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Moyen Orient et Monde - Le point

Le flou démocratique

En six mois beaucoup d’eau aura coulé sous le « Kobry Setta October » (le pont du 6 Octobre). La révolution s’est produite dans la mentalité des vainqueurs de Hosni Moubarak. Ainsi, c’est le pouvoir civil qui, depuis quelque temps, plaide pour le report des législatives prévues en septembre, et c’est la junte militaire forte de 18 hommes qui insiste pour l’organisation de la consultation à la date prévue. Quand le Premier ministre Essam Charaf affirme vouloir donner aux partis le temps de mieux s’organiser, quand son numéro deux Yahia el-Gamal se veut plus précis, prétendant que les membres du club des galonnés sont d’accord pour demeurer en place quelque temps encore, les intéressés s’empressent de démentir ces propos. Le peuple s’est prononcé à 77 pour cent, lors du référendum du 19 mars sur les amendements à la Constitution, pour des élections ;
respectons sa décision, font-ils savoir. Décidément, il est des traditions, établies depuis 1952, qui se perdent. À moins que les réseaux de communication entre les deux ailes du pouvoir fonctionnent mal.
Afin que nul n’en ignore, le point de vue de la caste qui a régné sans interruption durant cinquante-neuf ans a été rappelé dimanche devant les sénateurs John Kerry et John McCain, en visite au Caire avec une délégation d’hommes d’affaires. Révélation du candidat républicain malheureux à la présidentielle US : « Le maréchal Mohammad Hussein Tantawi, chef du Conseil suprême des forces armées, a réaffirmé son engagement formel en faveur d’un transfert des pouvoirs à un gouvernement après le scrutin. » Confirmation de son collègue démocrate : « Les généraux sont soucieux de céder la place et de retourner à leurs occupations. » Et cette envolée lyrique, proprement yankee, pour conclure : « Ce que l’Égypte accomplit en ce moment pourrait changer le Proche-Orient et aider à la recherche pour un meilleur avenir. » Raisonnez trompettes ! Roulez tambours ! L’aube radieuse est déjà là – ou presque.
Le changement, il est aussi dans l’attitude à l’égard de l’ami américain de quarante ans et du partenaire (relativement récent) israélien. L’un adulé, l’autre tout juste toléré, les voici vilipendés tous deux parce qu’ « ils attisent les tensions religieuses », a soutenu M. Gamal, après avoir réalisé que « c’est le seul moyen de briser la puissance la plus importante de la région ». Ce n’est pas dit, ni même suggéré, mais on est prié de comprendre que ces mauvaises intentions sont nées dans les cerveaux du tandem Barack Obama-Benjamin Nentanyahu en réaction à la chute du dictateur, le 11 février.
Le changement, il est enfin dans l’attitude adoptée par les Frères musulmans, tout nouvellement reconvertis dans la démocratie, l’économie à l’occidentale et – qui l’eut cru ? – la modération. Leurs adversaires ont beau leur prêter les pires intentions, allant du déni de tout droit aux femmes jusqu’à l’exaspération des tensions avec les chrétiens, en passant par le tarissement de la manne touristique avec notamment l’interdiction de la consommation d’alcool, eux affichent une attitude zen. Ils rassurent les investisseurs, se défendent de vouloir se lancer dans de hasardeuses entreprises susceptibles d’accroître l’instabilité ambiante et l’appréhension de lendemains qui voient s’assombrir l’horizon. Tout baigne dans un flou savamment entretenu et la classique référence au peuple.
Trop fine mouche pour avancer en terrain découvert, la confrérie n’a pas de candidat à la présidentielle. Mais, en douce, elle a laissé l’un des siens, Abdel Moneim Aboul-Foutouh, briguer le poste... Quitte à l’expulser de ses rangs. Il se trouve, simple coïncidence, que l’homme affiche des opinions jugées libérales par les manifestants de la place al-Tahrir, qui en ont aussitôt fait leur nouvelle icône. Voilà donc un coin enfoncé dans le système qui se met lentement en place.
Acte II : les jeunes Ikhwane ont fait sécession pour fonder, à les en croire, leur propre parti, indépendant comme de bien entendu. Le programme de la troïka Mohammad el-Kasaas-Islam Loutfi-Mohammad Abbas prévoit la séparation entre religion et politique, la protection des droits de la personne humaine, l’adoption de la morale et de la culture islamiques mais non des lois religieuses, le tout s’insérant dans un État démocratique lui-même situé à l’intérieur d’un cadre islamique. L’hydre serait donc en train d’assigner à chacune de ses têtes une fonction déterminée en prévision d’un contrôle de la prochaine Assemblée chargée d’élaborer la nouvelle Constitution.
Fort bien, mais après ? On verra, le moment venu. Quand peut-être il sera trop tard.
En six mois beaucoup d’eau aura coulé sous le « Kobry Setta October » (le pont du 6 Octobre). La révolution s’est produite dans la mentalité des vainqueurs de Hosni Moubarak. Ainsi, c’est le pouvoir civil qui, depuis quelque temps, plaide pour le report des législatives prévues en septembre, et c’est la junte militaire forte de 18 hommes qui insiste pour l’organisation de la...

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