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Israël/Liban : le contentieux maritime - La situation

Le Liban met en garde Israël contre toute délimitation unilatérale des frontières maritimes

Nagib Mikati n’a pas de chance : l’actualité ne lui laisse pas de répit. Après Tripoli et le TSL, ce sont les frontières maritimes qui lui sautent au visage. Tout occupé à lutter contre le moulin à vent de la discorde, il avait oublié ce point-là. Laissées à l’abandon – comme nos frontières terrestres, flasques méduses –,
nos frontières maritimes se rappellent aujourd’hui à nous de façon dramatique. Pendant que nous discutions portefeuilles et attributions, Israël concluait, lui, un accord avec Chypre sur la prospection off-shore qui empiétait sur le droit du Liban à sa propre zone économique exclusive (ZEE), et c’est une fortune colossale qui pourrait nous filer entre les mains, si nous laissons faire.
Est-il trop tard ? Le Liban a-t-il été pris de vitesse ? Pas tout à fait, mais il faut agir vite pour rattraper le temps perdu. Certains reprochent déjà au gouvernement de ne pas s’être réuni en séance extraordinaire, aussitôt que la nouvelle de l’accord israélo-chypriote a été connue, et de n’avoir pas convoqué la commission interministérielle chargée d’examiner ce dossier en détail.
Hier, et en attendant la réunion, jeudi, du gouvernement, le président de la République, Michel Sleiman, a mis en garde Israël contre des « décisions unilatérales » dans la démarcation de ses frontières maritimes.
« Le président Michel Sleiman met en garde Israël contre toute décision unilatérale que l’État hébreu pourrait prendre dans la démarcation des frontières maritimes et qui constituerait une violation du droit international, comme l’État hébreu en a l’habitude », a indiqué la présidence dans un communiqué.
Israël, rappelle-t-on, avait annoncé dimanche qu’il allait présenter prochainement aux Nations unies le tracé de sa zone économique exclusive en Méditerranée, dessiné en accord avec la République de Chypre.
À Chypre aussi, le Liban reproche d’avoir agi sans le consulter. À ces reproches, toutefois, le ministre chypriote des Affaires étrangères, Marcos Kyprianou, a répondu – amicalement –, en rappelant que le Liban peut encore se prévaloir du droit maritime international, pour empêcher l’ONU de ratifier la zone économique exclusive d’Israël qui le lèse. « Les accords entre pays ne produisent pas de droits et de devoirs pour un État tiers, sans son approbation », a rappelé en particulier le ministre chypriote, qui a donc fait preuve de souplesse sur ce point, contrairement à l’intransigeance manifestée du côté israélien par le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son ministre des AE Avigdor Libermann.
Israël affirme en effet avoir agi sur la base d’un accord de délimitation des ZEE entre le Liban et Chypre établi en 2010. Pour le Liban, toutefois, ce n’était là qu’un projet d’accord, qui n’avait plus été signé en raison de l’opposition de la République chypriote turque, qui s’était estimée lésée. L’accord ayant été différé, le Liban a donc toute latitude pour l’amender.
Selon des indications fiables, Israël a délimité sa zone économique maritime exclusive en faisant passer la ligne de démarcation qui la sépare de Chypre par le village de Mtellé (Metoulla), alors que le Liban estime que c’est à partir de Naqoura, le point de contact avec l’eau de la frontière libano-israélienne, que cette zone doit être délimitée.
Les ressources gazières en Méditerranée orientale, rappelle-t-on, sont convoitées par Chypre, Israël, le Liban, la Syrie et la Turquie, par le biais de la partie turque de Chypre.
Comme on le voit, le Liban dispose, pour faire valoir son droit, de deux genres d’arguments : techniques et diplomatiques. Et il est à peine besoin de signaler la difficulté de délimiter les frontières maritimes entre le Liban et Israël, dans l’état actuel de belligérance qui caractérise leurs rapports. Enfin, théoriquement, l’empiètement sur la ZEE libanaise pourrait constituer un casus belli qui exigerait aussi le recours à la force, mais la possibilité d’une guerre entre Israël et le Liban pour des ressources gazières paraît, pour le moment, lointaine. Du moins faudrait-il avoir épuisé tous les autres moyens, avant d’y parvenir.
Le ministre des AE a affirmé hier que ces deux lignes de défense technique et diplomatique allaient être mises en opération, afin de faire prévaloir les droits du Liban dans les instances internationales. Ce dossier si sensible, a-t-il ajouté, sera examiné jeudi au cours du premier Conseil des ministres du nouveau gouvernement. Le recours à l’ONU et aux pays amis est envisagé, et d’ores et déjà, certains affirment que les États-Unis sont, dans cette affaire, aux côtés du Liban.
Comme on le sait déjà, le Conseil des ministres procédera aussi, jeudi, à des nominations administratives. Selon des indications fiables, il renouvellera le mandat du gouverneur de la BDL, Riad Salamé, et installera le général Walid Salman à la tête de l’état-major de l’armée et Antoine Choucair à la direction générale de la présidence.
Nagib Mikati n’a pas de chance : l’actualité ne lui laisse pas de répit. Après Tripoli et le TSL, ce sont les frontières maritimes qui lui sautent au visage. Tout occupé à lutter contre le moulin à vent de la discorde, il avait oublié ce point-là. Laissées à l’abandon – comme nos frontières terrestres, flasques méduses –, nos frontières maritimes se rappellent...