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À La Une - La situation

Tribunal spécial pour le Liban : l’heure de vérité

C’est l’heure de vérité. Six ans après l’assassinat de Rafic Hariri, l’acte d’accusation dans cette affaire est publié, bien que sous scellés encore, et quatre mandats d’arrêt internationaux délivrés. Incriminés, à titre personnel : quatre cadres du Hezbollah. À côté de cette épreuve, le premier baptême du feu du nouveau gouvernement, à Tripoli, semble un jeu d’enfant.
Longtemps redouté en raison des menaces diffuses du Hezbollah, l’acte d’accusation divise le Liban et fait craindre de nouvelles violences. Toutefois, la rue n’a pas vraiment réagi hier à ce coup de tonnerre, peut-être parce qu’on en parle depuis si longtemps, que son écho s’en est trouvé amorti. Il faut s’en féliciter. Et une première et brève « répétition » de ces violences, en mai 2008, a prouvé à tous les Libanais l’inanité d’une discorde civile, qui ferait injure à la mémoire de Rafic Hariri et à la sagesse – acquise dans la souffrance – des Libanais.
L’acte d’accusation a pris de vitesse la déclaration ministérielle. Cette dernière a été approuvée sous la pression allant crescendo des flashes tombant sur les écrans de télévision et des portables. Résultat, la clause sur le TSL, la partie la plus importante de la déclaration ministérielle approuvée est un texte volontairement équivoque, un peu à l’image du gouvernement lui-même, dont on ne sait pas vraiment où va l’allégeance : au Liban d’abord, à la Syrie chancelante de Bachar el-Assad ou à l’Iran. Ou aux trois régimes à la fois... et en même temps.

Un moment historique
Sur le plan international, le secrétaire général de l’ONU et le Quai d’Orsay se sont félicités de cette évolution. Les États-Unis ont considéré, par la voix du porte-parole du département d’État, qu’il s’agit « d’un pas important vers la réalisation de la justice et la fin de l’impunité ».
Par contre, sur le plan local, le Hezbollah a superbement montré qu’il ne se considère pas « concerné » par les mandats d’arrêt. Mais le premier concerné, par contre, l’ancien Premier ministre Saad Hariri, n’a caché ni son émotion ni l’immensité de l’espoir qu’il place dans la justice internationale. Il a salué un « moment historique » après de « nombreuses années de patience et de combat », appelant le gouvernement de Nagib Mikati, dominé par le Hezbollah, à respecter les résolutions internationales.
Les diverses composantes du 14 Mars ont surtout critiqué l’absurde réserve qui, dans la déclaration ministérielle, affirme que le TSL défend « en principe » la justice et la vérité.
Samir Geagea a été jusqu’à considérer que le gouvernement sera coupable de « trahison » s’il ne répond pas favorablement aux exigences de la justice internationale. Amine Gemayel a mis en garde contre tout atermoiement dans la recherche de la vérité. Farès Souhaid a menacé le gouvernement d’un recours à la rue.
Dans la ligne de l’équivoque volontaire entretenue par la déclaration ministérielle à ce sujet, Nagib Mikati a exigé que le tribunal apporte des « preuves irréfutables » aux accusations qu’il a lancées. Nul ne le contredira. Par contre, reprenant une parole de Rafic Hariri, il a affirmé, toujours dans l’équivoque : « Nul n’est plus grand que son pays. » L’assassinat serait-il donc, en fin de compte, moins déstabilisateur que la justice ? Les huit ou neuf ministres qui ont protesté contre l’expression « en principe » figurant dans la clause sur le TSL finiront-ils par devenir de « faux témoins » qui agissent à l’encontre de leur intime conviction ? La lâcheté va-t-elle revêtir le masque de la raison d’État ?
En revanche, le cours du procès fera-t-il la lumière sur les indiscrétions qui, depuis cinq ans bientôt, ne cessent de filtrer en direction de la presse, au sujet de la responsabilité du Hezbollah dans cette affaire ? Ira-t-on jusqu’au bout de l’enquête et découvrira-t-on le commanditaire de l’attentat ? L’existence d’un volet non libanais de l’enquête, dont les autorités ignorent les détails, le laisse croire. Pour beaucoup, en effet, ce crime ne sera jamais entièrement élucidé, et les États-Unis en tirent habilement les ficelles. Partant, le Hezbollah ne pourrait-il pas avoir été manipulé ? Mais ces convictions, qui relèvent de la croyance, ne demandent-elles pas, à leur tour, des preuves irréfutables ?
Quoi qu’il en soit, le Liban a désormais 30 jours pour exécuter les mandats d’arrêt, prévoit le Règlement de procédure et de preuves du TSL (article 74). Si les suspects ne sont pas arrêtés durant cette période, le TSL rendra public l’acte d’accusation et convoquera les suspects devant le tribunal. Le procureur général Saïd Mirza a transmis hier au chef de la police judiciaire les quatre mandats d’arrêt qui lui ont été communiqués par le TSL. Le compte à rebours a commencé.
C’est l’heure de vérité. Six ans après l’assassinat de Rafic Hariri, l’acte d’accusation dans cette affaire est publié, bien que sous scellés encore, et quatre mandats d’arrêt internationaux délivrés. Incriminés, à titre personnel : quatre cadres du Hezbollah. À côté de cette épreuve, le premier baptême du feu du nouveau gouvernement, à Tripoli, semble un jeu...
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