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La guerre contre le terrorisme

Dix ans de chaos au Pakistan, repaire d'el-Qaëda

La vidéo qui a fait le tour du monde. Publiée le 7 mai 2011 par le département américain de la Défense, elle montre Oussama Ben Laden devant sa télévision à Abbottabad, au Pakistan, quelques jours avant sa liquidation par un commando américain. /

Les attaques du 11 septembre 2001, qui ont fait du Pakistan le front de la "guerre contre le terrorisme", ont précipité la seule puissance militaire nucléaire musulmane dans le chaos, ensanglantée par les attentats des talibans tout en étant soupçonnée de soutenir el-Qaëda.

La nuit était déjà tombée sur Islamabad quand les télévisions ont commencé à diffuser les images des tours jumelles de New York s'embrasant avant de s'effondrer. "Je me suis tout de suite dit : Oh, mon Dieu ! Le Pakistan va avoir des problèmes", se souvient Imtiaz Gul, journaliste spécialiste des talibans et d'el-Qaëda. "Mes craintes se sont réalisées : le 11-Septembre a précipité le Pakistan dans une crise sécuritaire sans précédent..."

Islamabad était l'une des rares capitales à avoir reconnu le régime des talibans en Afghanistan, qui hébergeaient Oussama Ben Laden et el-Qaëda. Il n'a fallu que quelques jours au président, le général Pervez Musharraf - lequel assura en 2006 que les Etats-Unis avaient menacé de "bombarder" son pays jusqu'à le "faire revenir à l'âge de pierre"- pour proclamer son alliance avec Washington.

 

Mais en quelques semaines, Ben Laden, ses principaux lieutenants et nombre de ses combattants échappaient aux forces américaines en Afghanistan et passaient dans les zones tribales pakistanaises, à travers une frontière montagneuse quasi-impossible à surveiller. Depuis, el-Qaëda a fait de ces zones tribales son principal sanctuaire dans le monde, soutenu par les talibans pakistanais dont c'est le bastion.

Nombre de cadres d'el-Qaëda ont été, depuis, capturés et livrés aux Etats-Unis, et l'armée pakistanaise a lancé plusieurs offensives dans les zones tribales, où elle assure avoir perdu plus de 3.000 soldats depuis fin 2001. Mais Washington, qui déverse, depuis, des millions de dollars d'aide essentiellement aux militaires, accuse ces dernières années Islamabad de duplicité, refusant notamment de s'attaquer au principal bastion d'el-Qaëda et des talibans afghans du réseau Haqqani dans le district tribal du Waziristan du Nord.

Mais le Pakistan a payé l'un des plus lourds tributs à la "guerre contre le terrorisme" de Washington. Islamabad assure, sans pouvoir en justifier le détail cependant, que plus de 35.000 Pakistanais ont été tués depuis 2001 dans les représailles des extrémistes alliés à el-Qaëda, et estime que la vague meurtrière d'attentat qui ensanglante le pays est "une guerre importée" par les Etats-Unis depuis qu'ils ont échoué fin 2001 à éliminer el-Qaëda en Afghanistan.

A l'été 2007, à l'unisson de Ben Laden en personne, les talibans pakistanais ont décrété le jihad à Islamabad pour son soutien à Washington et intensifié radicalement leur campagne d'attentats, suicide essentiellement. Selon un décompte de l'AFP, en quatre ans, quelque 500 attentats ont tué près de 4.600 Pakistanais dans tout le pays.

La mort de Ben Laden, tué le 2 mai 2011 par un commando américain héliporté clandestinement à Abbottabad, une ville-garnison où il se terrait à deux heures au nord d'Islamabad, a mis le feu aux poudres. Le Pakistan reproche à Washington de ne pas l'avoir averti, et de hauts responsables américains accusent à mots à peine couverts la toute puissante armée et le renseignement pakistanais d'avoir caché la présence de Ben Laden, menaçant de couper la manne financière américaine à ce pays au bord de la banqueroute. Nouvelle victoire pour les Etats-Unis : la mort du numéro deux d'el-Qaëda, Atiyah abd al-Rahman, tué, le 22 août 2011, au Pakistan.

 

La Pakistan ne partage cependant pas la gloire. Depuis Abbottabad, les relations entre les alliés américains et pakistanais sont des plus tendues, mais les mariés ne peuvent se séparer, selon les experts unanimes : Islamabad peut difficilement se passer de l'argent américain et Washington ne peut ouvrir un nouveau front militaire dans ce vaste pays peuplé de plus de 180 millions d'habitants majoritairement anti-américains et disposant de l'arme atomique. En attendant, les drones de la CIA continuent de pilonner quasi-quotidiennement de leurs missiles les zones tribales. Et une majeure partie de la population continue de vivre dans le plus grand dénuement et dans la crainte des bombes des kamikazes islamistes.

 

"Il n'y a pas de doute, le Pakistan vit ses pires moments", estime Ahmed Rashid, auteur de best-sellers dans le monde entier sur les talibans et el-Qaëda. Pour lui, le Pakistan est aujourd'hui diplomatiquement "complètement isolé" par une guerre qui y a importé "le terrorisme, le sectarisme, l'affaiblissement de l'appareil d'Etat et d'avantages de tensions ethniques". "Politiquement, la plus grande erreur de l'armée et du renseignement a été d'accepter d'accueillir et de relancer les talibans afghans, car les conséquences ont été désastreuses et ont conduit à renforcer les talibans pakistanais", analyse-t-il.

Sur le plan de la sécurité, "le Pakistan est un pays infiniment moins sûr qu'il y a dix ans parce qu'il est devenu un champ de bataille, une extension de la guerre en Afghanistan, et sa stabilité est de ce fait sérieusement menacée aujourd'hui", estime le journaliste et écrivain Zahid Hussain, spécialiste d'el-Qaëda et des talibans.

Les attaques du 11 septembre 2001, qui ont fait du Pakistan le front de la "guerre contre le terrorisme", ont précipité la seule puissance militaire nucléaire musulmane dans le chaos, ensanglantée par les attentats des talibans tout en étant soupçonnée de soutenir el-Qaëda.
La nuit était déjà tombée sur Islamabad quand les télévisions ont commencé à diffuser les images des tours...