Depuis le double veto russe et chinois au Conseil de sécurité contre une résolution condamnant le régime syrien, la communauté internationale ne cache plus un certain désenchantement à l’égard de la situation en Syrie. Tout en multipliant les déclarations fermes incitant le président syrien à quitter le pouvoir et en affirmant sur toutes les tribunes internationales que ce régime est de toute façon condamné à la chute, les responsables occidentaux ont revu à la prolongation sa durée de survie. Selon des sources diplomatiques occidentales, les instituts d’études et de recherches américains estiment désormais que le régime syrien en aurait encore pour un an et demi. Cette théorie se base essentiellement sur les conséquences des sanctions économiques imposées au régime et à son quasi-isolement diplomatique et politique, puisqu’il semble clair pour l’instant qu’aucune action militaire n’est envisagée à l’intérieur de la Syrie. Même la Turquie, qui constitue apparemment le fer de lance de l’OTAN dans le dossier syrien, semble avoir de plus en plus de difficultés à doter l’opposition qu’elle parraine d’un bastion à l’intérieur du territoire syrien en raison de ses problèmes internes.
Les instituts d’études et de recherches américains estiment encore que le régime a besoin approximativement d’un milliard de dollars par mois pour continuer à tenir les rênes du pouvoir alors que ses réserves s’élèveraient à 17 milliards de dollars. C’est pourquoi il ne devrait plus avoir de fonds suffisants dans un an et demi. Ce sujet aurait d’ailleurs été évoqué par les responsables américains avec leurs homologues libanais au cours de la visite de ces derniers à New York et Washington. Les dépôts syriens dans les banques libanaises atteindraient 4 milliards de dollars et les autorités américaines auraient demandé aux responsables libanais de ne pas laisser le régime mettre la main sur ces fonds ou en tirer profit d’une manière ou d’une autre, même si tout le monde reste convaincu que ce ne sont pas ces sommes qui pourraient modifier de façon significative le paysage syrien. Tout en comprenant la situation particulière du Liban par rapport à la Syrie, les interlocuteurs américains et européens des responsables libanais en visite aux États-Unis auraient clairement indiqué à ceux-ci que le Liban ne peut sans doute pas être une plateforme hostile au régime, mais en contrepartie, il ne doit pas non plus lui rendre de grands services. Ce serait d’ailleurs une des raisons pour lesquelles le Liban s’est abstenu de voter contre le projet de résolution condamnant le régime syrien au Conseil de sécurité. L’administration américaine souhaiterait clairement que le Liban soit encore plus coopératif, notamment le long de sa frontière avec la Syrie et avec les opposants syriens réfugiés sur son territoire. Mais avec sa situation interne et sa composition délicates, le gouvernement actuel ne peut pas aller beaucoup plus loin. Le directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, qui s’est rendu en Syrie au cours du week-end, aurait ainsi assuré à ses interlocuteurs syriens que le Liban compte être strict le long de ses frontières et les deux parties se seraient entendues sur l’adoption de mesures concrètes pour le contrôle de leurs frontières communes (comprendre : pour empêcher la fuite vers le Liban d’opposants au régime ). En d’autres termes, le Liban ne compte pas se transformer en asile pour les opposants syriens ni accepter des activités hostiles au régime à partir de son territoire. La situation resterait ainsi la même : les partisans de l’opposition continueraient à s’exprimer et à organiser des manifestations, alors que ceux du régime pourraient aussi exprimer leur appui à ce dernier, avec une vigilance accrue le long des frontières. De plus, les responsables libanais pensent que d’ici à un an et demi, beaucoup de choses peuvent changer, notamment avec les échéances électorales en France et aux États-Unis, et dans les rapports entre les divers États de la région, en particulier l’Égypte, l’Iran, l’Arabie saoudite, l’Irak et la Syrie. Le mieux, donc, pour le gouvernement actuel serait de laisser passer la vague avec un minimum de pertes...
Passé maître dans l’art de l’équilibrisme, le Liban officiel cherche aussi une issue au casse-tête posé par le financement du TSL puisqu’il doit en principe verser sa part dans les plus brefs délais, alors que le Hezbollah et le général Aoun s’y opposent fermement. À ce sujet d’ailleurs, la communauté internationale ne se montre pas très pressante, se contentant de rappeler au Liban ses engagements sans exprimer le moindre signe d’impatience. Pour les proches du Premier ministre, cela signifie que la communauté internationale comprend les difficultés de Mikati et tient à préserver son gouvernement de l’éclatement. Pour d’autres, ce serait surtout le signe de l’incapacité de la communauté internationale à contraindre le gouvernement à répondre à ses exigences. S’il est vrai que la création du TSL a été plus ou moins placée sous le chapitre VII, il est tout aussi vrai que le Conseil de sécurité aura des difficultés à faire adopter une résolution condamnant le Liban, alors qu’il n’est pas en mesure de le faire au sujet du régime syrien, qui, pourtant, a bien plus mauvaise presse que le gouvernement Mikati auprès de la communauté internationale. Au pire, certains pays, notamment européens, pourraient prendre des mesures bilatérales et suspendre leurs projets de coopération avec le Liban, mais il sera difficile d’adopter des sanctions économiques et politiques internationales et, au mieux, le financement serait conditionné par une nouvelle négociation du protocole en mars 2012 qui se prolongerait le temps de permettre une meilleure visibilité régionale...
Bon ben on n'en parle plus pendant un an et demi,alors...çà nous fera des vacances...on va pouvoir parler du Liban,alors?
06 h 08, le 10 octobre 2011