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Frontières maritimes : la solution passe par le droit

Où le Liban est-il en droit de prospecter et d’exploiter des ressources gazières et pétrolières maritimes ? Est-il vrai qu’il empiète sur la zone israélienne comme l’en accuse l’État hébreu ? La réponse à ces deux questions est donnée par le droit international.

En ces temps troubles, la définition des frontières maritimes entre le Liban, Israël et Chypre provoque des remous dont le pays aurait pu se passer. N’étant jamais préparé pour les dossiers requérant des études scientifiques préalables, Beyrouth compte heureusement sur des amitiés internationales indéfectibles. C’est ainsi que la Suisse, à travers l’Association suisse pour le dialogue euro-arabo-musulman (Asdeam), a généreusement offert son assistance au niveau de la prospection des ressources en hydrocarbures. (1)
Il n’en demeure pas moins qu’Israël a récemment haussé le ton et accusé le Liban d’empiéter sur sa zone maritime (2). À son tour, le Liban a jugé que c’est l’État hébreu qui violait sa frontière maritime et empiétait sur sa zone économique exclusive (ZEE).
Le Droit international coutumier et la Convention sur le droit de la mer (CDM) signée à Montego Bay en 1982 et ratifiée par le Liban le 5 novembre 1995 (3) apportent des réponses à ce problème.
Il convient de préciser que le Liban a aussi des frontières maritimes communes avec Chypre et avec la Syrie. Il est donc important de poser les bases juridiques pour toutes ces futures démarcations et de s’éloigner de l’improvisation sous la pression des événements (4).

Les documents présentés par le Liban

 

Avant d’avoir ratifié la CDM, le Liban avait déposé en 1983 auprès des Nations unies le décret n° 138 du 7 septembre 1983 stipulant que la largeur de ses eaux territoriales était de 12 milles marins à partir de la ligne des côtes, appelée aussi ligne de base, qui suit la laisse de basse mer, c’est-à-dire la marque la plus éloignée laissée par les vagues sur la côte, seule opération rendant possible la démarcation de la frontière maritime. Néanmoins, aucun des gouvernements qui se sont succédé depuis n’en a entamé la délinéation.
Après l’émergence de la question des ressources gazières potentielles dans les eaux attenantes et les prospections effectuées par Israël, et en application de la CDM, la mission diplomatique permanente du Liban auprès de l’ONU a déposé le 14 juillet 2010 une copie du rapport relatif à la « Délimitation maritime de la ZEE du Liban », ainsi que la copie de la carte et de la liste des coordonnées et points définissant les limites sud de la ZEE du Liban (5).
Après une énumération des articles pertinents de la CDM sur lesquels il se fonde, et sur base de la ligne frontalière tracée en 1923 en vertu de l’accord franco-britannique de Newcombe-Paulet et démarquée de nouveau en 1949, le rapport déposé par le Liban affirme que la ligne de base est tracée sur base des cartes suivantes :
- La carte maritime internationale publiée par l’Amirauté britannique n° 2 634 (de Beyrouth à Gaza). Cependant, nous ne savons pas à quand remonte cette carte et quelle est sa pertinence.
- La carte maritime internationale publiée par l’Amirauté britannique n° 183 (de Ras el-Tine, en Alexandrie, jusqu’à Alexandrette). La date de cette carte n’est pas non plus déterminée dans le rapport, mais elle est reconnue également par Israël et par l’Égypte.
- La carte de la direction des Affaires géographiques de l’armée libanaise pour la région de Naqoura (Feuille B-1, à l’échelle de 1 : 20.000, mise à jour en juin 2004 sur base de photos aériennes de 2001-2002).
Selon le rapport, l’adoption de la ligne de base, en fonction des cartes susmentionnées, permet de définir la frontière de la ZEE du côté sud du Liban. Celle-ci est considérée dans le texte comme étant la ligne médiane dont chaque point est équidistant du point le plus proche sur la ligne de base libanaise et celui de l’État voisin (en d’autres termes Israël). Elle démarre à partir du point de rencontre de la ligne de 1923 à Naqoura avec la ligne des côtes. Le rapport affirme que la limite sud de la ZEE a été reproduite sur la carte nautique de l’Amirauté britannique n° 183 et les coordonnées ont été assemblées. La carte susmentionnée et la liste des coordonnées se retrouvent dans l’annexe n° 2 du rapport.
Le rapport reconnaît toutefois que les cartes ne sont pas à jour et que la ligne proposée n’est pas suffisante pour tracer la frontière maritime. Il est, en effet, nécessaire d’effectuer à l’aide d’un système GPS une étude détaillée de la côte contiguë à la limite sud, comprenant toutes les îles et les aspérités, dans le but de mettre plus tard à jour les cartes marines et la ligne de base (6).
Jusqu’ici, le Liban n’a pas tracé sa ligne de base. Il ne peut donc pas préciser les lignes des limites extérieures de la mer territoriale ou de sa ZEE. Il s’est contenté, à défaut, de déposer des listes de coordonnées géographiques de points. Le 19 octobre 2010, le Liban a déposé un nouveau rapport (7) auquel ont été joints le rapport sur la délimitation maritime des limites sud de la ZEE libanaise, la liste des coordonnées et points délimitant respectivement la ligne médiane sud, et la partie méridionale de la ligne médiane occidentale, ainsi que les cartes y relatives. Actuellement, et en l’absence de la ligne de base, c’est la seule ligne que peut tracer le Liban. Son exactitude n’est cependant pas garantie. Israël n’a pas manqué de fonder sa contestation sur ce point.

