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Nos Lecteurs ont la Parole

II.- Les militaires au pouvoir

Par Pr Mounir CHAMOUN
Tout autre aura été, entre 1999 et 2008, le mandat du président Lahoud, pratiquement nommé par Hafez el-Assad puis reconduit pour trois autres années par interprétation tacite, comme il l’avait fait pour le président Hraoui, de la volonté du peuple libanais. On se souvient de la manière dont Assad avait gratifié paternellement d’une chiquenaude affectueuse Émile Lahoud, comme on le ferait pour un petit enfant, avant de l’imposer à un Parlement ultradocile pour la présidence de la République libanaise (voir L’Orient-Le Jour du samedi 3 septembre 2011).
Neuf ans après Hraoui, nous sommes sous une occupation syrienne bien établie : les parlementaires, après Taëf, sont pratiquement nommés par les hauts-commissaires syriens à Anjar, à quelques très rares exceptions ; le général Jamil Sayyed gère pour la Syrie et les Libanais complices, en parfaite harmonie avec le chef de l’État Émile Lahoud, la sécurité dans le pays, entendre les arrestations arbitraires, les tortures et la répression de toute liberté d’expression, de manifestation ou de positions contraires à celles du pouvoir établi. Lahoud n’avait aucun scrupule : il avait l’aval de Damas et, de ce fait, pratiquement pas le droit de prendre une position d’arbitre. Il a donc pris fait et cause pour la Résistance islamique en ne voyant guère où pouvaient se situer les véritables intérêts de la totalité du Liban, dans ses différentes composantes. Le mandat de Lahoud équivaut à la période la plus noire de notre histoire récente, celle où nous avons tous assisté, dans l’impuissance la plus totale, non seulement à l’effrayante et interminable chaîne des assassinats politiques, mais tout aussi bien à la destruction, le démembrement et la fragilisation de toutes nos institutions étatiques. Au départ d’Émile Lahoud, le pays est exsangue, mais enfin débarrassé de l’occupation militaire syrienne.
Comment décrire et qualifier certains autres passages de militaires au pouvoir ? Le coup d’éclat du brigadier Ahdab voulant imiter les processus courants en Syrie par la mainmise sur la radio officielle et l‘annonce d’un communiqué n° 1 qui abolit tout et instaure une loi martiale ! Ce fut évidemment et heureusement sans lendemain. Quel sens donner aujourd’hui à la prise de pouvoir, constitutionnelle, du général Aoun quand le président Amine Gemayel, faute de mieux, lui confie le destin du pays, après avoir échoué à convaincre Hafez el-Assad de le maintenir, lui Gemayel, à la tête de l’État ? Les positions franchement antisyriennes du Michel Aoun d’alors, et rien d’autre, lui valurent la ferveur de toute une partie de la population qui l’appuyait en se rendant à Baabda pour le soutenir et applaudir ses démarches visant à la libération du pays et la restitution de notre dignité de citoyens indépendants. Cela engendra chez le général, à n’en point douter, le goût du pouvoir et de la gestion des affaires. Peut-on résister à l’idée que l’on est un homme providentiel ou refuser de se prendre pour un de Gaulle libérant la France du joug nazi et redressant, peu à peu, l’État déstructuré par l’occupation ?
Le général Aoun est convaincu qu’il est le seul habilité à prendre la tête de l’État et à en réformer les institutions ; ses partisans actuels, dont les intérêts sont évidemment aussi divers que contradictoires, justifient ainsi, contre toute évidence, son alliance avec le Hezbollah et sa virevolte « syrienne », et même son déni total de la nature du soulèvement du peuple syrien en ce moment. Si ce militaire accédait réellement au pouvoir, comme il semble le souhaiter, et à l’aune de la manière dont il dirige son courant politique de l’intérieur, il y aurait de quoi craindre pour la démocratie et plus encore pour toute forme d’interaction au sein de l’exécutif. Il faudra également craindre pour les écarts langagiers que d’aucuns attribuent, à tort, au passé militaire de leur idole.
Le militaire actuellement au pouvoir, poli, effacé (voir nos articles précédents à ce sujet publiés dans ces colonnes les 18 et 19 août 2011), risque-t-il de faire école, lui qui a succédé, « au forceps », au général Lahoud ? Il appartient aux parlementaires libanais de mettre fin à cette triste expérience, à cette pratique dénaturée, et de reprendre véritablement et dignement leur fonction d’électeurs du chef de l’État dans le cadre de l’Assemblée nationale souveraine et dans le seul pays à tradition démocratique au sein du monde arabe depuis des décennies, et d’éviter que, déjà, des portraits géants du chef actuel de l’armée ne soient placardés sur certains immeubles ou exposés à certains barrages de l’armée dans nos régions. Ailleurs, depuis longtemps, le culte de la personnalité, si courant en URSS et en Chine pendant de très longues années de dictature, et l’affichage de portraits géants à la syrienne ou, hélas aussi, à la libanaise dans certaines rues et avenues de nos villes sont à jamais révolus. Sa rémanence est un signe inquiétant et honteux du sous-développement
politique.
Tout autre aura été, entre 1999 et 2008, le mandat du président Lahoud, pratiquement nommé par Hafez el-Assad puis reconduit pour trois autres années par interprétation tacite, comme il l’avait fait pour le président Hraoui, de la volonté du peuple libanais. On se souvient de la manière dont Assad avait gratifié paternellement d’une chiquenaude affectueuse Émile Lahoud,...

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