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Nos Lecteurs ont la Parole

Le printemps et les minorités

Par Raymond NAMMOUR
Le Moyen-Orient traverse une période historique. Les Arabes non musulmans s’inquiètent de leur sort dans le nouveau paysage politique. La dictature du nombre risque-t-elle de remplacer la dictature tout court ? Le débat posé appelle une vue d’ensemble avant de s’arrêter sur le cas du Liban.
Une vue d’ensemble d’abord.
La quasi-totalité des pays de la région ont vécu depuis la décolonisation sous des régimes non démocratiques. Ils s’étaient érigés en rempart contre l’intégrisme et avaient bénéficié à ce titre de la bienveillance de l’Occident. Aujourd’hui, l’Occident semble changer d’approche. Il a enfin compris qu’il ne peut reporter indéfiniment les rendez-vous de l’histoire.
Il s’est lancé ainsi dans une nouvelle mission, s’appuyant sur un trépied d’un genre nouveau : les aspirations populaires, les intérêts économiques, la suprématie militaire.
C’est cette dernière qui a permis à l’OTAN de soutenir les aspirations du peuple libyen et de réaliser les intérêts économico-pétroliers occidentaux sans perdre un seul soldat.
Une guerre « propre », confirmant le nouveau Yalta du XXIe siècle : le Proche et Moyen-Orient tournera désormais autour de l’orbite occidentale.
N’est-ce pas pour juguler ce « danger » que l’imam Khamenei s’est dépêché, lors du récent sommet de Téhéran, de mettre en garde les révolutionnaires musulmans contre toute compromission avec l’Occident ? Et c’est là que le problème minoritaire prend toute sa dimension.
Les chiites représentent en effet la plus grande « minorité » du Moyen-Orient, l’islam officiel sunnite les considérant historiquement comme non musulmans.
Bousculé par l’expansionnisme khomeyniste cherchant à pousser ses pions au cœur du monde arabo-sunnite, en Irak, en Syrie, au Liban, à Bahreïn, au Yémen ; secoué par l’onde de choc résultant de l’invasion de l’Irak ;
déçu par la paix israélo-arabe qui n’a concrétisé aucune de ses promesses ; désespéré par une crise économique interdisant jusqu’à l’espoir d’un avenir meilleur ; révolté par la corruption et le népotisme des régimes au pouvoir ; réconforté par un modèle turc alliant islam et modernité ;
« facebookisé » et « twiterisé » par la mondialisation informant tout le monde de tout et tout de suite, le volcan sunnite ne pouvait qu’exploser, rassemblant les diverses énergies politiques, y compris celles de l’inquiétante nébuleuse intégriste.
En instaurant la loi du nombre avec liberté d’action laissée aux mouvements salafistes, l’islam laissera-t-il une place socio-politique aux non musulmans ? Nul ne le sait avec certitude.
Ce qui est par contre certain, c’est que l’islam de 2011, dans son écrasante majorité, n’a plus grand-chose à voir avec celui d’Ibn Taymiya, de Hassan el-Banna ou de Ben Laden. Les rêves du retour au califat musulman ne germent plus que dans certains esprits en marge des sociétés orientales.
Et c’est une des conséquences directes du printemps arabe qui révèle jour après jour le deuxième volcan en cours d’ébullition, celui des nations.
Les Arabes sont enfin en train d’arpenter les sentiers du nationalisme : on est, certes, musulmans mais aussi et avant tout tunisiens, égyptiens, libyens, syriens.
Et c’est à ce niveau que résiderait la solution du fait minoritaire, qui ne s’apaisera qu’avec l’instauration des États de droit, conséquence la plus directe de l’émanation des États-nations.
Les minorités ont par conséquent tout intérêt à s’investir corps et âmes dans le printemps arabe pour arriver au plus vite et avec le minimum de dégâts à des États légitimes et stables, seuls garants de la pérennité de tous.
Qu’en est-il du cas particulier du Liban ?
Les premiers bourgeons du printemps arabe avaient éclos à Beyrouth en 2005.
Aujourd’hui, les larves révolutionnaires sont aux portes de la ville. Le voisin syrien s’est réveillé et a pris son destin en main. Et voilà que les prélats chrétiens créent la stupéfaction en souhaitant une deuxième chance au régime chancelant de Bachar el-Assad. De nombreux chrétiens s’indignent de ces propos et appellent ouvertement à soutenir la lutte du peuple syrien. Une des conséquences de cette controverse est de révéler les états d’esprit enfouis dans la conscience collective chrétienne depuis au moins treize siècles, date des premières rencontres entre l’islam et la chrétienté.
En effet, au départ du message mahométan, les gens du Livre devaient choisir entre trois attitudes : adopter la nouvelle religion, se soumettre à la nouvelle loi coranique en acceptant le statut humiliant de dhimmi, faire face et en assumer les conséquences.
Les chrétiens du Liban ont préféré se réfugier dans les grottes et les montagnes pour résister aux nouveaux conquérants. La vallée sainte de Quannoubinne témoigne jusqu’à nos jours de l’opiniâtreté et du courage de ces éternels rebelles que furent les maronites.
N’empêche que, de temps en temps, des résurgences de la dhimmitude des temps anciens refont surface en affirmant des absurdités du genre : « Puisqu’on ne peut désarmer Hezbollah, on n’a qu’à vivre sous sa férule. » À cela est venu s’ajouter un aveuglement politique, celui-là même qui s’était illustré quelques années auparavant avec deux guerres totalement inutiles.
C’est ainsi qu’au profit d’une chimérique vision nationale, de nombreuses réalités criantes sont occultées :
– L’alliance des minorités n’a apporté et n’apportera que destruction et exode.
– La seule « orbite » salutaire pour les chrétiens d’Orient n’est ni perse ni occidentale ; elle est bel et bien arabe, conformément à leurs langues, leurs traditions et leurs intérêts.
– La révolution du Cèdre a scellé définitivement l’attachement des sunnites à l’entité libanaise.
– L’unique garant des chrétiens du Liban, mis à part leur propre volonté de résistance, est l’État de droit et la primauté du national sur les particularismes confessionnels.
Les prélats chrétiens, notamment ceux du Liban et tout particulièrement les maronites, ne peuvent se compromettre avec le nazisme des temps modernes que représente le parti Baas.
Ce n’est pas uniquement une question politique, c’est avant tout une obligation morale.
Le Moyen-Orient traverse une période historique. Les Arabes non musulmans s’inquiètent de leur sort dans le nouveau paysage politique. La dictature du nombre risque-t-elle de remplacer la dictature tout court ? Le débat posé appelle une vue d’ensemble avant de s’arrêter sur le cas du Liban.Une vue d’ensemble d’abord.La quasi-totalité des pays de la région ont vécu...

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