Les « zones » établies par le droit de la mer 

 

La mer se divise principalement en deux grandes parties : les eaux territoriales attenantes à l’État côtier, d’une distance de 12 milles marins de la ligne de base, et soumises à la souveraineté exclusive et totale de cet État, et la haute mer, qui n’est soumise à aucune souveraineté et qui est ouverte à tous.
Toutefois, à cette division une autre, basée sur les « zones » diverses, s’est superposée, eu égard aux richesses inépuisables que recèle la mer et au besoin de l’être humain de les exploiter. Ces zones sont la zone contiguë, le plateau continental (PC) et la ZEE. Toutes trois doivent être définies à partir d’une ligne de base. Les États y exercent différentes activités et y ont des droits qui ne sont pas tous de nature souveraine mais qui peuvent être économiques ou douaniers.
Pour la démarcation des eaux territoriales, c’est donc la détermination de la ligne de base telle qu’elle apparaît sur les cartes officiellement reconnues par l’État côtier qui importe.
Quant à la zone contiguë, c’est une zone additionnelle de 12 milles marins. L’État n’y a pas de droits souverains mais uniquement des droits de protection de ses législations douanières, sanitaires, d’immigration ou relatives à la contrebande et aux trafics illégaux.
Le PC est la continuation de la terre sous l’eau. Il comprend les « fonds marins et leur sous-sol au-delà des eaux territoriales, sur toute l’étendue du prolongement naturel du territoire terrestre de cet État jusqu’au rebord externe de la marge continentale, ou jusqu’à 200 milles marins des lignes de base. La détermination du PC inferieur à 200 milles nautiques est une opération unilatérale de l’État côtier, lequel dépose les cartes, coordonnées géographiques et points auprès du secrétariat général de l’ONU qui donne à ces documents la publicité voulue dans les publications de l’ONU.
Les droits qu’un État peut exercer sur son PC sont uniquement des droits d’exploration et d’exploitation de ses ressources naturelles, mais ils sont exclusifs, en ce sens que si l’État côtier n’explore pas le plateau continental ou n’en exploite pas les ressources naturelles, nul ne peut entreprendre de telles activités sans son consentement exprès. De plus, l’État côtier n’a pas besoin de déclarer expressément son PC. En effet, les « droits de l’État côtier sur le plateau continental sont indépendants de l’occupation effective ou fictive, aussi bien que de toute proclamation expresse ».
Mais la nature n’est pas homogène et certains États ont des PC très vastes alors que d’autres en sont carrément privés. Le PC du Liban est une zone très étroite (8) dont la largeur varie entre 3 et 20 km selon les secteurs (9), la zone la plus large étant au Nord, entre Arida et Qalamoun où le PC est de 18 à 20 km, alors qu’il est de 10 à 12 km de Naqoura à Saïda (10). Cela équivaut, plus ou moins, à la largeur de la mer territoriale (11). Il s’ensuit que le PC du Liban se confond pratiquement avec sa mer territoriale. Or en l’absence d’un PC, la CDM donne à l’État côtier la possibilité de revendiquer une ZEE. Cette zone doit être définie et revendiquée par l’État côtier, et le secrétaire général de l’ONU doit en être informé à des fins de publication.
Le champ gazéifère du Léviathan, ainsi que trois autres champs trouvés en Israël, selon certaines sources, sont situés sur le plateau continental qui s’étend sur toute la côte est de la Méditerranée, de la Syrie jusqu’à l’Égypte, en passant par les eaux libanaises et israéliennes et celles de la bande de Gaza (12).
Selon les principes ainsi posés, la délimitation avec Israël et la Syrie devra se faire selon les termes de l’article 15 de la CDM. Celui-ci stipule que la délimitation de la mer territoriale entre des États dont les côtes sont adjacentes ou se font face s’opère selon une ligne médiane « dont tous les points sont équidistants des points les plus proches des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale de chacun des deux États ».
Avec Chypre, la délinéation commune suit un autre principe. En effet, c’est la ZEE qui doit être fixée et délimitée à l’Ouest par un accord bilatéral, la distance entre les deux pays étant de loin inferieure à 400 milles marins (200 pour chacun des deux États).
Le Liban, ayant un PC relativement très étroit, est donc en droit d’avoir une ZEE, à condition de la réclamer. C’est une zone de 200 milles nautiques, au plus, à partir de la ligne de base, située au-delà de la mer territoriale et adjacente à celle-ci. Sur cette zone, l’État côtier a des droits souverains aux fins d’exploration et d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles. Cette zone accorde les mêmes droits que ceux que l’État côtier peut exercer sur son PC. La revendication de la ZEE est nécessaire pour pouvoir en jouir, cependant que les droits relatifs au PC sont indépendants de toute revendication.
La CDM définit minutieusement les activités qu’un État peut entreprendre dans sa ZEE. Quant aux principes de la délimitation de cette zone, ils sont posés par l’article 74 qui traite de la « Délimitation de la zone économique exclusive entre États dont les côtes sont adjacentes ou se font face ».
Il stipule ce qui suit :
1 - La délimitation de la ZEE entre États dont les côtes sont adjacentes ou se font face est effectuée par voie d’accord conformément au droit international tel qu’il est visé à l’article 38 du statut de la Cour internationale de justice (CIJ), afin d’aboutir à une solution équitable.
2 - S’ils ne parviennent pas à un accord dans un délai raisonnable, les États concernés ont recours aux procédures prévues à la partie XV », c’est-à-dire tous les moyens de règlement pacifique des différends.

