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Culture - Exposition

« Giacometti et les étrusques » à la Pinacothèque de Paris

« C’est du Giacometti ! » Aussi anachronique que soit une telle remarque, les célèbres statuettes et figurines phéniciennes en bronze inspirent régulièrement cette réflexion, au point de se demander si le sculpteur suisse n’a pas été influencé par l’art phénicien.

Erreur ! Les fameuses sculptures en bronze vert-de-gris filiformes, notamment celle de l’Homme qui marche, s’apparenteraient aux figures sculptées longilignes de la civilisation étrusque (du IXe au 1er s. av. J-C). Pourtant Giacometti avait déjà affirmé son style, caractérisé par les séries en bronze des Femmes à Venise et des Hommes qui marchent, entre 1947 et 1950 et, donc, avant sa découverte de l’art étrusque dans une galerie du Louvre en 1955. C’est dire le caractère un peu forcé de la comparaison à laquelle se livrent les organisateurs de l’exposition « Giacometti et les Étrusques », à la Pinacothèque de Paris. L’intérêt d’une telle exposition réside essentiellement dans la présentation pédagogique d’une civilisation méconnue et brillante, dont l’origine divise encore les historiens. Il semble cependant que les contacts des Étrusques avec les Phéniciens au VIIe siècle soient attestés, ainsi que la séduction exercée sur eux par l’esthétique orientale.
Au lendemain de sa découverte de l’art et de la civilisation des Étrusques au Louvre, Giacometti, fasciné, se rendit en Toscane afin d’approfondir ses recherches sur cette civilisation antique. C’est au musée de Volterra qu’il tomba sous le charme de l’œuvre sculptée emblématique du monde étrusque, l’Ombre du soir, statuette votive filiforme d’une soixantaine de centimètres, ainsi nommée par le poète italien Gabriele d’Annunzio.
Prêté par le musée Guarnacci, le chef-d’œuvre étrusque fait courir les foules. La première partie de l’exposition est essentiellement consacrée à la civilisation étrusque. Plus de cent cinquante objets sont exposés avec une trentaine de sculptures de Giacometti, et quelques dessins de l’artiste sur ses cahiers, ces derniers prêtés par la Fondation Maeght (Saint-Paul-de-Vence). Se succèdent ainsi de surprenantes séries de sculptures utilisées lors de rites funéraires, urnes cinéraires, vases canopes en terre cuite (urnes cinéraires avec une tête sculptée), kyathos en bronze, askos, œnochoés et cratères en céramique (le tout venu en majorité de Toscane et en particulier du Musée archéologique de Florence), déroulant les quatre grandes périodes de l’histoire étrusque, de la période villanovienne jusqu’à la période hellénistique.
C’est dans la seconde partie de l’exposition, « Rencontre de deux mondes », que l’on en vient à Giacometti. Dans les salles du sous-sol se révèle enfin la fameuse Ombre du soir, à quelques pas de la sculpture Femme debout de Giacometti. La statue étrusque, celle d’un jeune homme au corps démesurément long et lisse, attire comme un aimant. Avec son sourire énigmatique, ses traits apparents, ses cheveux nettement dessinés, elle est plus élaborée que les figures verticales, émaciées, rugueuses, aux traits estompés, du grand sculpteur du XXe siècle. Comme si elle affrontait le temps et la mort avec plus de confiance.
Dans cette comparaison entre l’art étrusque et celui de Giacometti éclatent cependant la puissance créatrice du sculpteur, son interrogation constante de la mort, sa quête de sens. Ses silhouettes épurées, ses femmes et ses hommes aux pieds énormes traversent la vie, le regard absent, interrogeant l’éternité.
L’exposition met en relief l’amitié et l’admiration que portait le sculpteur suisse à ses amis Jean Genet et Jean-Paul Sartre, et réciproquement. L’œuvre de Giacometti s’éclaire ainsi du regard et de l’analyse qu’en ont fait les deux grands écrivains. Aux yeux de Genet, les statues de Giacometti « semblent appartenir à un âge défunt, avoir été découvertes après que le temps et la nuit – qui les travaillèrent avec intelligence – les ont corrodées, pour leur donner cet air à la fois doux et dur d’éternité qui passe ». Quant à Sartre, il écrit pour l’exposition Maeght (1954) : « Une exposition de Giacometti, c’est un peuple. Il a sculpté des hommes qui traversent une place sans se voir, ils se croisent, irrémédiablement seuls et pourtant ils sont ensemble : ils vont se perdre pour toujours, mais ne se perdraient pas s’ils ne s’étaient cherchés. »
L’exposition parisienne a le mérite de montrer que cette quête du sens de la vie est commune à l’humanité depuis la nuit des temps et que ses expressions, primitives ou modernes, se font écho à travers les gestes immémoriaux de la création artistique.
Erreur ! Les fameuses sculptures en bronze vert-de-gris filiformes, notamment celle de l’Homme qui marche, s’apparenteraient aux figures sculptées longilignes de la civilisation étrusque (du IXe au 1er s. av. J-C). Pourtant Giacometti avait déjà affirmé son style, caractérisé par les séries en bronze des Femmes à Venise et des Hommes qui marchent, entre 1947 et 1950 et, donc, avant...

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