Rechercher
Rechercher

Liban - Le commentaire

Les « centristes » et Sleiman pourront-ils faire face au Hezb au sein du gouvernement ?

En homme d’expérience, un ancien ministre relève l’inanité de la controverse sur l’identité politique du cabinet. Certains l’accusent d’être à la botte du Hezbollah. D’autres l’en excusent. Et entre les deux, il en est qui pensent qu’il est surtout « anti ». Anti-14 Mars et, dans son noyau 8 Mars, antiaméricain. La source chevronnée observe pour sa part que le gouvernement représente les forces qui se sont alliées pour tisser une nouvelle majorité. Comme elles sont bien distinctes, il paraît erroné de parler de formation monochrome, estime l’ancien ministre. Il pense, il espère plutôt disons, que nous avons là un gouvernement pour tous les Libanais. Et qu’il ne serait jugé que sur ses réalisations...
D’où, selon lui, une déduction logique immédiate : si le Hezbollah veut réfuter les assertions du 14 Mars selon lesquelles il contrôlerait abusivement le pouvoir exécutif, il n’a qu’à passer la main totalement au président Nagib Mikati. Pour qu’il décide de tout, dans tous les domaines. En commençant par la pièce de résistance numéro un, les nominations, cette clé de pouvoir. Le Hezb montrerait dans ce contexte qu’il s’incline vraiment devant la vraie démocratie constitutionnelle. Sur base du système de mécanismes établis sous le précédent gouvernement Hariri.
Mais le parti de Dieu pourrait vouloir passer en force pour s’assurer de solides acquis d’influence à travers des nominations effectuées à sa propre guise. Cette tentation serait stimulée par la quasi-certitude que le coup de chance, pour ainsi dire, que constitue pour lui le présent gouvernement risque fort de ne pas durer. Il voudrait dès lors tirer avantage qu’il contrôle la majorité ministérielle par le biais de ses propres ministres, mais surtout des alliés dociles que restent le CPL et le mouvement Amal. Et c’est lui qui serait le véritable décideur pour toute décision importante.
À partir de là, la minorité de la nouvelle majorité, entendre les centristes regroupés autour des présidents Sleiman et Mikati ainsi que du député Joumblatt, n’auraient plus qu’un choix : se soumettre ou se démettre, pour reprendre le mot célèbre de Jean-Pierre Chevènement. Pour beaucoup de questions, importantes mais sans être cruciales, ils feraient le dos rond et avaleraient sans trop de grimace la pilule amère que le 8 Mars, cornaqué par le Hezb, leur servirait. Mais sur des questions tout à fait essentielles, comme le TSL, la 1701 et les engagements internationaux du Liban, ils ne pourraient pas plier l’échine.
Dans tous les cas, le Hezb, en s’emparant des rênes, affaiblirait considérablement le président Mikati et le rendrait sérieusement impopulaire. En gros, le 14 Mars lui reprocherait d’être complice en aiguisant ses attaques contre lui. Et le 8 Mars ricanerait qu’il est à sa merci et ne pèse pas lourd comme pôle politique.

Test
Donnant un exemple, l’ancien ministre évoque l’éventuelle réactivation du sulfureux dossier dit des faux témoins. Le Hezbollah pourrait décider en Conseil des ministres que cette affaire doit impérativement être déférée devant la Cour de justice. Or cette instance suprême sans voie de recours ne connaît que des atteintes à la sûreté de l’État ou des actes de haute trahison. Et non pas de crimes de droit commun, justiciables des assises, ou même de la correctionnelle. Le président Mikati, dans le sillage des juristes renommés, pourrait bien s’opposer à une telle saisine disproportionnée. Encore une fois, il serait alors obligé de faire un choix capital : soit s’incliner devant le diktat que le Hezbollah aurait fait voter par son camp, soit démissionner. En retenant la première option, il devrait savoir qu’il serait de nouveau sur le gril sous peu à travers d’autres questions occurrentes.
On s’interroge ainsi sur ce qui va se passer en ce qui concerne le versement de la quote-part du Liban (49 %, pas moins) dans le financement TSL. Le Hezbollah en exige la cessation ainsi que le retrait des juges libanais qui font partie de la cour internationale. Pour le parti, il faut cesser toute coopération, tout contact même, avec un tribunal qu’il qualifie d’instrument américano-sioniste inventé à seule fin de lui nuire. Il rejette évidemment l’acte d’accusation et les inculpations de quatre de ses militants dans l’affaire de l’assassinat du président Rafic Hariri et de ses compagnons de destin.