 

Le règlement des conflits relatifs à l’interprétation ou à l’application de la convention

 

Les délimitations maritimes sont nécessaires dès que les espaces auxquels deux ou plusieurs États peuvent prétendre se chevauchent. Les délimitations des espaces maritimes sont traditionnellement issues de négociations basées sur l’équité entre les États intéressés. À défaut, la convention prévoit des procédures de règlement des différends. La délimitation peut ainsi être confiée à un tribunal arbitral, à la CIJ ou au Tribunal international du droit de la mer. Le règlement judiciaire doit avoir été l’objet d’un accord entre les parties au différend par voie de déclaration écrite expresse.
Le Liban est partie à la CDM, mais pas Israël. Les deux États n’entretiennent pas de relations diplomatiques et le Liban ne reconnaît pas Israël. Le recours à une juridiction arbitrale ou internationale n’est donc pas envisageable. Toutefois, la convention renvoie aux dispositions de la charte de l’ONU. L’article 279 pose l’obligation de régler les différends par des moyens pacifiques et préconise la coopération internationale pour le règlement des différends internationaux par les moyens indiqués à l’article 33, § l, de la charte, c’est-à-dire « par voie de négociations, d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d’autres moyens pacifiques de leur choix ». Et le Conseil de sécurité peut prendre l’initiative d’« inviter » les parties à régler leur différend par de tels moyens. Tout État partie peut aussi inviter l’État avec lequel il est en conflit à une procédure de conciliation. Mais, si l’autre partie refuse la conciliation, il est réputé avoir été mis fin à celle-ci. Le Conseil de sécurité peut aussi ordonner une enquête et proposer une médiation ou une conciliation. Si le Liban n’est pas en mesure de s’engager dans un dialogue direct avec Israël, on peut concevoir un dialogue par partie interposée, un État ami qui serait disposé à être le porte-parole du Liban. Les portes du règlement de ce conflit ne sont pas fermées, loin de là, et c’est ici que la diplomatie internationale peut jouer son rôle le plus important.
 

