aucun problème particulier », a affirmé sans rire Mahmoud Ahmadinejad, en dépit du sévère blocus, vieux de dix-huit mois, imposé par l’Occident avec pour conséquences une planche à billet qui fonctionne à plein régime pour pallier les difficultés de trésorerie, avec pour contre-effet, plutôt inattendu, une réduction du déficit grâce à la fluidité des taux de change.
Dans le minuscule royaume des al-Khalifa, les chiites s’apprêtent à repartir à l’assaut de la place de la Perle de Manama, haut lieu de leur contestation en février et mars de cette année, las de constater l’inanité des promesses faites à l’époque et jamais tenues depuis. Les revendications des contestataires – appartenant tous à une communauté largement majoritaire avec près de 80 pour cent de la population – portent sur l’instauration d’une monarchie constitutionnelle (la présente dynastie est en place depuis 250 ans), la démission du gouvernement et de nouvelles élections, la réintégration dans leur emploi des personnes licenciées, enfin l’ouverture d’une enquête « sérieuse » sur la répression des derniers mois qui a fait une cinquantaine de tués et des centaines de blessés. Le mouvement, maté à l’époque par une force saoudienne accourue en catastrophe à l’appel du roi Hamad II, se veut pacifique et seulement réformiste. De fait, les contestataires ne sont armés que de calicots rappelant leurs exigences et de haut-parleurs pour rameuter leurs partisans.
À l’autre bout de la carte, la Syrie, en proie à de violentes convulsions, a vu il y a peu la Ligue arabe sortir soudain de sa légendaire hibernation pour appeler à des réformes immédiates et profondes. On retiendra que lesdites réformes, sitôt annoncées par le pouvoir, étaient systématiquement ignorées ou même rejetées par l’opposition, devenue jusqu’au-boutiste au fil des semaines – mais cela est une autre histoire. Et déjà, la dernière initiative, l’envoi d’observateurs arabes, a connu un sort similaire, les anti-Assad demandant au Conseil de sécurité des Nations unies de se saisir de l’ensemble du dossier, une éventualité jusque-là jugée impensable. Ainsi, tandis que le régime tergiverse pour tenter de gagner du temps – on se demande ce que ce facteur pourrait apporter, sinon un plus grand raidissement de l’autre partie –, l’adversaire pratique une escalade, en jouant lui aussi la montre. Détail qui a son importance : pour la première fois après des années où les Wahhabites, surtout l’actuel souverain, passaient pour proches de Damas, Riyad monte systématiquement au créneau pour tancer ses anciens amis, talonné en cela par l’émirat de Qatar, tout heureux de l’occasion qui lui est offerte de jouer dans la cour des grands.
En début de semaine, le roi Abdallah d’Arabie saoudite a sonné le tocsin. « Nous sommes menacés dans notre sécurité et notre stabilité, a-t-il lancé à l’ouverture du sommet annuel du Conseil de coopération du Golfe. Je vous demande de passer de la coopération à l’union au sein d’une seule entité », sans pour autant préciser les modalités d’une telle intégration. D’ailleurs, il n’est pas certain que les cinq monarchies qui, avec l’Arabie, forment depuis 1981 le CCG (Qatar, Koweït, Bahreïn, Omar, Émirats arabes unis) voient d’un œil complaisant se déployer au-dessus de leurs têtes une ombrelle censée les protéger de l’insatiable gloutonnerie iranienne. D’autant plus que les contours de l’avenir demeurent plutôt flous en raison du vieillissement de la classe dirigeante et des échecs à répétition qui paraissent devenir la marque de fabrique du grand frère américain.
C’est toutefois sur le ring irakien que se dispute à poings nus le combat du siècle, comme le prouve le nouveau round mettant aux prises le vice-président sunnite Tarek al-Hachémi et le chef du gouvernement chiite Nouri al-Maliki, l’enjeu cette fois étant non pas un vague complot terroriste dans lequel aurait trempé le premier, lequel, réfugié dans la région autonome du Kurdistan, se dit prêt à comparaître devant un tribunal mais en territoire contrôlé par les hommes de Barazani, un sunnite pourtant. À ce propos, a-t-on oublié que tout au long de la confrontation Irak-Iran, dans les années quatre-vingt, les Saoudiens alimentaient l’économie de guerre de Saddam Hussein à raison de 60 milliards de dollars par an ?
La rivalité entre les deux camps autorise les explications les plus farfelues, comme celle qui voit dans l’émergence salafiste, un peu partout dans le monde arabe, la preuve d’un complot US pour contrer la montée en puissance des ayatollahs. Se non è vero, è bene trovato, diraient les Italiens.
Quel dénominateur commun relie-t-il entre eux les faits suivants : la chute brutale, hier, du rial iranien, la reprise des manifestations à Bahreïn, les troubles en Syrie, l’appel saoudien à l’union des pays du Golfe et l’exacerbation des tensions internes en Irak ? Réponse : le gigantesque bras de fer régional engagé entre la République islamique et le royaume wahhabite, avec...
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