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À La Une - Société

L’éternel problème de la sécurité des plages : plusieurs noyades cet été

À chaque saison estivale, l’éternel problème de la sécurité des plages revient sur la table. L’insuffisance des moyens de contrôle et l’inattention des autorités, officielles ou privées, ne permettent pas de réduire le nombre d’accidents.

Samir Yazbek, le responsable des unités de sauvetage de la Défense civile, en mission.

En trois semaines, cinq accidents aquatiques ont coûté la vie à cinq personnes. Une petite fille, Ghina Ali Johair, 3 ans, s’est noyée près de Tyr, un homme a été emporté par la rivière et un champion libanais de jet ski, Georges Chédid, est mort au large de Tabarja. La réputation de sécurité des clubs privés a été ternie par le décès d’un petit garçon, Rami Michel al-Hachim, 5 ans, dans une colonie de vacances à Mansourieh. Dernièrement, un homme a péri au large d’Enfé. Le problème de la sécurité des plages publiques libanaises inquiète de nombreuses personnes. La Défense civile et une organisation, la Lasip, tentent d’y remédier, mais l’étendue du littoral libanais et la mauvaise gestion des secouristes rendent leur tâche très difficile.
Par ces étouffantes journées d’été, rares sont les Libanais qui ne seraient pas heureux, le week-end, de pouvoir se rafraîchir au bord de la mer. Lorsqu’on arrive sur l’unique plage publique de Beyrouth, Ramlet el-Baïda, la première impression, celle d’un lieu immense, propre et bien sécurisé, est agréable. Quatre tours de surveillance surplombent l’endroit et tranquillisent les baigneurs. Dos à la mer, se tient la majestueuse Beyrouth, avec ses gratte-ciel à n’en plus finir, témoin de la ville moderne qu’est devenue la capitale. Plus de 3 000 personnes, surtout des familles, bravent chaque week-end le sable brûlant mais propre pour apprécier une belle baignade en mer. Il y en a pour tous les goûts. On peut louer une chaise longue, une table pour pique-niquer ou tout simplement déposer sa serviette sur le sable. Sur le rivage, le défilé des vestiaires, incessant, laisse place ensuite à une course vers l’eau pour ne pas trop sentir le sable qui brûle les pieds. Tout le monde papote avec ses amis, sa famille, ses voisins. Même les maîtres-nageurs discutent entre eux et sont réunis sur un même promontoire pour tromper l’ennui. Seules deux des quatre tours de contrôle de cette plage sont occupées alors que, même si la mer est calme, les baigneurs, eux, sont nombreux et les accidents vite arrivés. Comme le dit si bien un secouriste sans donner plus de précisions : « Les accidents sont aussi nombreux que sur les autres plages. » La vigilance devrait être maximale. Mais la zone de baignade autorisée n’est pas délimitée. Les sauveteurs surveillent donc approximativement la limite, qui se situe à peu près à 5 mètres du rivage. En marchant vers le sud, cette même plage change de visage. Les chaises longues et les tables disparaissent. Les tours de guet sont vides. Pourtant, la région est remplie de « baigneurs » et de « bronzeurs ». Cette partie, sale, est délaissée par les autorités et par les maîtres-nageurs.
Samir Yazbek, le responsable des unités de sauvetage du Liban, est un habitué de ces situations. « La principale raison des noyades est l’inconscience de nombreuses personnes persuadées de savoir très bien nager » explique-t-il. Souvent, les parents, tranquilles, laissent leurs enfants jouer au sable et ne prêtent pas assez attention aux grandes vagues, provoquées par des bateaux, qui peuvent emporter les jeunes loin du rivage. Les petits bateaux et les périssoires, « hasqués », sont également dangereux pour les gosses qui ne savent pas nager. C’est aussi le cas pour beaucoup d’employés étrangers, souvent syriens ou égyptiens, qui utilisent les chambres à air des voitures comme bouées avant de tomber à l’eau et de couler. Sous l’autorité de la Défense civile, les sauveteurs secourent et procurent les premiers soins aux accidentés de la mer. Ils se définissent comme des « pompiers de la mer ». Ces hommes sont chargés également de surveiller la sécurité des plages publiques, intervenant surtout auprès des zones aquatiques dans cinq grandes régions, Batroun, Jounieh, Jiyeh, Tyr et Abdé, dans l’attente de l’ouverture de cinq autres centres, notamment à Beyrouth.
Selon Ziyad Halaby, le président de la Lebanese Association for Sports Injury Prevention, (Lasip), les noyades sont la deuxième cause de décès chez les enfants au Liban. Ils sont victimes de plus de 70 % des accidents de baignade. « La principale cause de ces décès est l’inattention des parents » ajoute-t-il. « Plus de 75 % des accidents infantiles surviennent lors d’une distraction de seulement 5 minutes », note M. Halaby. L’association, formée de docteurs, d’avocats et de bénévoles, d’abord filiale de la YASA, association pour la sécurité routière, puis indépendante depuis 2005, tente de réduire le nombre d’accidents liés au sport en sensibilisant la population et en établissant une politique générale sur les accidents sportifs.

