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Faites vos vœux

À peine accédé à la Maison-Blanche un nouveau président prônant le dialogue et l'ouverture, c'est fort malencontreusement un Israël encore plus dur, un Israël moins que jamais enclin à échanger la terre contre la paix qui émerge des élections de la semaine dernière et du retour au pouvoir de Benjamin Netanyahu. Comment va pouvoir fonctionner le vieux couple israélo-américain, incarné aujourd'hui de si peu harmonieuse manière ? Et sachant à quel point les extrémismes peuvent se nourrir l'un l'autre, quelles peuvent en être les retombées pour notre pays où abondent les groupes armés obéissant aux injonctions étrangères ?


Telle une bien singulière hirondelle, c'est le président de la commission sénatoriale des AE, John Kerry, qui venait nous assurer, la semaine dernière, des excellentes dispositions de l'administration Obama : on discute sans complexes avec Damas, c'est vrai, mais en aucun cas il n'y aura de marchandage sur le Liban. De tels serments ne sont guère chose nouvelle. On aimerait y croire sans l'ombre d'une réserve, ce qui n'est pas toujours le cas, hélas ; n'empêche, voilà bien des serments toujours bons à entendre et réentendre. De la brève visite de Kerry, la petite histoire retiendra qu'il a exclu le chef de la diplomatie libanaise de son programme de rencontres. De même, Kerry ne s'est pas trop démené pour convenir d'un rendez-vous avec le président Nabih Berry qui, de son côté, invoquait un agenda des plus congestionnés et qui ne souffrait pas le moindre remaniement.


À juste raison, le ministre Salloukh a crié au viol du protocole diplomatique le plus élémentaire. Le président de l'Assemblée a préféré, quant à lui, retourner son ire contre cet État (le sien, le nôtre) qui, en tolérant pareille désinvolture, a montré qu'il n'avait aucun respect pour lui-même. Et là aussi on serait tenté d'acquiescer, si seulement... si seulement Nabih Berry était en mesure d'expliquer quelle idée de lui-même peut bien se faire un État (le sien propre et celui de ses alliés, seul, cette fois) où l'on trouve juste et normal que soit cadenassé l'hémicycle à la face de la majorité parlementaire ou bien qu'un parti politique aux ostensibles attaches extérieures s'arroge l'exclusivité de la détention d'armements lourds.


D'Europe nous vient par ailleurs un inappréciable geste d'amitié, sous la forme de cette tribune de presse conjointement rédigée par les ministres français et italien des AE, et publiée hier par quatre journaux, dont L'Orient-Le Jour. 2009, y lit-on, doit être, pour le Liban, l'année du plein retour à la stabilité, à la prospérité et à la paix. Qu'il s'agisse des élections législatives de juin, de la toute prochaine activation du Tribunal spécial pour le Liban ou de l'instauration de relations diplomatiques avec la Syrie, les ministres Kouchner et Frattini se réjouissent d'un calendrier chargé de perspectives et de promesses pour notre pays, désigné comme le modèle de coexistence et de tolérance dont a besoin la Méditerranée. Reste à espérer que les échéances de 2009 passeront l'épreuve des tensions tant internes que régionales. Et que les bons vœux de nos amis du Vieux Continent n'auront pas été que des vœux pieux.


Vœu pieux lui aussi, utopie d'intellectuels que cet Appel de Beyrouth 2009 que lançaient le 17 février près de 200 membres agissants de la société civile pour une dynamique de dialogue et d'action visant à régler le conflit libanais et de promouvoir la paix régionale ? Certes pas. Car s'il est vrai que les signataires de ce manifeste ne détiennent pas la moindre parcelle de pouvoir, ils croient à la force créatrice des idées, dans un microcosme libanais où les idées sont depuis longtemps en panne, et où les vieilles frayeurs et les rivalités claniques tiennent lieu de sombre programme d'avenir.


C'est seulement dans la paix civile et le dialogue que peuvent progresser les sociétés ; et à son tour, c'est la paix aux frontières, une paix juste et globale, qui peut mettre à l'abri des manipulations ces mêmes et fragiles sociétés qui ont vocation de toutes choses, excepté la guerre : avec l'Appel de Beyrouth, on n'a certes pas inventé la poudre. Mais on a bien là une véritable première, dans un monde arabe où seuls les gouvernements - et en aucun cas les peuples - sont admis à revendiquer l'option stratégique de paix. C'est de la chair des peuples pourtant que se paient les aventures guerrières ; et le fait est plus révoltant encore quand ces gouvernements disposent des autres peuples pour se livrer à leurs hasardeux paris.


Engagée dans des négociations épisodiques avec Israël, c'est seulement par Libanais interposés que résiste ainsi la Syrie. Et l'avènement d'un gouvernement israélien à dominante Likoud, excluant tout retrait du Golan ou de Cisjordanie, n'est évidemment pas fait pour mettre un terme à la supercherie : raison supplémentaire pour les Libanais de cesser de se mentir.

 

Issa GORAIEB

igor@lorient-lejour.com.lb

À peine accédé à la Maison-Blanche un nouveau président prônant le dialogue et l'ouverture, c'est fort malencontreusement un Israël encore plus dur, un Israël moins que jamais enclin à échanger la terre contre la paix qui émerge des élections de la semaine dernière et du retour au pouvoir de Benjamin Netanyahu....