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Israël/Liban : le contentieux maritime - Ressources énergétiques

II - Au large du Liban, des gisements potentiellement importants

Avant que le forage ne débute, il sera impossible de déterminer quelles sont les richesses du sous-sol marin libanais en ressources d'hydrocarbures. Mais certains les estiment déjà à des milliards de barils.

Après des décennies au cours desquelles on avait soupçonné la présence de gisements d'hydrocarbures au large des côtes libanaises (voir L'Orient-Le Jour du 30 août 2010), des études récentes effectuées depuis 2000 par des compagnies européennes ont confirmé cette hypothèse. La première étude avait été effectuée en 2D par la compagnie britannique Spectrum et avait confirmé la présence de gisements. La deuxième a été menée par la compagnie norvégienne Petroleum Geo Services (PGS), en 3D, montrant que « le Liban disposerait d'importantes réserves de gaz et de pétrole, situées du nord au sud du littoral, qui couvriraient ses besoins énergétiques pour au moins un quart de siècle », comme l'a indiqué notre collègue Bachir Khoury (voir L'Orient-Le Jour du 18 août). « Certains experts avaient même récemment estimé entre 25 et 80 trillions de pieds cubes les réserves gazières du Liban (ce qui représente en valeur entre 300 et 960 milliards de dollars), et à 1,5 milliard de barils les réserves pétrolières du pays, ajoute Bachir Khoury. Des chiffres qui en disent long sur ce potentiel et qui devraient, s'ils s'avèrent exacts, permettre au Liban de passer d'un pays largement endetté à un pays excédentaire. »
Rappelons également la découverte en Israël, par un consortium américano-israélien, du gisement de gaz Léviathan, dont les réserves ont été estimées à 450 milliards de mètres cubes de gaz, à 90 kilomètres au large de Haïfa. Beyrouth pense qu'une partie de ce gisement pourrait être située dans ses eaux territoriales, alors qu'un autre avis le place dans la zone économique exclusive de l'État hébreu, d'où les prémices d'un litige. Le forage a commencé en Israël.
Les estimations sur le pétrole vont bon train, mais restent de simples estimations tant que le forage n'a pas commencé au Liban, comme l'indiquent unanimement tous les experts. Le chercheur Nabil Khalifé avait basé ses calculs, dans son ouvrage Géopolitique du Liban, la stratégie libanaise, sur des estimations qu'il avait obtenues, selon lui, par des centres de recherches et qui parlaient de 8 milliards de barils. « Selon des estimations plus récentes données par des experts, ces réserves ne contiendraient pas moins de 18 milliards de barils, indique-t-il à L'Orient-Le Jour. La quantité estimée jusque-là est fondée sur l'étude de douze nappes pétrolières. Or, selon certaines estimations, nous pourrions avoir jusque 87 nappes pétrolières au large de nos côtes ! »
Fadi H. Nader, géologue, ingénieur de recherche à l'Institut français du pétrole, affirme à L'Orient-Le Jour que « toutes les données dont on dispose proviennent de la comparaison avec les résultats sismiques de la Méditerranée orientale et les découvertes israéliennes ». « Nous sommes encore loin de pouvoir avancer des chiffres exacts et validés, poursuit-il. Ce sont les puits qui diront quelles sont les réserves disponibles. Or pour bien localiser les puits, nous avons besoin de faire plus d'études (c'est de cette façon que les pétroliers travaillent). Nous essayons toujours de minimiser les risques du forage et d'optimiser le succès. Je ne m'avancerai donc pas à lancer des chiffres d'estimation, mais je dirais que les résultats de forage en Israël sont très encourageants, ainsi que les résultats sismiques au large du Liban. La géologie générale le démontre aussi (l'expert a déjà plusieurs publications à ce sujet). »
Khalil Zein, président de la Société des géologues au Liban, qui a suivi de près le travail des Norvégiens à Beyrouth, souligne que « les estimations de PGS parlent d'une possibilité d'exploitation sur trente ans ». « Ce serait un potentiel considérable et il pourrait même être supérieur à cela, poursuit-il. De plus, le pétrole au large des côtes libanaises a une valeur économique particulière du fait de sa proximité à l'Europe, qui est son vrai marché. »

Négociation de contrats
Pour sa part, une source scientifique bien informée insiste sur le fait que « tous les chiffres avancés sur la quantité de pétrole dans le sous-sol marin ne sont que fiction ». « Ils sont basés sur des modélisations tridimensionnelles, qui ont parfois fait leurs preuves, mais qui ne donnent pas des résultats très précis, poursuit cette source. Il se peut qu'il y en ait plus ou moins. Comment sait-on qu'il n'y a pas de fuites dans la nappe? Pour connaître la quantité de manière beaucoup plus exacte, il aurait fallu construire une plate-forme et commencer le forage. C'est alors que l'État aurait eu une carte beaucoup plus puissante en main pour négocier ses contrats avec les compagnies. Quand le produit à vendre est connu, le vendeur peut obtenir un taux bien plus avantageux, de l'ordre de 70 % au lieu de se contenter de 40 % par exemple. »
La future négociation de contrats avec les compagnies pétrolières est en effet un facteur à prendre en compte. Quel est le pourcentage que pourra exiger l'État libanais ? Nasri Diab affirme qu'« il existe un grand nombre de contrats, assez standardisés, pour réglementer chaque maillon de la chaîne qui va de l'exploration jusqu'au transport et vente du produit extrait, en passant par le forage et l'extraction, les installations, les opérations, etc. » Il évoque aussi la multitude d'acteurs impliqués dans de telles opérations, ainsi que les nombreuses techniques de financement.
Pour ce qui est du cas spécifique du Liban, Hady Rached cite un décret datant de 1994, portant le numéro 5039, qui a consacré le principe de « share profiting » en cas d'exploration de ressources. En gros, outre les subtilités, le texte parle de 60 % des bénéfices à l'État et 40 % à la compagnie. Ce serait, selon l'avocat, le principe qui serait adopté, mais il est encore tôt pour l'affirmer. « La loi adoptée récemment par le Parlement n'a pas encore été publiée, mais il faut préciser que dans le texte de loi qui était en gestation, le principe de "share profiting" était consacré, dit-il. Le pourcentage exact entre l'État et la ou les compagnie(s) devra être fixé dans un décret d'application adopté ultérieurement.
Après des décennies au cours desquelles on avait soupçonné la présence de gisements d'hydrocarbures au large des côtes libanaises (voir L'Orient-Le Jour du 30 août 2010), des études récentes effectuées depuis 2000 par des compagnies européennes ont confirmé cette hypothèse. La première étude avait été effectuée en 2D par la compagnie britannique Spectrum et avait...