La Haute Cour de Londres a confirmé hier l’extradition de Julian Assange vers la Suède, un jugement qui reste susceptible d’appel devant la Cour suprême. Ben Stansall / AFP
Assange, qui dispose de 14 jours pour faire appel de la décision auprès de la Cour suprême, n’a pas immédiatement annoncé sa décision à la sortie du tribunal. « Nous allons réfléchir à nos prochaines démarches dans les jours qui viennent », a-t-il dit dans une brève déclaration devant une forêt de micros et de caméras. Le fondateur de WikiLeaks, âgé de 40 ans, est accusé par deux Suédoises d’avoir eu des relations contraintes et non protégées en août 2010, ce qu’il dément.
La Haute Cour a notamment rejeté l’argument selon lequel certains faits qualifiés de viol en Suède pouvaient s’apparenter à un acte consenti au Royaume-Uni. « On voit difficilement comment une personne peut raisonnablement être dite consentante si elle affirme qu’elle dormait », a estimé la Cour dans ses attendus, ajoutant « qu’en outre, le consentement n’aurait pas été donné sans préservatif ». Rappelons qu’il est reproché à Julian Assange d’avoir eu des relations sexuelles non protégées avec une des plaignantes, qui avait explicitement demandé l’utilisation d’un préservatif. L’autre plaignante lui reproche d’avoir profité du fait qu’elle était endormie pour lui imposer un rapport sexuel. La Cour a également rejeté l’argument selon lequel l’extradition n’était pas « proportionnée », faisant état de la « gravité » des agressions sexuelles. Elle a aussi estimé que le mandat d’arrêt européen était bien légal, ce que contestaient les avocats d’Assange, avançant qu’il avait été émis par un simple procureur et non un tribunal.
L’Australien a été arrêté en décembre au Royaume-Uni sous l’effet d’un mandat d’arrêt européen. Assange nie formellement les faits qui lui sont reprochés. Il dénonce une machination politique, liée à la divulgation par le site WikiLeaks de centaines de milliers de télégrammes diplomatiques américains à partir de novembre 2010, faisant de lui la bête noire de Washington.
Dans une autobiographie « non autorisée » publiée en septembre, Assange avait démenti une nouvelle fois les viols qui lui sont reprochés, lançant : « Je suis peut-être un phallocrate, mais pas un violeur (...). Ces deux femmes ont eu des relations sexuelles pleinement consenties avec moi. »
En onze mois de bataille judiciaire, Julian Assange a perdu gros : ses soutiens ont fondu de même que sa superbe de croisé de la transparence, et sa machine à scoops, WikiLeaks, est menacée de fermeture. Lors de son arrestation en décembre dernier, Assange affichait une combativité à toute épreuve, restant intarissable sur « la machination » ourdie par les États-Unis en vue de le déporter à Guantanamo via la Suède. En effet, il est persuadé que ses ennuis découlent uniquement de la publication en 2010 par WikiLeaks de documents classés de l’armée américaine sur l’Afghanistan et l’Irak, suivie de la divulgation de 250 000 télégrammes diplomatiques américains.
Dans les mois précédant son interpellation, Assange a mené une existence digne d’un roman d’espionnage, passant d’un pays à l’autre, évitant de dormir plusieurs jours de suite dans le même lit, effaçant ses traces en changeant constamment les puces de son portable.
Progressivement, les fuites dans la presse se raréfient, les interviews s’espacent, l’isolement gagne du terrain. Un ex-porte-parole allemand de l’organisation, Daniel Domscheit-Berg, a fustigé son « autoritarisme » dans un brûlot. Les principaux médias partenaires de WikiLeaks prennent leurs distances. « J’en suis venu à voir Julian Assange comme un homme qui peut faire à la fois figure de héros ou de méchant », écrit le rédacteur en chef du New York Times, Bill Keller.
(Source : AFP)