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À La Une - L'Orient Littéraire - Portrait

Alexis Jenni, nouveau venu et déjà là

Alexis Jenni, lauréat du prestigieux prix Goncourt 2011.

D’Alexis Jenni, on sait peu de choses. Et pour cause : il y a deux mois, c’était un parfait inconnu. Mais voilà, Gallimard a publié son premier roman L’art français de la guerre pour sa rentrée littéraire, et depuis, les médias s’affolent, des articles dithyrambiques paraissent chaque jour, et ce Lyonnais de 48 ans, professeur de sciences naturelles dans un lycée de Lyon, est propulsé sur le devant de la scène. Il est au cœur du « buzz » des milieux de l’édition et son livre fait partie des sélections des principaux prix littéraires. Lui-même se définit comme « on ne peut plus normal » et s’avoue surpris par cette explosion médiatique, même s’il concède sur son blog qu’en ce moment, ses rêves sont en train de rejoindre sa réalité.

 

Son roman de plus de six cents pages raconte l’amitié entre un jeune homme et son maître de dessin, Victor Salagnon, ancien officier des guerres coloniales et seul peintre de ces armées. Mais ce récit est aussi une interrogation sur la transmission, sur ce qui est dit des guerres dans les familles de ceux qui y ont participé, et sur le rôle de ces paroles ou des silences dans la construction identitaire. La question de la langue est également au cœur du travail de Jenni, qui se plaît à citer Barthes : « La langue, comme performance de tout langage, n’est ni réactionnaire ni progressiste ; elle est tout simplement fasciste ; car le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire. Si l’on appelle liberté, non seulement la puissance de se soustraire au pouvoir, mais aussi et surtout celle de ne soumettre personne, il ne peut donc y avoir de liberté que hors du langage. Malheureusement, le langage humain est sans extérieur : c’est un huis clos. (…) Il ne reste, si je puis dire, qu’à tricher avec la langue, qu’à tricher la langue. Cette tricherie salutaire, cette esquive, ce leurre magnifique, qui permet d’entendre la langue hors pouvoir, dans la splendeur d’une révolution permanente du langage, je l’appelle pour ma part : littérature. » Paroles qui permettent de poursuivre avec lui la réflexion sur les révolutions qui balaient le monde arabe depuis des mois. « Ce qui se joue, dit-il, c’est certes une révolution sociale et politique, mais c’est aussi une libération de la parole, une volonté des peuples de raconter vraiment ce qui s’est passé dans leurs pays et quels sont les vrais enjeux. Jusque-là, les dictatures exerçaient une mainmise sur l’histoire et sur les récits, et à présent, il y a un désir de reprendre la parole. En cela, ces révolutions ont une dimension que l’on pourrait qualifier de “romantique”. »

 

Jenni se dit très touché par ce qui se passe depuis quelques mois et s’avoue une proximité plus forte avec les pays du Maghreb en particulier, car « les Maghrébins ne nous sont absolument pas étrangers. Avec eux, nous partageons une histoire, y compris dans ses épisodes violents, une langue et une culture ». Il observe d’ailleurs que les Tunisiens ont congédié leur dictateur mafieux avec un mot français, le fameux « dégage ». Lui qui écrit dans son roman : « la guerre hante notre langue » se plaît à souligner que tous les événements majeurs laissent leur trace dans les langues ; certains mots deviennent comme piégés, interdits d’usage, quand d’autres s’inventent ou se chargent de connotations nouvelles. La question de sa propre identité française s’est également posée à lui, à quoi il répond que la langue est fondamentale dans cette identité et que prendre soin de cette langue le joint aux autres Français, « quel que soit leur accent ». « Jamais, dit le narrateur du roman, je ne pourrais partir ailleurs, jamais je ne pourrais respirer sans cette langue qui est mon souffle. »

 

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D’Alexis Jenni, on sait peu de choses. Et pour cause : il y a deux mois, c’était un parfait inconnu. Mais voilà, Gallimard a publié son premier roman L’art français de la guerre pour sa rentrée littéraire, et depuis, les médias s’affolent, des articles dithyrambiques paraissent chaque jour, et ce Lyonnais de 48 ans, professeur de sciences naturelles dans un lycée de Lyon, est...

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