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Défense ? Défendu !

Continuer d'y croire, ou ne serait-ce que faire semblant, relève désormais d'une naïveté sans bornes, ou bien alors d'une belle hypocrisie : cette stratégie de défense sur laquelle bute désespérément la conférence de dialogue national n'est hélas qu'une utopie. Une chimère. Un vœu qu'on aurait bien voulu qualifier de pieux, du moment que dans notre pays, la religion n'est jamais bien éloignée de la politique.

Non point bien sûr qu'un petit pays tel que le nôtre, entouré de monstres froids et hanté plus qu'à son tour par les dieux de la guerre, n'ait, plus que tout autre, besoin d'un tel programme. Le drame du Liban cependant, c'est son proverbial déficit immunitaire face à tous les venins - guerriers, notamment - instillés du dehors : ayant déjà affaire au plus impitoyable ennemi, Israël, c'est contre tous les autres trublions, va-t-en-guerre, manipulateurs, pêcheurs en eau trouble et promoteurs d'empires qu'il lui faut se défendre aussi. Comment ce Liban cloisonné, miné par les divisions internes, serait-il en mesure de se doter efficacement d'une grande muraille ? Et par quel prodige la demeure libanaise serait-elle à l'abri des tempêtes frontalières quand elle demeure ouverte de la sorte à tous les courants d'air, à toutes les ingérences extérieures ?

C'est en réalité d'un impossible mariage de l'eau et du feu qu'il est question depuis le début de la très épisodique conférence de dialogue national. Le feu, c'est l'obstination du Hezbollah à conserver son formidable arsenal, à se poser, avec le soutien de ses alliés, en premier gardien du territoire, en égal sinon en substitut de l'État. Et l'eau, c'est tous les autres Libanais, qui exigent au contraire un monopole étatique sur la détention des armes comme sur la décision de paix ou de guerre.

Le plus remarquable est que les partisans de l'eau n'ont pas manqué de mettre des calories dans leur eau : présenté sans grande illusion lors de la dernière séance de dialogue, le projet du député Boutros Harb prévoit ainsi l'intégration des combattants de la Résistance à une unité spéciale de l'armée régulière, sous réserve d'un désarmement progressif du Hezbollah et d'une consécration totale et définitive de la primauté étatique. Les zélateurs du feu, en revanche, continuent d'entretenir la braise sous la cendre. Car non seulement les vues du parti n'ont pas évolué sur la question, la tragédie de Gaza, nous assure-t-on avec aplomb mais à l'encontre de toute logique, vient d'en démontrer une nouvelle fois le bien-fondé...

Pourquoi, dès lors, tous ces stériles conciliabules, dont le dernier en date, jeudi au palais présidentiel de Baabda, a servi seulement à confirmer un mensonger accord, vieux de trois ans déjà, sur l'interdiction de toute présence armée palestinienne hors des camps ? Et ne s'agirait-il finalement que de préserver un espace de communication plus ou moins sereine entre les protagonistes locaux, en attendant que se précisent les perspectives régionales ouvertes par l'élection du nouveau président des États-Unis Barack Obama ?

C'est dans cette optique, en tout cas, que viennent tout naturellement se placer les élections législatives de juin prochain. N'en attendons pas trop hélas un éclatant triomphe de la pratique démocratique : aucune démocratie en effet ne pourrait s'accommoder d'une armée privée, une armée dont le plus singulier des exploits, d'ailleurs, aura consisté à faire voler en éclats les concepts de majorité et de minorité. Ce triste constat n'altère en rien cependant le caractère proprement crucial du scrutin. Les bulletins de vote ne suffiront sans doute pas, à eux seuls, pour asseoir l'indépendance et la souveraineté du Liban. Ils auront amplement rempli leur office en revanche si, par la volonté du peuple, barrage est fait à la satellisation syro-iranienne et aux modèles de société importés.

 

Issa GORAIEB

igor@lorient-lejour.com.lb

Continuer d'y croire, ou ne serait-ce que faire semblant, relève désormais d'une naïveté sans bornes, ou bien alors d'une belle hypocrisie : cette stratégie de défense sur laquelle bute désespérément la conférence de dialogue national n'est hélas qu'une utopie. Une chimère. Un vœu qu'on aurait bien voulu...