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Israël/Liban : le contentieux maritime - Coups d’épingle

De l’eau dans le gaz

« Il faut que les Nations unies nous aident à recouvrer nos droits sur notre frontière maritime. » Ces mots ne sont ni de Saad Hariri ni de Samir Geagea ; ils ont été dits et répétés par de nombreux seconds couteaux de la nouvelle majorité qui ont écumé les talk-shows télévisés ces jours derniers. Mais d’autres mots sont sortis des mêmes rangs, du genre : « le pied du dernier des » résistants « vaut tous les juges du TSL »... Autrement dit, d’une instance créée par les Nations unies.
Cette ambivalence du discours à l’égard du monde extérieur, on l’observe trop souvent au Liban, même lorsqu’on retient des exemples moins caricaturaux. Elle témoigne d’une incohérence bien libanaise, naturellement plus spécifique au 8 qu’au 14 Mars, bien que ce dernier n’en soit pas totalement exempt. Et, de façon dramatiquement immédiate, elle est surtout un trait caractéristique du gouvernement en place.
Mais ce qui n’est qu’incohérence face à la communauté internationale se mue carrément en schizophrénie dès lors qu’il s’agit d’une question touchant aux rapports libano-israéliens.
Retour aux faits : Israël aurait donc délimité unilatéralement sa frontière maritime en traçant une ligne partant du point le plus septentrional de son territoire, Metulla, dans le nord du Doigt de la Galilée. Un seul mot est à la hauteur de ce geste : escroquerie ! Metulla se situe en effet bien plus au nord que Ras Naqoura, point constituant la frontière terrestre au niveau du littoral. L’artifice israélien permettrait ainsi à l’État hébreu d’« avaler » un espace très important du domaine maritime libanais, comme si la limite entre les deux pays était fixée au nord de Tyr !
Dénoncer et rejeter cet acte est, de ce fait, un devoir pour tout Libanais soucieux des intérêts légitimes de son pays. Mais cela devrait nous inciter à dénoncer aussi et surtout ce qui, dans la politique libanaise et le comportement des acteurs locaux, a trop longtemps permis à l’État hébreu – disons-le brutalement – de se « payer notre tête » avec autant de facilité.
D’ailleurs, pour ce qui est de chipoter les droits du Liban, nos autres voisins ne sont nullement à la traîne, à commencer bien entendu par la « grande sœur ». Sans même parler du dossier des fermes de Chebaa et du rôle du dindon de la farce que tient l’État libanais dans cette affaire, on est en droit de se demander pourquoi les gardes-frontières syriens ouvrent-ils régulièrement le feu sur des pêcheurs libanais exerçant leur activité dans la baie du Akkar, c’est-à-dire dans les eaux libanaises ? Ne serait-ce pas, comme le relèvent des spécialistes de la question, en raison des soupçons sur la présence de réserves d’hydrocarbures également dans cette région ? Par où donc le régime syrien, s’il en avait à l’heure actuelle le loisir, ferait-il passer sa ligne de frontière maritime ? Par Damas ?
Dans ce domaine comme dans bien d’autres, le comportement syrien à l’égard du Liban est d’autant plus injustifiable que la frontière maritime entre les deux pays est encore plus facile à délimiter qu’au Sud, dans la mesure où la frontière terrestre, naturelle, part de l’embouchure d’un fleuve.
Mais revenons à notre midi et à la source de richesse qui le borde, qui est là, accessible, pour peu que le Liban soit en mesure de faire le nécessaire pour défendre ses intérêts. Allons-nous manquer une telle occasion pour des raisons idéologiques ? Cette affaire ne devrait-elle pas inciter les Libanais à mettre, une fois pour toutes, de l’ordre dans leur situation intérieure et, du coup, à définir clairement une politique extérieure fondée exclusivement sur les intérêts bien compris du Liban et des Libanais ? Ou bien, pour retourner la question, le Liban serait-il capable de faire prévaloir ses intérêts si sa politique extérieure restait tributaire d’autres considérations, comme elle l’est ?
Lorsqu’un État du calibre du Liban demande à la communauté internationale de l’aider à recouvrer des droits déterminés face à un voisin vorace, il est inconcevable que cet État ou une partie influente en son sein pense par ailleurs braver cette même communauté internationale et, aussi, maintenir les causes facilitant au voisin en question la tâche d’attenter à ses droits.
Or c’est ce que le Liban fait, et depuis longtemps. Aujourd’hui, par exemple, savoir si l’État libanais est en guerre avec Israël ou pas est un véritable casse-tête juridique. En théorie, il existe un accord d’armistice et des résolutions du Conseil de sécurité qui régissent les rapports entre les deux États. En pratique, l’application de ces textes n’est que sélective et il existe un troisième larron, un parti-État, qui dispose, en toute autonomie, du droit – légitimé jusqu’ici par l’État libanais – de décider de la paix et de la guerre et, bien entendu, des moyens de la paix et de la guerre. Et tout cela est encore peu de chose devant le refus obstiné de ce parti-État de définir clairement ses objectifs de guerre, alors même que l’État qui le légitime se considère comme partie prenante à une initiative de paix arabe fondée sur l’existence de deux États, Israël et la Palestine...
Comment, avec un tel tissu de contradictions, défendre sur la scène internationale les intérêts du Liban ?
Les Libanais veulent-ils vendre du gaz ou acheter des idéologies ? D’aucuns continuent peut-être à réfléchir en termes de « victoires divines ». Ils semblent ignorer qu’en pratique, notre voisin n’a plus jamais été sérieusement inquiété depuis la dernière en date ; et qu’aujourd’hui, il continue à « se payer notre tête », et par-dessus le marché à déverser un flot de menaces quotidiennes sur le Liban, comme si c’était celui-ci qui attentait à son gaz et non le contraire.
Que faire si Israël, Chypre et les autres se remplissaient un jour les poches de l’or noir de la Méditerranée et nous pas? Aller plaider notre cause à l’ONU, c’est entendu. Mais laquelle ?
Et puis, à supposer même que l’on obtienne gain de cause dans le principe, quel géant pétrolier mondial aurait-il envie de venir, dans les conditions actuelles, se suicider au large de Tyr et de Naqoura ?
« Il faut que les Nations unies nous aident à recouvrer nos droits sur notre frontière maritime. » Ces mots ne sont ni de Saad Hariri ni de Samir Geagea ; ils ont été dits et répétés par de nombreux seconds couteaux de la nouvelle majorité qui ont écumé les talk-shows télévisés ces jours derniers. Mais d’autres mots sont sortis des mêmes rangs, du genre : « le...