 Le droit applicable

 

Quant au droit applicable, la convention stipule qu’il s’agit du « droit international tel qu’il est visé à l’article 38 du statut de la CIJ. Il s’agit donc :
a) des conventions internationales ;
b) de la coutume internationale, comme preuve d’une pratique générale acceptée comme étant le droit ;
c) des principes généraux du droit reconnus par les nations civilisées ;
d) des décisions judiciaires et de la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit.
Ainsi, même si Israël n’a pas adhéré à la CDM, celle-ci s’applique car elle fait partie du droit international coutumier. La vaste adhésion de la plupart des pays du monde à cette convention dénote une opinio juris bien établie. Il est, par ailleurs, évident qu’Israël a accepté les principes du Droit de la mer. En effet, le Premier ministre israélien a déclaré le 10 juillet 2011 qu’Israël applique le droit international dans la délimitation de ses frontières maritimes. De même, le ministre israélien des Affaires étrangères a déclaré devoir remettre incessamment à l’ONU une carte montrant la ligne définissant la frontière maritime telle que revendiquée par Israël et fondée sur des arguments de droit international (13). De surcroît, le Liban et Israël se prévalent tous les deux d’une même carte géographique, celle de l’Amirauté britannique n° 183, Ras el-Tine-Alexandrette.
La frontière maritime libanaise est divisée en deux secteurs au moins : la mer territoriale et la ZEE. La délimitation de chacune de ces zones doit suivre les règles posées par la CDM. En d’autres termes, dans le secteur de la mer territoriale, c’est la ligne médiane qui doit être suivie, alors qu’avec l’État d’en face, ce sont les principes d’équité.
Les principes qui fondent la délinéation ont été posés par la CIJ à l’occasion de différentes affaires.
À cette étape de la détermination des frontières, les parties doivent également déterminer la « zone pertinente », comme le fait la CIJ qui affirme que « le concept juridique de « zone pertinente » doit être pris en considération dans la méthodologie de la délimitation maritime ». Elle « peut ainsi inclure certains espaces maritimes et en exclure d’autres qui sont dépourvus de pertinence dans l’affaire considérée » (14). De plus, « cette zone est pertinente pour vérifier l’absence de disproportion (...) significative entre les espaces maritimes attribués à chacune des parties et la longueur de leurs côtes respectives » (15).
Ainsi, la détermination de la zone pertinente ne vise pas à la précision et elle est approximative. L’objet de la délimitation est en effet de parvenir à un résultat équitable et non à une répartition égale des espaces maritimes (16).

 

La méthode de délimitation

 

Le principe qui prévaut est qu’en l’absence d’une disposition contraire, la délimitation terrestre aboutit nécessairement à la délimitation des eaux attenantes à un territoire déterminé (17), que ces eaux côtières suivent la terre (18) ou bien, en d’autres termes, que la terre domine la mer à travers ou par le biais des côtes (19). De surcroît, la jurisprudence internationale considère que les droits maritimes sont des compléments automatiques de la souveraineté territoriale et qu’ils sont fondés sur le principe de la ligne des côtes et ne sont pas une projection de la terre dans la mer (20).
Afin de parvenir à indiquer les frontières maritimes, la cour procède en plusieurs étapes (21). Dans une première étape, la cour « commence par établir une ligne de délimitation provisoire en utilisant des méthodes objectives d’un point de vue géométrique et adaptées à la géographie de la zone dans laquelle la délimitation doit être effectuée. Lorsqu’il s’agit de procéder à une délimitation entre côtes adjacentes, une ligne d’équidistance est tracée, à moins que des raisons impérieuses propres au cas d’espèce ne le permettent pas. Dans l’hypothèse de côtes se faisant face, la ligne provisoire de délimitation est une ligne médiane. L’emploi des termes « ligne médiane » et « ligne d’équidistance » est sans incidence juridique puisque la méthode de délimitation utilisée est la même dans les deux cas (22).
Après avoir tracé la ligne provisoire d’équidistance, et en gardant à l’esprit que le « tracé de la ligne finale doit aboutir à une solution équitable » selon les articles 74 et 83 de la CDM, vient une deuxième étape où la cour voit s’il existe des facteurs appelant un ajustement ou un déplacement de la ligne d’équidistance provisoire afin de parvenir à un résultat équitable (23).
Dans une troisième étape, la cour s’assurera que la ligne provisoire ne donne pas lieu, en l’état, à un résultat inéquitable du fait d’une disproportion marquée entre le rapport des longueurs respectives des côtes et le rapport des zones maritimes pertinentes attribuées à chaque État par ladite ligne. La vérification finale du caractère équitable du résultat obtenu doit permettre de s’assurer qu’aucune disproportion marquée entre les zones maritimes ne ressort de la comparaison avec le rapport des longueurs des côtes (24). Ce qui ne signifie nullement que les zones ainsi attribuées à chaque État doivent être proportionnelles aux longueurs des côtes, car c’est le partage de la région qui résulte de la délimitation et non l’inverse (25).
La délimitation par conciliation n’a pas nécessairement à suivre les mêmes étapes et les États sont tout à fait libres de se mettre d’accord sur les lignes de leur choix, mais la CIJ pose les principes généraux qui évitent de léser les parties.
Pour ce qui est du différend entre le Liban et Israël, il est représenté par l’emplacement d’un point (n° 1) entre Chypre et le Liban. Le Liban affirme que la ligne ne doit pas s’y arrêter, alors que l’accord entre Chypre et Israël l’y arrête, réduisant ainsi la ZEE du Liban.
 

