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Identités meurtrières, perte d’identité

Progressivement, subrepticement, c'est la distinction qu'on tue à petit feu, c'est le droit à la différence qu'on s'escrime à noyer dans une mer d'uniformité. En politique, cela s'appelle totalitarisme, dans la réalité sociétale, cela a pour nom déculturation, a pour résultat une perte d'identité, synonyme d'annihilation, de reniement forcé.
L'objectif est clair, la cible identifiée : l'héritage légué par la génération de l'indépendance, celle qui a façonné le pays du Cèdre, qui en a fait un pays ouvert sur le monde, baignant naturellement dans une double culture autant arabe qu'occidentale, autant chrétienne que musulmane.
Le chêne à abattre est précisément ce Liban symbole, pur produit d'une culture plurielle, d'une diversité à nulle autre pareille, vécue pleinement au quotidien, assumée dans ses contradictions comme dans sa magnifique générosité.
Est-ce la vocation du Liban de se transformer en tribune antioccidentale, en centre privilégié pour les attaques contre la légalité internationale, contre les diverses instances des Nations unies ?
Est-ce le rôle du Liban de devenir le fer de lance de batailles impossibles, de mouvements négationnistes qui n'ont pour mission que de travestir l'histoire, de la manipuler pour servir des desseins, des intérêts suspects ?
Est-ce la destinée du Liban de se fourvoyer dans les dédales de l'extrémisme, dans la politique aveugle du refus systématique, un triple non au dialogue, à la négociation, aux réalités géopolitiques légitimées par la planète entière ?
Que le Hezbollah, fort de son arsenal militaire, de son adhésion viscérale aux plans iraniens, tienne des propos belliqueux, parte en guerre contre l'ordre mondial, menace de rayer Israël de la carte de la région, il n'y a là, après tout, rien d'étonnant. Il ne s'agit, en effet, que d'un duplicata des politiques absurdes ingurgitées jusqu'à la lie, pratiquées, il y a des décennies, par des régimes devenus fous qui ont mené le monde arabe aux pires catastrophes qu'il ait jamais connues.
La déculturation, la perte d'identité sont en cours et le drame, la véritable tragédie, c'est qu'elles se mettent en place, qu'elles rongent l'écorce du cèdre sous les applaudissements de parties chrétiennes engluées dans un populisme infâme, dans le déni total du pacte qui avait été à l'origine du Liban de la diversité, du dialogue et de l'ouverture sur le monde.
Il faut le dire et sans cesse le répéter : le Liban n'aurait pu être sans les chrétiens et ne sera plus (du moins dans sa différence) sans les chrétiens. D'ores et déjà, « le pays du miel et du lait » n'est plus ce qu'il a été et il ne sera pas demain ce qu'il est aujourd'hui.
Au lieu d'un réajustement équilibré, d'une reformulation du système à l'ombre d'un État de droit, c'est à un basculement criminel qu'on assiste, au passage d'une société plurielle, tolérante, à l'hégémonie d'une partie unique qui se distingue par sa langue de bois, son négationnisme et sa fâcheuse tendance à diaboliser tous ceux qui pensent différemment...
Faut-il donc mettre « une croix sur le Liban », comme l'a déjà écrit en 1984 Jean-Pierre Péroncel-Hugoz ?
Faut-il, le revolver sur la tempe, se soumettre à cette lente, inexorable descente aux enfers, à la chute de toutes les valeurs constitutives du Liban pluriel ?
Peut-on encore espérer en un réveil des consciences, en une « reculturation », en un retour à l'identité première des parties prisonnières des « laveries du cerveau » ?
« Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là » pourrait dire le dernier des Mohicans libanais, dernier combattant d'une cause universelle. Mais que de générations sacrifiées entre-temps, que d'illusions perdues, de rêves foulés aux pieds...
Progressivement, subrepticement, c'est la distinction qu'on tue à petit feu, c'est le droit à la différence qu'on s'escrime à noyer dans une mer d'uniformité. En politique, cela s'appelle totalitarisme, dans la réalité sociétale, cela a pour nom déculturation, a pour résultat une perte d'identité, synonyme...
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