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Les danses du général

Gebran, mon ami, garde les yeux fermés, car ce n'est pas beau à voir ; ils sont devenus timbrés. D'ailleurs, ils ne savent plus ce qu'ils font, n'ont plus de freins et ne savent plus ce qu'ils disent ! Des anciens compagnons que tu as portés aux nues, dont tu as scandé le slogan de l'époque souveraineté, liberté, indépendance et qui, eux, ont tourné casaque, veulent te salir. Les Syriens sont soupçonnés de t'avoir assassiné, et eux veulent t'assassiner une deuxième fois en assassinant ta mémoire.
Un de leurs chefs, un nouvel Iznogoud fourvoyé dans les méandres de la politique politicienne, a été même te chercher dans la tombe pour t'accuser, toi le martyr intransigeant, mort pour ses idées, d'avoir été versatile dans tes attitudes, une girouette en somme. Tout cela dans une tentative d'empêcher ta fille Nayla, qui a hérité de ton courage et de ton audace, de reprendre le flambeau tombé de tes mains quand ils t'ont lâchement abattu sur la voie du devoir.
Pour cela, il a parachuté sur son chemin un autre ancien général de ses amis, en quête d'un nouveau souffle, pour l'empêcher d'accéder au Parlement et défendre les idées pour lesquelles tu t'es sacrifié.
A-t-il oublié, ton accusateur, qui veut mettre tout le monde au pas, qu'il est lui-même accusé de multiplier les pirouettes, de changer de principes et de politique comme on change de chemise ?
A-t-il oublié qu'il avait commencé par se présenter comme un recours national, comme le héraut du peuple toutes confessions confondues, pour ramener ensuite ses prétentions à la seule défense des chrétiens et surtout les maronites, dont il voue le patriarche aux gémonies, n'ayant pu le rallier à sa nouvelle cause ?
A-t-il oublié, car il faut savoir sur quel pied danser, que pendant des années il a mobilisé les foules contre le régime syrien pour devenir ensuite l'allié de ce régime qui, dit-il, ne s'ingère plus dans les affaires intérieures libanaises ?
À en croire le général qu'il faut excuser car il sort (ou descend) rarement des hauteurs de Rabieh, ce serait les Suédois qui ont assassiné la fine fleur de notre relève politique et intellectuelle. Ou bien les Danois qui entraînent et arment les bases palestiniennes sur le territoire libanais, notamment à Naamé, à Koussaya et ailleurs. Ce serait aussi le Vatican qui manipule les organisations palestiniennes extrémistes et les groupuscules intégristes dans les camps palestiniens, autant d'abcès inflammables sur commande, répartis sur le territoire national.
C'est également un activiste sorti des geôles monégasques qui a mené la guerre de Nahr el-Bared pour ensuite disparaître dans les bas-fonds proches de Portofino ! C'est dans la principauté de Liechtenstein que défilent les chefs et les seconds couteaux de l'opposition libanaise, pour s'enquérir de l'ordre du jour décidé par le prince. Il ne faut surtout pas oublier le Tibet par où transitent les armes divines du Hezbollah, sous la supervision personnelle du dalaï-lama qui, pour la réussite de son agenda régional, veut en découdre avec Israël en utilisant les Libanais comme chair à canon et les envoyer au nirvana éternel. C'est enfin le président suisse qui lance, depuis son palais à Berne, avec une régularité de métronome, les ukases et les menaces pour terroriser les Libanais et leur dicter la politique à suivre !
Se rappelle-t-il, lui qui revendique souvent l'honneur d'être aux petits soins de ses troupes et de ses partisans, qu'un certain 13 octobre 1990, et malgré tous les conseils internationaux et les menaces régionales, il s'est entêté à s'accrocher au pouvoir, alors que ses subordonnés se faisaient massacrer par les assaillants syriens devant le ministère de la Défense à Yarzé. Pendant ce temps, lui, comprenant enfin que ça sentait vraiment le roussi, était évacué vers l'ambassade de France.
Pire, il est devenu carrément amnésique disant, en direct récemment à la télé, n'avoir pas su que des soldats avaient été massacrés ou emmenés dans les prisons syriennes où ils croupissent depuis presque 20 ans. En fait, il ne veut pas savoir car il ne veut pas embarrasser ses nouveaux amis qui l'ont accueilli en grande pompe.
A-t-il parlé à ses hôtes des centaines de Libanais présumés détenus en Syrie, lui avait demandé le présentateur ? Bien sûr que non, car, a-t-il rappelé, tout aussi sélectivement amnésique, qu'il se trouvait alors en exil en France. Comprenne qui pourra !
Par contre, ce qu'il n'a pas oublié de faire, quelque temps après son retour, c'est de laisser planer le doute sur le rôle du régime syrien sur les assassinats commis au Liban. Mieux encore, alors que les spadassins de l'ombre talonnaient les députés de la majorité pour tenter d'en faire une minorité à coups d'attentats, il n'a pas hésité à ravir le siège parlementaire de Pierre Gemayel, un autre martyr que les assassins avaient eu toujours en ligne de mire.
De grâce, monsieur le général, il faut raison garder malgré vos choix à tiroirs comme les babouchkas russes ; épargnez au moins aux martyrs vos multiples humeurs martiales, colériques et belliqueuses. Car, après s'être sacrifiés pour que le Liban vive, ils méritent la paix éternelle. Et les Libanais, la paix tout court.
Gebran, mon ami, garde les yeux fermés, car ce n'est pas beau à voir ; ils sont devenus timbrés. D'ailleurs, ils ne savent plus ce qu'ils font, n'ont plus de freins et ne savent plus ce qu'ils disent ! Des anciens compagnons que tu as portés aux nues, dont tu as scandé le slogan de l'époque souveraineté, liberté,...

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