Bravade
Selon sayyed Hassan Nasrallah, ces suspects ne seraient interpellés ni dans trois jours ni dans trois cents années. Or le président Mikati n’a cessé d’assurer que le Liban compte honorer ses obligations internationales, TSL compris. Que ferait-il si la majorité ministérielle suivait le Hezbollah sur la pente qu’il trace ?
Il affirme, parallèlement, que son gouvernement ne se montrera animé par aucun esprit de vindicte. Or, au sujet des nominations de première catégorie, le 8 Mars, plus précisément le CPL, mène campagne pour que des responsables encore en place soient poursuivis pour corruption et enrichissement illicite. En affirmant que certains d’entre eux exercent leur sinistre industrie depuis 1992, c’est-à-dire qu’ils auraient été couverts par le règne Hariri, père et fils. Les aounistes soutiennent que si ces personnes doivent être déférées devant les tribunaux, ce n’est pas du tout pour se venger d’elles, mais pour consacrer le règne de la loi et redresser la barre administrative.
Il y a là un litige potentiel de plus. Car le président Mikati ne veut d’aucun règlement de comptes. Il souhaite que les dossiers du passé restent clos. Précisant que c’est à partir de la mise en place de son gouvernement que l’on pourrait demander des comptes. Ses proches ajoutent, pour rappel, qu’aucun des gouvernements antérieurs qui ont ouvert des dossiers n’a échappé par la suite lui-même aux questionnements. Sur la corruption ou, ce qui revient au même à peu près, sur la protection de fonctionnaires pourris. Et que leurs chefs ont souvent été sanctionnés, en termes de carrière ou de parcours politique, par leur propre communauté.
D’ailleurs, s’interrogent des professionnels, est-ce qu’un règlement de comptes vindicatif, un abus de pouvoir en somme, perpétré par un nouveau gouvernement serait moins répréhensible que la couverture de la corruption ? Moins préjudiciable, non seulement au regard de la moralité publique, mais aussi de l’intérêt national bien compris. Surtout dans un pays composite où la règle d’or reste l’entente. Sans compter le deux poids, deux mesures, et c’est important. Dans ce sens que l’intention des vengeurs démasqués semble être de mettre au pilori des éléments accusés de servir le camp d’en face, et non des fonctionnaires sympathisant avec le 8 Mars, même s’il y aurait lieu de les suspecter.
Ce que des majoritaires justifient par l’argument, assez étrange au fond, que l’on ne peut procéder à une épuration générale car elle ne laisserait en place que trop peu de personnel pour que l’État continue à fonctionner !
Il est dans l’intérêt du Hezbollah que le gouvernement perdure. Pour les nombreux risques de litiges, l’ancien ministre cité estime dès lors que le Hezb doit veiller à ne pas pousser le président Mikati dans ses derniers retranchements. Lui laisser les coudées franches, même s’il s’agit de composer avec des décisions qui horripilent le parti. Comme la poursuite de la coopération avec le TSL, la confirmation du soutien à la 1701 et le maintien de relations positives avec les USA comme avec l’Occident ou l’ONU. Ce serait donc au Hezb de faire le dos rond. En s’abstenant, par exemple, d’exiger le recours au vote en Conseil des ministres sur des questions majeures où les centristes, minoritaires, ne partagent pas son avis. L’essentiel étant d’ailleurs de prémunir de toute perturbation la fragile cohésion nationale dite coexistence. Sans compter qu’aux législatives de 2013, le Hezbollah ne voudrait pas voir les parties qui se démarquent du 14 Mars évincées...
En homme d’expérience, un ancien ministre relève l’inanité de la controverse sur l’identité politique du cabinet. Certains l’accusent d’être à la botte du Hezbollah. D’autres l’en excusent. Et entre les deux, il en est qui pensent qu’il est surtout « anti ». Anti-14 Mars et, dans son noyau 8 Mars, antiaméricain. La source chevronnée observe pour sa part que le...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut