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Le silence des agneaux

Les vérités, on ne le sait que trop, ne sont pas toujours bonnes à dire. Alors on se livre à des entourloupettes, on prend des chemins détournés, on met des gants feutrés pour transmettre à l'interlocuteur obtus le message qu'il n'a pas envie d'entendre.
Malheureusement, ce qui n'est au départ qu'une tentative « civilisée » pour arrondir les angles, pour éviter les heurts inutiles, est rapidement perçue comme un signe de faiblesse, presque un aveu de culpabilité, la reconnaissance d'erreurs nullement commises, fruits d'imaginations débridées.
De malentendus en ambiguïtés, de non-dits en interprétations erronées, le fossé de l'incompréhension s'élargit alors et à la crise de confiance succèdent rapidement les menaces, les veillées d'armes préludes à des chantages sécuritaires.
Dans ces conditions, autant dire leurs quatre vérités aux uns et aux autres, les placer au pied du mur, les contraindre à révéler leurs véritables intentions, dussent-ils pour cela user de mille et un subterfuges.
Et les voilà qui crient, qui hurlent d'au-dessus les toits pour se poser en défenseurs acharnés de « l'intérêt supérieur de la nation », pour se proclamer seuls dépositaires des solutions magiques qui éliminent tous les obstacles, qu'il s'agisse du Tribunal spécial pour le Liban, de la paralysie imposée à l'exécutif ou du dossier du Liban-Sud.
« La mort d'un homme, l'enquête sur son assassinat valent-ils le risque de voir un pays mis à feu et à sang » ? Au-delà de l'insulte faite à la mémoire d'un homme, c'est à un travestissement de l'histoire qu'une telle remarque conduit, c'est pousser l'imposture jusqu'à occulter le martyre de dizaines de Libanais tués avant et après l'assassinat de Rafic Hariri, le sacrifice de milliers de Libanais qui ont cru à un moment de leur vie que la dignité mérite bien que l'on se batte, que l'on meurt pour elle.
C'est oser insinuer que leur mort, leur foi en un monde meilleur ne pèsent pas lourd dans la balance et qu'il vaut mieux taire la vérité et se compromettre avec les assassins que de lutter pour que justice soit rendue, c'est délibérément ignorer que le silence que l'on veut imposer, celui des agneaux menés à l'abattoir, est un incitatif à de nouveaux meurtres, à de nouvelles tutelles humiliantes.
Mensonges, tromperies, imposture : la liste est longue et se perpétue grâce aux zélotes d'une souveraineté violée, rapiécée dans « l'intérêt supérieur de la nation », bien évidemment... Une dérive qui mène à un déni de mémoire, qui s'emploie à nous faire oublier que le Liban-Sud a été libéré il y a dix ans déjà, en ce fameux mois de mai 2000, une supercherie qui occulte le refus du Hezbollah de se soumettre à l'autorité de l'État, de se fondre dans l'armée, de mettre tout son potentiel militaire à la disposition de la seule légalité.
Une dérive qui prend prétexte du verrou syro-israélien de Chebaa pour s'éterniser, qui paralyse l'État et fournit à Israël des prétextes sans cesse renouvelés pour d'énièmes aventures criminelles.
En clair, et en résumé, une tromperie qui fait de la Finul et de l'armée libanaise de faux témoins, les otages d'un fait accompli. Une situation ubuesque qui fait du Liban le redresseur de tous les torts, celui qui, le moment venu, se battra et pour l'Iran et pour la Syrie, et pour la Palestine et pour tous les pays arabes réunis.
Des batailles interminables contre Israël, au service du même Israël : c'est au Liban que le rite sacrificiel doit être accompli pour que jamais justice ne soit rendue...
Les vérités, on ne le sait que trop, ne sont pas toujours bonnes à dire. Alors on se livre à des entourloupettes, on prend des chemins détournés, on met des gants feutrés pour transmettre à l'interlocuteur obtus le message qu'il n'a pas envie d'entendre.Malheureusement, ce qui n'est au départ qu'une tentative...
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