Conclusion

 

Au-delà du conflit avec Israël, toujours politiquement intéressant pour haranguer les foules, les ressources que contient la mer, c’est avant tout le stock halieutique, la pêche étant la source de revenus pour une grande tranche de la population.
Les minerais et autres nodules polymétalliques assez répandus dans la Méditerranée méritent aussi une prospection. En effet, les fonds marins constituent une énorme richesse pour les pays côtiers et nous ne parviendrons jamais à comprendre la raison qui a empêché le Liban de profiter de ses ressources.
L’absence d’une politique de gestion des ressources naturelles de la part du Liban ne peut que l’entraîner dans des conflits avec les États voisins. En tout état de cause, et tant qu’il n’a pas procédé à la détermination de sa ligne de base, le Liban n’est pas en réelle mesure de résoudre ses conflits frontaliers maritimes. Cette ligne est en tout cas nécessaire pour la négociation avec Chypre.
Il convient par conséquent de déterminer la ligne des côtes dans son intégralité, surtout que les frontières avec Israël et la Syrie concernent les eaux territoriales qui sont des lignes frontalières qui séparent des zones de souveraineté et non pas d’exploitation économique ; d’adopter la législation nécessaire pour la définition des frontières maritimes ; et de compléter la législation nécessaire pour l’exploration dans la ZEE et l’exploitation des ressources dans ces zones, étant donné qu’elles ne sont soumises qu’à une souveraineté restreinte et non pas totale de l’État libanais.
Nonobstant les risques sérieux que fait courir ce différend maritime à la paix internationale, il est somme toute « ordinaire » en ce sens que tous les États qui ont délimité leurs frontières maritimes aient connu des problèmes similaires. Le fait que les Nations unies aient reconnu leur compétence pour s’occuper de l’affaire de la délinéation de la frontière maritime entre le Liban et Israël, l’implication de la Suisse et sa désignation de juristes internationaux qui travaillent sur le dossier, ainsi que le travail effectué par la diplomatie libanaise sont choses rassurantes, même si l’état d’alerte ne doit jamais être levé vu l’énormité des enjeux et la nervosité qu’affichent les protagonistes.

 Marie GHANTOUS,
 professeur de droit international public à l’USJ et présidente du Centre libanais des études internationales

(1) Ram Etwareea, « La Suisse pourrait aider le Liban à exploiter son pétrole », 6/5/2011, le quotidien suisse Le Temps.

(2) L’Orient-Le Jour, 11/7/2011, « Israël accuse le Liban d’empiéter sur sa frontière maritime » ; lire également dans le même numéro : « Gisements gaziers : la querelle libano-israélienne s’accentue ».

(3) Le Liban n’avait pas ratifié la convention de 1958 relative aux eaux territoriales et la zone contiguë du 29 avril 1958. Par contre, il avait ratifié le 29 mai 1958 la « Convention relative à la haute mer », ainsi que la « Convention relative à la pêche et à la conservation des ressources biologiques de la haute mer ».

