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Nos Lecteurs ont la Parole

Quel avenir après Taëf ?

George SABAT
Dans les deux articles précédents (voir L’Orient-Le Jour des samedis 2 et 9 juillet), nous avions mentionné certaines lacunes sérieuses dont souffre notre administration. L’exécutif n’offre pas aux citoyens les objectifs nationaux qui devraient leur servir de points de repère ; la Chambre des députés est trop souvent absente et peu consciente de l’importance du rôle qu’elle est appelée à jouer dans la gouvernance du pays ; et les citoyens ne sont pas encouragés à mener un dialogue efficace et constructif avec les autorités et leurs représentants.
Tous ces sujets avaient été déjà traités en mars 2007 par L’Orient-Le Jour dans une édition spéciale publiée sous le titre « L’avenir en points d’interrogation ». Plus de trente écrivains, penseurs et politiciens avaient pris part à l’époque à cette initiative du journal et avaient tenté de cerner le rôle et la vocation réels du pays du Cèdre.
À la lecture de ces brillants exposés où chacun tentait d’offrir un diagnostic rassurant, on ressortait avec le vague sentiment que quelque chose de subtil et d’insaisissable manquait au tableau. Serait-il possible que de tous ces leaders de la pensée, des affaires et de la politique, nul n’ait réussi à trouver la réponse à la question primordiale qui hante les Libanais depuis toujours : « Que voulons-nous ? ».
Un pays qui ne sait pas ce qu’il veut et où se diriger est un pays dont l’avenir est condamné à rester incertain, dont les habitants déboussolés sont enclins à vivre dans la désunion, un « non-pays » qui demeure la cible de mille influences extérieures et intérieures qui le menacent et risquent de provoquer son éclatement. Tel est malheureusement l’état dans lequel quatre millions et demi de Libanais vivent à l’heure actuelle.
À l’inverse, si l’on regarde vers l’extérieur, plusieurs États qui furent soumis dans le passé à des crises sévères ont réussi à s’en sortir en se fixant des objectifs précis et en convainquant leur population de s’unir autour d’un programme national. Pour n’en citer que quelques-uns, il y a ainsi le Japon et l’Allemagne à la sortie de la Seconde Guerre mondiale qui les avait presque entièrement détruits, le Brésil qui progresse à l’heure actuelle à pas de géant, l’Afrique du Sud qui a réussi à surmonter le drame de la colonisation et de l’apartheid, l’Irlande qui a surmonté ses divisions meurtrières entre catholiques et protestants, le Vietnam qui s’est relevé d’une guerre de libération et de sécession épuisante, l’Inde qui malgré l’existence parmi sa population de 1 500 religions et castes différentes a réussi à s’unifier et progresse avec mesure et ténacité vers le statut de grande puissance, et la Chine qui l’a déjà atteint. Toutes ces nations ont su surmonter les mille et un handicaps dont elles étaient affligées pour remonter une pente sévère et accéder au niveau de civilisation et de démocratie que ses peuples se sont engagés à atteindre.
Mais pourquoi aller loin ? Plus près de nous, Chypre, une île coupée en deux et une nation de 800 000 habitants qui a subi, à notre instar, une guerre civile meurtrière, a su se relever, panser ses plaies et surtout passer à l’action. Son peuple a tiré judicieusement parti de ses capacités et de la moindre de ses ressources pour revigorer son économie. La population de ce pays, malgré les dissensions politiques entre la gauche et la droite qui la divisent, a unanimement soutenu son gouvernement afin que Chypre puisse entrer dans l’Union européenne.
Existe-t-il un point commun entre toutes ces réussites ?
L’étude de l’histoire de ces différents pays nous amène à conclure que les progrès accomplis l’ont été surtout grâce à l’existence d’une volonté populaire menée par des dirigeants éclairés, qui s’est cristallisée autour de la réalisation d’un nombre d’objectifs bien définis, sur une période plus ou moins longue. Dans la plupart des cas, ces objectifs ont été identifiés et réalisés en commun et en étroite collaboration entre le peuple et les autorités. Ces considérations devraient nous servir de leçon au Liban, car ce qui nous manque le plus, à l’heure actuelle comme par le passé, c’est justement cette symbiose étroite entre les citoyens et l’État ainsi que des points de repère économiques et sociaux qui seraient le produit d’un plan national étudié et élaboré par le peuple et par ses dirigeants.
Puis-je me permettre de mentionner en passant que les problèmes dont souffre la Syrie à l’heure actuelle proviennent en grande partie de ce même manque d’interaction et de communication entre l’État et les citoyens que nous réclamons pour notre pays ? Les dirigeants de nos voisins ont certes tenté d’élaborer des plans ambitieux de modernisation et de développement économique. Là où ils ont probablement échoué, c’est d’y associer la volonté et la participation populaires. S’ils l’avaient fait, peut-être auraient-ils évité les débordements actuels ?
Dans un prochain article, nous tâcherons d’envisager les moyens qui devraient être mis en œuvre pour mieux forger les liens entre les citoyens et l’État afin d’aboutir à la gouvernance participative idéale dont notre pays a tant besoin.

George SABAT
Dans les deux articles précédents (voir L’Orient-Le Jour des samedis 2 et 9 juillet), nous avions mentionné certaines lacunes sérieuses dont souffre notre administration. L’exécutif n’offre pas aux citoyens les objectifs nationaux qui devraient leur servir de points de repère ; la Chambre des députés est trop souvent absente et peu consciente de l’importance du rôle...

commentaires (2)

- - Après Taef , nous y sommes ! c'est bien la troisième République . Taef à déjà vécu et se trouve bel et bien loin , très loin derrière nous avec tous ses architectes et profiteurs bien connus de nous tous .

JABBOUR André

14 h 26, le 27 juillet 2011

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Commentaires (2)

  • - - Après Taef , nous y sommes ! c'est bien la troisième République . Taef à déjà vécu et se trouve bel et bien loin , très loin derrière nous avec tous ses architectes et profiteurs bien connus de nous tous .

    JABBOUR André

    14 h 26, le 27 juillet 2011

  • Merci pour cet excellent article qui montre, avec une grande évidence, qu'on ne peut construire et développer un pays sans une adhésion massive et volontaire du peuple. Comme le dit si bien l'auteur, les révoltes actuelles du monde arabe s'expliquent par l'absence de prise en considération de la volonté populaire dans les décisions des gouvernants et qui a duré des décennies et même plus ; le résultat est connu : recul dans tous les domaines et sous-développement chronique. Que les dirigeants politiques et religieux du Liban prennent conscience que les problèmes existentiels graves que subit le pays actuellement sont dus au fait que les décisions importantes le concernant ont été prises sans la consultation du peuple et sans son adhésion.

    Fernand Zoghbi

    06 h 49, le 27 juillet 2011

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