Une clé de la sécurité, le maitre-nageur
 En plus de la sécurité parentale, les plages sont censées être surveillées par des maîtres-nageurs. Le problème au Liban, selon Ziyad Halaby, tient surtout de la qualification de ces derniers. La loi de 1970 en vigueur dans le pays ne spécifie pas précisément le nombre de maîtres-nageurs nécessaires. M. Halaby rappelle les 5 points de sécurité essentiels à chaque plage : « D’abord, la plage doit engager des personnes compétentes, c’est-à-dire en possession d’un permis reconnu, et non des individus sélectionnés uniquement parce qu’ils savent nager. La zone où la baignade est autorisée doit être délimitée par des balises flottantes et un centre de premiers secours doit être obligatoirement présent sur les lieux. Il faut également des douches, des toilettes ainsi que des vestiaires ». L’unique plage publique de Beyrouth, Ramlet el-Baïda, ne propose pas de toilettes, de douches qui fonctionnent, ni même de centre de secours. Les premiers soins sont laissés à la charge des maîtres-nageurs.
La présence d’un ou de plusieurs sauveteurs sur les plages ne suffit pas à garantir la sécurité des personnes. Après avoir obtenu leurs certificats reconnus par l’État, ils doivent effectuer une mise à niveau régulièrement. M. Halaby, lui-même maître-nageur, déplore qu’une bonne partie des secouristes ne prête aucune attention à la mention située au bas du permis, exigeant son renouvellement tous les 2 ans. À Ramlet el-Baïda, par exemple, un des maîtres-nageurs attribue cette mise à niveau à la volonté des employeurs. S’il n’est pas spécifié dans le contrat, alors le secouriste suit uniquement son bon vouloir. Le sien date de 5 ans, mais sur les trois sauveteurs présents, aucun n’a pu nous montrer le fameux papier. Les contrôles sont très rares.
Pourtant, sauver quelqu’un n’est pas simple. « Il faut, à l’aide d’une corde ou d’un vêtement, s’éloigner de la victime qui, paniquée et donc devenue agressive, risque d’entraîner avec elle le sauveteur sous l’eau », explique Ziyad Halaby.
Samir Yazbek, le responsable des sauveteurs, propose donc des sessions d’entraînement pour les maîtres-nageurs. Sur 600 volontaires, 250 reçoivent un certificat reconnu par le ministère du Tourisme. La formation d’un mois dispense les premiers soins à inculquer aux personnes accidentées. Les unités de sauvetage vérifient également les aptitudes des secouristes des plages publiques, mais ils n’ont malheureusement pas l’autorité nécessaire pour les contraindre à respecter les règles de sécurité. C’est la raison pour laquelle les sauveteurs se concentrent sur un autre terrain, la sensibilisation.
Ces sessions permettent également de sensibiliser les gens. Pour Samir Yazbek, « au minimum, les bénéficiaires de ces formations, qui ne deviendront pas maîtres-nageurs pour autant, se rappelleront d’au moins 10 % de ce qu’ils auront appris pendant ce mois-là ». Les équipes de sauveteurs se rendent auprès des écoles, des scouts, des colonies d’été afin de sensibiliser autant que possible les plus petits, plus sensibles, voire capables d’enseigner les acquis à leur entourage. La Lasip essaie également d’éduquer la population à l’importance de savoir nager, de protéger ses enfants à travers certains médias audiovisuels.

Les rivières, plus difficiles à défier
 La baignade dans les rivières peut être tout aussi dangereuse. Récemment encore, un homme y a perdu la vie. Samir Yazbek explique que les habitants des montagnes sont moins familiers avec la natation que les autres. Ils ne connaissent pas les techniques de nage et s’aventurent dans l’eau douce, plus difficile à affronter. En fait, l’eau de mer avantage les nageurs grâce au sel qui aide à rester à la surface. Certaines rivières ne sont pas propices aux baigneurs à cause de l’irrégularité et du débit de l’eau.
Mais les accidents maritimes les plus meurtriers restent ceux des jet-skis. Dernièrement, un champion libanais a été retrouvé noyé. Pourtant réputé responsable, Georges Chédid est parti s’entraîner aux figures acrobatiques sans gilet de sauvetage. Apparemment, une forte vague l’aurait fait tomber. Après avoir reçu un coup à la tête, il aurait coulé, inconscient, dans les fonds marins.
Selon la Lasip, la loi en vigueur sur la sécurité des plages libanaises de 1970 ne mentionne pas les jet-skis. Si l’on suit la logique commerciale, seul le profit compte, ni l’âge ni la protection des personnes importent. En plus d’un gilet de sauvetage, les sportifs sont supposés porter un bracelet autour du poignet, relié à la clé, qui, en cas de retrait, entraîne l’arrêt immédiat du moteur afin d’éviter d’être blessé ou de blesser.
Face à ce vide législatif, les équipes de sauvetage de M. Yazbek préparent en collaboration avec le ministère de l’Intérieur un projet de loi sur les jet-skis. Ce texte obligerait les personnes à porter un gilet de sauvetage, mais aussi des gants et des chaussures spéciaux. Les clés de sécurité seraient obligatoires et les couloirs de passage des jet-skis limités à 500 mètres des plages.
Malheureusement, les sauveteurs n’ont pas l’autorité nécessaire pour contraindre les personnes en irrégularité à respecter ces mesures de sécurité. Seules les Forces de sécurité intérieure (FSI) sont habilitées à donner une contravention en cas d’infraction. Ils sont également les seuls à pouvoir sanctionner les plongeurs de Raouché, qui s’exposent quotidiennement à des risques mortels. L’immensité de la mer leur rend la tâche bien difficile. Les milliers de lieux de baignade sauvage aussi.
En trois semaines, cinq accidents aquatiques ont coûté la vie à cinq personnes. Une petite fille, Ghina Ali Johair, 3 ans, s’est noyée près de Tyr, un homme a été emporté par la rivière et un champion libanais de jet ski, Georges Chédid, est mort au large de Tabarja. La réputation de sécurité des clubs privés a été ternie par le décès d’un petit garçon, Rami Michel...
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