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Nos Lecteurs ont la Parole

I.- En Syrie, une révolution pas comme les autres

Pr Fady FADEL
Quarante et un ans sont passés depuis le « mouvement correctif » mené le 13 novembre 1970 par Hafez el-Assad, intronisé Premier ministre puis président de la République arabe syrienne jusqu’à son décès en 2000, et la nomination de son fils Bachar à la tête du pouvoir suite à une révision constitutionnelle. Depuis lors, on assiste pour la première fois à compter du 14 mars 2011 à une révolution populaire menée par le bas, loin des coups d’État orchestrés entre 1954 et 1970 par les militaires et les appareils des partis politiques.
Or cette révolution populaire et la prise de conscience des Syriens des valeurs des libertés publiques n’arrivent pas seules dans le monde arabe. Elles s’inscrivent bel et bien dans le contexte du printemps arabe, partant de la Tunisie jusqu’en Égypte, en passant par le Yémen et Bahreïn, sans parler des réformes conjoncturelles ayant eu lieu au Maroc et en Jordanie.
Pourtant, la situation en Syrie constitue une unicité, tant sur le plan de la complexité de la mosaïque religieuse de la société syrienne qu’à l’échelle géopolitique.
En effet, contrairement à la Tunisie ou encore à l’Égypte et au Yémen, la société syrienne est composée de musulmans sunnites, d’alaouites, de chrétiens et de druzes, les sunnites (arabes et kurdes) étant majoritaires, à 74 %, les autres communautés sont de l’ordre de 25 %1. Or depuis 1970, date de l’accès au pouvoir de Hafez el-Assad et la consécration de la dynastie héréditaire, ce sont les alaouites qui détiennent les rênes du pouvoir politique, économique et sécuritaire.
Depuis 1970, le régime syrien se montre protecteur des minorités en Syrie, voire dans la région, n’hésitant pas à écraser en février 1982 à Hama le soulèvement populaire de plusieurs dizaines de milliers de Syriens, accusés d’intégrisme.
La donne aujourd’hui a changé. L’opinion publique arabe et internationale est plus sensible et plus puissante dans son jugement du comportement des régimes autoritaires. La communauté internationale est plus attentive au développement des événements en Syrie. Les médias suivent de près le déroulement des faits syriens. Les puissances régionales sunnites, telles que la Turquie et l’Arabie saoudite, contrôlent les promesses et l’action du régime syrien.
Ce concours de circonstances et de faits nous amène à nous interroger sur la complexité de la révolution syrienne et ses perspectives ambiguës. En effet, non seulement les enjeux géopolitiques commandent cette ambiguïté, mais l’avenir des relations entre la majorité sunnite et les minorités pluriconfessionnelles représente une épée de Damoclès.
Dès lors, il convient d’examiner en premier lieu les revendications « populaires » et leur pertinence dans le contexte pluriconfessionnel en Syrie (1re partie), avant de développer en second lieu les défis à relever tant par le régime en place que par les opposants, pour le maintien d’une paix civile entre les différentes composantes confessionnelles syriennes (2e partie).

1.- Les revendications des opposants : contre les minorités ou contre la majorité ?
Depuis le 14 mars 2011, nous assistons à un soulèvement contre un état des lieux qui dérange des Syriens.
Or sur le plan économique, l’arrivée de Bachar el-Assad au pouvoir en 2000 fut le prélude d’un certain nombre de réformes économiques : création de zones franches, modernisation du système bancaire, autorisation des privatisations de sociétés commerciales et industrielles, d’institutions éducatives et universitaires, etc.
Si cette donne constitue une réalité incontournable peu contestée, il n’en demeure pas moins que le taux de chômage qui frappe 16 % des Syriens, notamment chez les jeunes, est une menace constante sur l’avenir de la population.
Au-delà de ces enjeux économiques, les opposants et les manifestants en Syrie se sont soulevés pour réclamer le rétablissement des libertés publiques, le pluralisme politique, la liberté d’expression, d’opinion et de la presse...
En un mot, leurs revendications portent sur une réforme politique du pays, dont la prise de conscience se situe au niveau moral. C’est-à-dire que l’éveil des Syriens pour un changement radical dans le régime se situe plus au niveau éthique qu’au niveau de la prise du pouvoir. Il s’agit de la revendication en premier lieu du respect de la dignité et des droits humains avant tout projet politique bien constitué.
Dans le sillage de cette mouvance, on retrouve des points communs avec les autres soulèvements populaires en Tunisie, en Égypte ou à Bahreïn.
Il n’en reste pas moins que cette base de revendications commande déjà l’avenir des relations entre la majorité sunnite et les minorités confessionnelles, alaouite et chrétiennes. En effet, l’arsenal juridique en place permettant au régime des Assad de gouverner depuis les années 1970 ne peut plus fonctionner comme tel désormais. Par exemple, l’article 8 de la Constitution empêche le pluralisme politique, en organisant le monopole du parti Baas. L’appartenance à un parti « à connotation religieuse » est passible de prison, en raison de l’interdiction des Frères musulmans, l’appartenance à ce dernier mouvement faisant encourir la peine capitale.
Le fait de contester ces interdictions et de revendiquer des réformes structurelles de la vie politique peut-il être l’apanage d’une communauté confessionnelle contre une ou les autres ? À cet effet, il convient de signaler que les minorités en Syrie ne devraient aucunement craindre les réformes structurelles politiques, ou dénoncer les revendications des changements des tendances autoritaires de l’actuel régime. Sinon, le risque qu’elles appuient, par confusion, l’action répressive de l’actuel régime contre les manifestants est réel. Bien plus, les minorités en Syrie, s’appuyant sur l’exemple des minorités au Liban, devraient revendiquer la consécration des libertés publiques dans l’espace public, seules garantes de leur existence à court, moyen et long terme.
C’est pourquoi, dans le sillage de la révolution présente en Syrie, le clivage entre majorité sunnite et minorités chrétiennes et alaouite devrait s’estomper au profit des valeurs de la tolérance et du respect des principes moraux des droits de la personne et de la collectivité. C’est à cette condition que les Syriens, de toute obédience, peuvent prétendre fonder un espace de vivre en commun pacifique dans l’avenir.
Néanmoins, d’autres défis se présentent qui exigent davantage d’assurance.
(À suivre)

Pr Fady FADEL

Source : Le ministère français des Affaires étrangères, consulté le 31 août 2011, http ://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/syrie_417/presentation-syrie_1291/presentation_1985.html : sunnites (74 %), alaouites (12 %), chrétiens (10 %), druzes (3 %), chiites duodécimains, ismaéliens, juifs.
Quarante et un ans sont passés depuis le « mouvement correctif » mené le 13 novembre 1970 par Hafez el-Assad, intronisé Premier ministre puis président de la République arabe syrienne jusqu’à son décès en 2000, et la nomination de son fils Bachar à la tête du pouvoir suite à une révision constitutionnelle. Depuis lors, on assiste pour la première fois à compter du...

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