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Silence, on tue !

Des centaines de milliers de manifestants venus pacifiquement comme un seul homme, place de la Liberté, renouveler leur adhésion à la révolution du Cèdre, et un mort, Loutfi Zeineddine, (et plusieurs blessés) impunément assassiné par le camp d'en face, furieux de constater que la foi et la fidélité au souvenir n'avaient pas faibli dans les rangs des souverainistes.
Malgré les appels conjugués au calme, cette dramatique équation remet sur le tapis le constat, vérifié de jour en jour, qu'une partie des Libanais veut imposer le silence à l'autre, par la force, au besoin celle des armes, à défaut de la convaincre des bienfaits de la Pensée unique. Pol Pot n'aurait pas mieux agi.
Pour rappel encore frais dans toutes les mémoires, l'invasion de Beyrouth la rebelle, matée dans le sang par les hordes armées en mai 2008, pour avoir osé remettre en cause le principe de l'État dans l'État. Au nom de quoi ? De la Résistance bien sûr, qui, après avoir libéré le Liban-Sud des Israéliens en l'an 2000, sévissait cette fois-ci dans la capitale contre une proie plus facile, les ennemis de l'intérieur, fatigués, eux, de servir de chair à canon au profit de calculs et d'agendas étrangers.
Même l'armée n'a pas été épargnée. Qui donc a oublié les incidents de Mar Mikhaël où la troupe a été assaillie par la foule qui protestait, certains les armes à la main, contre les coupures d'électricité, dans une zone réputée pour ne pas payer le courant fourni par l'État qui facture la lumière, sans sourciller et à des taux prohibitifs, à d'autres zones plus dociles. Des officiers et des soldats avaient été mis aux arrêts pour désamorcer la colère de certains partis décidés à mettre en pièces la version officielle qui parlait de provocateurs parmi les protestataires.
Comment donc oublier le capitaine Samer Hanna, abattu dans son hélicoptère frappé de manière ostensible aux couleurs libanaises bien visibles, pour avoir eu le culot de survoler une zone décrétée sécuritaire malgré son éloignement de la frontière. Là aussi, un courroux sans bornes a poursuivi ceux, dont des ministres et des journalistes, qui remettaient en cause la version officielle imposée au gouvernement par les chefs du tireur. Des menaces discrètes mais très inquiétantes avaient même été proférées amicalement contre certains journaux.
D'autres, comme le général Michel Aoun, bien connu pour sa tolérance à l'égard de la presse, avaient pris le relais du Hezbollah en réclamant des poursuites judiciaires contre les torchons adverses. Évidemment, la justice n'a pas obtempéré aux ukases répétées du militaire reconverti dans la politique politicienne, après les guerres d'élimination et de libération qui n'ont, il faut le dire, rien éliminé que des civils libanais et, surtout, rien libéré.
En fait, le général avait donné le ton dès son retour d'exil. Son fameux taisez-vous colérique et martial, à l'aéroport, lancé à ses fans enthousiastes était annonciateur de la kyrielle de foudres aounistes qui allaient frapper par la suite tous ceux qui ne partagent pas aveuglément ses convictions versatiles du moment.
Le langage coloré de M. Aoun allait ensuite dépasser de très loin celui, au ras des pâquerettes, utilisé souvent avant lui par Wi'am Wahhab, revenu depuis à des locutions plus raisonnables dans un souci affiché de respectabilité.
Jugez-en par vous-mêmes. À l'exemple du Hajjaj, fameux tribun de l'après-Jahiliya (comprendre obscurantisme) et du début du Jihad, qui menaçait de couper les têtes de ses adversaires, le général, fraîchement rompu au langage guerrier de son allié sayyed Hassan Nasrallah qui avait déjà promis une hécatombe de bras chez ses rivaux, parle allègrement, lui, de couper les mains et les langues de ses détracteurs qui ne veulent pas rejoindre le train électoral unitaire conduit par le Hezbollah. En somme, un retour accéléré et sanguinaire au siècle de la Jahiliya,bien avant le Jihad.
De fait, et à l'approche des élections législatives qui semblent prédire un reflux du tsunami de 2005, le général devient de plus en plus nerveux et tire sur tout ce qui bouge ailleurs que dans son camp. Après avoir dénié, très démocratiquement, le droit à des centristes indépendants de briguer des mandats parlementaires, le voilà qui s'en prend violemment à trois stars de la presse, des femmes cette foi-ci, qui sont apparemment insensibles à ses charmes politiques.
Ces Charlies Angels (selon les termes ironiques d'un confrère), qui font peur au chef du CPL sont May Chidiac, Sahar el-Khatib et Wardé. La voix de cette dernière troublant particulièrement la tranquillité et la sérénité matinales (sic) du locataire de Rabieh.
Mais la cible favorite reste le patriarche Nasrallah Sfeir, à qui le général refuse le droit de parler au nom des chrétiens et surtout des maronites d'entre eux. En revanche, il accepte volontiers et sans rechigner que son allié sayyed Hassan Nasrallah s'exprime haut et fort au nom de tous les chiites. Et pas seulement !
Sinon à quoi servirait donc tout cet arsenal d'armes divines ?
Des centaines de milliers de manifestants venus pacifiquement comme un seul homme, place de la Liberté, renouveler leur adhésion à la révolution du Cèdre, et un mort, Loutfi Zeineddine, (et plusieurs blessés) impunément assassiné par le camp d'en face, furieux de constater que la foi et la fidélité au souvenir n'avaient pas...

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