D’un Saddam Hussein débusqué dans un trou et pendu haut et court à un Moubarak momifié se défendant pathétiquement derrière les barreaux d’une cellule improvisée, tous les ingrédients d’une justice d’à-propos, d’une procédure de circonstance, avaient été réunis et appliqués.
L’exécution de Mouammar Kadhafi clôture, elle, un chapitre qui aurait pu être embarrassant pour bien de personnes et pour autant de pays. Elle évite un procès qui aurait terni la réputation de beaucoup de néorévolutionnaires-ex collabos, un déballage public qui aurait discrédité tous ceux qui faisaient antichambre pour être admis, un jour ou l’autre, sous la tente du « roi des rois ». Mais le passé est le passé, pourraient rétorquer les nombreux zélateurs qu’anime aujourd’hui une ferveur révolutionnaire redécouverte.
Une page nouvelle s’ouvre donc en Libye, prometteuse des réformes tant attendues, mais porteuse aussi des germes de discordes, de querelles claniques et tribales interminables.
Les révolutions, on ne le sait que trop, sont dévoreuses d’hommes. L’histoire est riche en épisodes sombres et tragiques qui ont fait douter de l’issue espérée, mais qui n’ont été finalement que les jalons nécessaires à l’avènement de la démocratie. Une mutation qui s’opère dans la douleur parce que directement confrontée aux aspérités sociales ou communautaires, aux appétences qui s’éveillent au soleil des libertés retrouvées.
Mais d’ores et déjà les regards se portent ailleurs, loin de la Libye de l’après-Kadhafi, se tournent naturellement vers une Syrie ensanglantée, vers un Yémen éclaté. Une interrogation taraude alors les esprits : les dictateurs qui s’accrochent encore au pouvoir ont-ils tressailli, ont-ils sursauté, ont-ils seulement écarquillé les yeux à la vue du lynchage dont a été victime Kadhafi ? Se sont-ils dit, Ali Abdallah Saleh et Bachar el-Assad, que les temps ont peut-être changé et qu’il serait pertinent, sinon nécessaire pour leur propre sécurité, d’en tirer les conclusions et de plier bagage, tout simplement ?
Croire à un mea culpa, à un sursaut de conscience, c’est comme croire au père Noël : les dictateurs n’admettent jamais leur déconfiture et c’est inévitablement sous les huées des foules qu’ils terminent leur carrière. Une fatalité qui a déjà frappé quatre chefs d’État arabes et dont ne réchapperont pas les derniers tyrans encore en place.
Un mouvement irréversible a été déclenché il y a plusieurs mois en Tunisie ; il a trouvé sa consécration hier même dans ce pays : des élections libres conformes à la règle démocratique. Les islamistes confisqueront-ils la révolution du jasmin ? Toute la question est là, une inquiétude lancinante qui gagne tous les pays arabes qui se libèrent des dictatures.
Un passage obligé dans la tourmente du réveil populaire. La transition se fera nécessairement dans la douleur, c’est à ce prix-là que s’arrache, que s’obtient la vraie liberté.
P.S. : un homme d’honneur, un homme de justice vient de disparaître au terme d’une longue maladie. Antonio Cassese a lutté quasiment jusqu’à la dernière minute de sa vie, à la tête du Tribunal spécial pour le Liban, pour que la vérité prévale, pour que les crimes ne restent plus jamais impunis. Paix à son âme et honte à tous ceux qui se complaisent dans la désinformation, et qui n’ont vu dans sa récente démission que la preuve d’un différend avec le procureur Daniel Bellemare...
M. George Sabat, j'ai surfe sur votre site et il est tres interessant... Comment les simples citoyens peuvent-ils aider leur pays de facon plus concrete?
13 h 46, le 25 octobre 2011