(4) Voir notre article intitulé « La recherche du pétrole et les frontières maritimes du Liban : l’importance de la détermination de la ligne des côtes », publié dans le quotidien libanais an-Nahar, le 18/10/2010.

(5) Lettre de la Mission permanente du Liban à l’ONU, référence 1506/10, du 14 juillet 2010. www.un.org/Depts/los/LEGISLATIONANDTREATIES/PDFFILES/DEPOSIT/lbn_mzn79_2010.pdf
Ces documents ont été reçus par l’ONU, et dûment publiés dans le numéro 32 de la Circulaire d’information sur le droit de la mer qui aide les États parties à s’acquitter de l’obligation de publicité qui leur incombe.
Tous les documents pertinents peuvent être retrouvés sur le lien suivant : www.un.org/Depts/los/LEGISLATIONANDTREATIES/STATEFILES/LBN.htm

(6) Site Internet « Armateurs de France », La convention de Montego Bay en 50 leçons www.armateursdefrance.org/05_carnet/04_publication/Montego_www.pdf

(7) Permanent Mission of Lebanon to the UN, Letter, ref. 2399/10, dated 19 October 2010. www.un.org/Depts/los/LEGISLATIONANDTREATIES/PDFFILES/DEPOSIT/lbn_mzn79add1_2010.pdf
 
(8) C. D. Walley, The Geology of Lebanon. A Summary, American University of Beirut.
ddc.aub.edu.lb/projects/geology/geology-of-lebanon/#footnote1

(9) Ali Jaber, Beach water, Pool water. Standards and Surveillance, Amman, 20-22 June 2005, Republic of Lebanon Ministry of Public Health.
www.emro.who.int/ceha/pdf/beach_leb1.pdf
(10) Ali Jaber, op. cit.

(11) Voir Ph. Wacrenier, Liban. Développement de la recherche technique et scientifique. Projet de plan quinquennal, sept-nov 1964, Réf. UNESCO/PEAT/LEB/SP.http://unesdoc.unesco.org/images/0000/000077/007701FB.pdf

(12) East Med gas bonanza has many perils, Beirut, Lebanon (UPI) Dec 31, 2010 www.energy-daily.com/reports/East_Med_gas_bonanza_has_many_perils_999.html

(13) As-Safir, « Israël viole les frontières et les droits maritimes libanais », 11/7/2011, http ://www.assafir.com/Article.aspx ? ArticleId=1139&EditionId=1892&ChannelId=44600

(14) Aff. délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine), CIJ, arrêt, 3 fév. 2009, § 106-114.

(15) Idem.

(16) Aff. Roumanie/Ukraine, op. cit. ; aff. plateau continental de la mer du Nord (RFA d’Allemagne/Danemark ; RFA/Pays-Bas), CIJ, arr., 20 fév. 1969, p. 22, § 18 ; Délimitation maritime dans la région située entre le Groenland et Jan Mayen (Danemark c. Norvège), CIJ, arr., 14 juin 1993, p. 67, § 64.

(17) Aff. du canal de Beagle, sentence arbitrale, 22 avril 1977, § 107.

(18) Aff. des pêcheries norvégiennes (Norvège c. Royaume-Uni), CIJ, arr. 18 dec. 1951, p. 128.

(19) Aff. plateau continental Libye/Malte, arr., CIJ, 3 juin 1985.
(20) Aff. délimitation de la frontière maritime dans la région du Golfe du Maine (Canada/États-Unis), CIJ (chambre), arr., 12 octobre 1984, § 103.

(21) Aff. plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), CIJ, arr. 3 juin 1985, p. 46, § 60.

(22) Aff. délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine), CIJ, arrêt, 3/2/2009, § 115-122.

(23) Idem.

(24) Idem.

(25) Aff. délimitation maritime dans la région située entre le Groenland et Jan Mayen (Danemark c. Norvège), CIJ. arr., 14/6/93, Rec. 1993, p. 67, § 64.

En ces temps troubles, la définition des frontières maritimes entre le Liban, Israël et Chypre provoque des remous dont le pays aurait pu se passer. N’étant jamais préparé pour les dossiers requérant des études scientifiques préalables, Beyrouth compte heureusement sur des amitiés internationales indéfectibles. C’est ainsi que la Suisse, à travers l’Association suisse pour le...

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