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Pollution de l’air : une analyse globale pour mieux anticiper les risques

Une nouvelle étude sur la pollution de l’air, en cours à la faculté des sciences de l’Université Saint-Joseph (USJ), en collaboration avec des partenaires européens et américains, permettra une analyse plus affinée de la pollution atmosphérique au Liban, donc, à terme, des solutions plus adaptées.

Une vue de Beyrouth à partir du toit du bâtiment de la faculté des sciences. Un nuage brun semble envelopper continuellement la ville.

Du toit du bâtiment de la faculté des sciences de l’USJ, situé dans le campus des sciences et technologies de Mar Roukoz, Metn, on voit la capitale et une bonne partie de ses banlieues. Une chape brune de pollution les surplombe continuellement.
C’est sur ce toit que les chercheurs du nouveau projet de recherche sur la pollution mené à l’USJ ont placé les pompes qui captent des échantillons d’air. Ce projet de recherche entrepris par l’USJ et ses partenaires étrangers se donne pour objectif de combler certaines lacunes qui persistent dans la connaissance de la pollution atmosphérique au Liban, malgré la multiplication des recherches ces dernières années.
Comme l’explique Toufic Rizk, doyen de la faculté des sciences, ce projet permettra d’élaborer des modèles mathématiques qui servent à simuler ce qui se passe dans l’atmosphère. Ces modèles donnent une idée de la présence de tel ou tel polluant dans l’air et de la source de leurs émissions, mais aussi leur transformation dans l’air. « Cette étude est beaucoup plus fondamentale que ce qui a été fait jusque-là, ajoute Toufic Rizk. Elle permettra de concevoir des solutions adaptées après la sortie des résultats. »
Ce n’est pas seulement dans la méthode que cette étude est innovante, mais aussi dans l’objet même des analyses. C’est la première, au Liban, qui se penchera sur un type de polluants bien particulier, les composés organiques volatils, tels le benzène ou les hydrocarbures par exemple, tout en ne négligeant pas les autres polluants comme le monoxyde de carbone (CO), les oxydes d’azote ou l’ozone. « Pour mesurer les composés organiques, nous devons faire appel à une instrumentalisation plus sophistiquée, explique Charbel Afif, chimiste à la faculté des sciences. Ces composés se trouvent en une concentration bien plus faible que d’autres dans l’atmosphère, jusqu’à cent à mille fois moins que le CO par exemple. »
Le chimiste ajoute que l’étude couvre plus d’une soixantaine de composés dans l’air, dont les composés organiques. Son intérêt principal est de s’attarder sur la transformation de ces polluants durant leur séjour dans l’air et sur l’interaction entre eux. « L’atmosphère est formée de plusieurs milliers de composés qui interagissent en présence, ou même en l’absence, de lumière, explique Agnès Borbon, chimiste de l’atmosphère et chercheuse au Conseil national de la recherche scientifique français (CNRS), qui était au Liban pour participer à la campagne de collecte des échantillons. C’est ainsi qu’ils forment de nouveaux produits. L’atmosphère est comparable à un gros réacteur chimique naturel, qu’on vient perturber en émettant une quantité d’autres espèces de gaz dans l’air. Si les interactions entre gaz dans l’atmosphère sont universelles, chaque ville a une topographie particulière, une météo et des sources d’émissions qui lui sont propres. À travers cette étude, nous voulons comprendre les réactions qui se passent dans l’air de Beyrouth et ses banlieues. »
La topographie de Beyrouth se caractérise par l’étroitesse de la plaine et des montagnes très proches. Elle rappelle celle de villes comme Marseille ou Los Angeles. Ce genre de topographie tend à créer une cellule dans laquelle l’air et ses polluants venant de la mer se heurtent aux montagnes et reviennent vers la ville. D’où l’intérêt d’étudier leur transformation dans l’air.
L’enjeu est énorme. La pollution de l’air est la cause de quantités de maladies et atteint particulièrement les plus vulnérables, comme les personnes âgées, les enfants en bas âge ou encore les asthmatiques, ainsi que le rappelle Charbel Afif. « Certains composés, comme le benzène, sont potentiellement cancérigènes. Des mesures de réduction de la pollution de l’air réellement efficaces ne peuvent résulter que de recherches qui étudient le phénomène de manière globale », poursuit-il.

Le rôle de l’activité portuaire
Les échantillons d’air sont collectés grâce à des pompes placées sur le toit du bâtiment de la faculté. Ils sont ensuite acheminés vers les machines du laboratoire qui les stockent en attendant leur analyse.
Charbel Afif et Agnès Borbon nous expliquent que cette campagne de collecte d’échantillons aura lieu deux fois : l’une cet été (elle a déjà été effectuée en juillet) et l’autre en hiver, vers février. Selon les deux chercheurs, ces campagnes menées à deux moments différents de l’année et à plusieurs moments de la journée donneront des résultats représentatifs sur les polluants trouvés dans l’atmosphère de Beyrouth et de ses banlieues.
La campagne de mesures résultera en un premier inventaire exhaustif des polluants dans l’air et leur transformation. Notons que le projet avait commencé plus tôt, début 2009, en collaboration avec le Laboratoire interuniversitaire des systèmes atmosphériques (LISA). Il s’est poursuivi avec une thèse préparée par un étudiant de l’USJ, Antoine Waked, codirigée par la faculté des sciences et par l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC), toujours en cours. Les partenaires de recherche actuels de la faculté des sciences sont le LISA, l’École des mines de Douais, l’ENPC, l’Institut Paul Scheuer en Suisse et le National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) aux États-Unis. Pour chacune des deux campagnes de mesure, une tonne de matériel est acheminée jusqu’au laboratoire au Liban, dont les deux tiers viennent de France.
Avant la fin de la campagne, il est impossible de parler de résultats. Nous avons cependant interrogé les scientifiques sur leurs premières observations. « Le matin, entre 8h et 9h, une nette augmentation des polluants est constatée, affirme Charbel Afif. Cette augmentation est vraisemblablement due à l’heure de pointe sur les routes. Mais plus tard dans la journée, quand les vents soufflent du nord et du nord-ouest, nous avons remarqué une présence plus marquée de certains composés plus volatils dans l’air. Cela nous mène à nous interroger sur le rôle de l’activité portuaire et le stockage de carburants sur la qualité de l’air (étant donné que le port de Beyrouth et les aires de stockage se trouvent au nord de la capitale). Pour mieux comprendre les différentes sources de pollution – le trafic n’étant pas la seule même s’il en est la plus importante venant de la capitale –, il nous faudra une étude plus affinée. On pourrait peut-être identifier des sources de pollution que nous ne connaissions pas. »
Les conclusions de l’étude seront publiées dans deux ou trois ans. La faculté des sciences de l’USJ a par ailleurs un projet bien plus vaste pour mesurer quotidiennement et tout au long de l’année les polluants dans l’air. Un tel projet permettra, à terme, de donner des alertes en cas de taux de pollution trop élevés.

Du toit du bâtiment de la faculté des sciences de l’USJ, situé dans le campus des sciences et technologies de Mar Roukoz, Metn, on voit la capitale et une bonne partie de ses banlieues. Une chape brune de pollution les surplombe continuellement. C’est sur ce toit que les chercheurs du nouveau projet de recherche sur la pollution mené à l’USJ ont placé les pompes qui captent des...
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