Alexis Jenni, lauréat du Goncourt 2011, tout à son bonheur aujourd'hui mercredi 2 novembre. Alexis Jenni signait son livre, lundi, au Salon du livre francophone de Beyrouth, au stand de la librairie. Antoine Bertrand Guay/AFP
Le Goncourt, le plus prestigieux des prix littéraires français, a été attribué mercredi à Alexis Jenni pour son premier roman, "L'art français de la guerre" (Gallimard), fascinante fresque entre Indochine et Algérie qui questionne l'héritage des guerres coloniales.
Grand favori de ce prix convoité, ce professeur lyonnais de biologie de 48 ans a été choisi "au premier tour par 5 voix contre 3 à Carole Martinez", a annoncé l'un des membres du jury Didier Decoin.
Deux autres prétendants étaient en lice, Sorj Chalandon, déjà lauréat du Grand prix du roman de l'Académie française jeudi, Carole Martinez et l'écrivain haïtien Lyonel Trouillot.
Alexis Jenni l'avoue humblement, il se considérait jusqu'ici comme "un écrivain du dimanche". Cet agrégé de biologie n'a pourtant jamais cessé d'écrire depuis vingt ans, mais "de petites choses" restées dans ses tiroirs ou qui n'ont pas marché.
Il s'attelle voici cinq ans à ce livre, récit d'aventure et réflexion sur l'héritage des conflits coloniaux. Son épopée entre Indochine et Algérie achevée, il envoie son manuscrit de près de 700 pages, par la poste, à un seul éditeur, Gallimard, dont c'est le centenaire et qui flaire aussitôt la révélation de la rentrée.
La plupart des critiques sont aussi conquis et les éloges pleuvent depuis la sortie du livre sur cet amoureux du cinéma, de bandes dessinées et de botanique, qui tient un blog dessiné, "Voyages pas très loin". "C'est un roman naturaliste par sa méthode, musclé par son style, enlevé comme un chant, inspiré comme une méditation qui court sans jamais peser, atroce comme un procès verbal", s'émerveille Patrick Rambaud, l'un des jurés du Goncourt.
Loin des premiers romans souvent nombrilistes, "L'art français de la guerre", au style classique, épique, parfois un peu grandiloquent, est un chant inspiré, baigné de sang et de combats, une méditation sur l'identité nationale et ces vingt ans de guerres coloniales qui marquent encore les esprits aujourd'hui.
S'il a beau "ne pas croire aux racines, parce que nous ne sommes pas des arbres", Alexis Jenni questionne son absence "de chromosomes français": "à Marignan, en 1515, mes ancêtres étaient en face !". "Le débat sur l'identité nationale m'a beaucoup inspiré mais je n'ai aucune préconisation, aucun avis. Je voulais amener à réfléchir", explique l'écrivain.
Le roman, très lisible mais exigeant, a déjà été vendu à plus de 56.000 exemplaires. Il devrait bientôt faire beaucoup mieux : un Goncourt se vend en moyenne à 400.000 exemplaires.
Le prix Renaudot a, par ailleurs, couronné mercredi Emmanuel Carrère pour son fascinant "Limonov" (P.O.L), portrait du sulfureux Edouard Limonov, idole underground sous Brejnev, clochard à New York, écrivain branché à Paris et fondateur d'un parti ultranationaliste en Russie.
L'écrivain, qui faisait figure de favori pour ce prix convoité, a été choisi par le jury au deuxième tour par six voix contre quatre à Sylvain Tesson "Dans les forêts de Sibérie" (Gallimard).
Emmanuel Carrère, auteur de "Limonov". Photo AFP
Avant de devenir écrivain, scénariste et réalisateur, Emmanuel Carrère, né en 1957 à Paris, a débuté comme critique de cinéma à Positif et Télérama. Ses ouvrages sont traduits dans une vingtaine de langues.
Son premier roman, "L'Amie du jaguar", est publié chez Flammarion en 1983, les suivants sortiront chez P.O.L : "Bravoure" (1984), "La Moustache" (1986), "La Classe de neige", Prix Femina en 1995 puis Prix du jury à Cannes en 1997 dans son adaptation à l'écran par Claude Miller.
En 2000, il publie "L'Adversaire", adapté au cinéma par Nicole Garcia, avant "Un Roman russe" (2007) et "D'autres vies que la mienne" (2009).
Il a également réalisé deux films, "Retour à Kotelnitch" en 2003 et "La Moustache" avec Vincent Lindon et Emmanuelle Devos en 2005.
En 2010, il a été membre du jury du Festival de Cannes présidé par Tim Burton.
Limonov existe. Emmanuel Carrère, dont les grands-parents maternels ont fui la Russie après la Révolution, l'a rencontré à Moscou. Né Edouard Savenko le 22 février 1943, il a dix ans à la mort de Staline. C'est lui qui prend le nom de guerre "Limonov", tiré du mot qui signifie "grenade" - celle qui explose - en russe.
Il a été voyou en Ukraine, idole de l’underground soviétique, clochard puis valet de chambre d’un milliardaire à Manhattan. Ecrivain branché à Paris, soldat perdu dans les guerres des Balkans puis vieux chef charismatique d’un parti de jeunes desperados, le parti national-bolchevik.
"Lui-même se voit comme un héros, on peut le considérer comme un salaud. Je suspends pour ma part mon jugement", explique Emmanuel Carrère qui se met aussi en scène dans le roman, ainsi que sa mère, l'historienne et académicienne Hélène Carrère d'Encausse, spécialiste de la Russie.
"Je suis extrêmement content" d'avoir obtenu le Renaudot, a déclaré l'écrivain peu après l'attribution du prix. "Cela doit être inattendu pour Limonov. Je vais bien sûr lui dire rapidement", a-t-il ajouté.
Grand favori de ce prix convoité, ce professeur lyonnais de biologie de 48 ans a été choisi "au premier tour par 5 voix...