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Liban - En dents de scie

Irréversible

Il y a une chose à laquelle on ne songe jamais assez souvent
quand on dit à quelqu'un « Vous avez changé » :
c'est que le monde aussi change
.
Jean-François Revel

Vingt-troisième semaine de 2011.
Indépendamment du fait qu'il est impossible de dupliquer Fouad Boutros ou Tarek Mitri et de scotcher le clone ainsi créé au fauteuil du palais Bustros pour qu'il y officie à vie ; indépendamment du fait, aussi, que le ministère des Affaires étrangères est squatté depuis trop longtemps par des lieutenants de Nabih Berry intronisés dès leur entrée en fonctions, l'hyperzélé Ali Chami en tête, ministres plénipotentiaires du mini-État du Hezbollah, la diplomatie libanaise n'est plus qu'une immense benne à ordures, aussi brillants que restent de nombreux diplomates. Impotente et stupide - les expériences africaine et bahreïnie parlent d'elles-mêmes... Veule, vaine, pleutre et plouc de surcroît.
Le Liban, membre non permanent du Conseil de sécurité, s'est opposé au projet de résolution européen condamnant la répression par le régime de Damas des soulèvements populaires syriens.
Que la Chine et son sacro-saint principe de ne se mêler de rien lorsqu'elle n'est pas directement ou indirectement concernée traîne les pieds, et que la Russie, dont la Syrie des Assad est le seul véritable allié/levier dans la région, agite constamment ses menaces de veto, n'y changent rien. Ce qui a été demandé à Nawaf Salam, l'imposant représentant libanais à l'ONU, est simplement criminel. Parce que qui plus que les Libanais savent, dans leur chair, de quelle vantarde barbarie est capable le régime baassiste ? Parce que qui plus que les Libanais ont de la famille en Syrie ? Parce que qui plus que les Libanais ont le devoir, et le droit, de faire en sorte que cessent les crimes contre l'humanité perpétrés chaque jour davantage chez ce voisin imposé, comme celui du Sud, par d'infernales malédictions géographiques ? Par amour. Ou par pitié.
Si Beyrouth s'était aligné sur Paris, Londres, Berlin et Lisbonne, cela aurait été une divine surprise. Une irréelle surprise, à l'aune de la dégénérescence quasi totale de l'État libanais, de sa vampirisation par l'axe irano-syrien et de l'asservissement tragique de sa diplomatie, dernier mais tenace, pugnace reliquat de la tutelle des Assad. Personne ne rêvait d'autant que cela. Sauf qu'un minimum d'intelligence et de décence imposaient ne serait-ce qu'un appel à une réunion de la Ligue arabe - le Liban étant obligé de s'exprimer, avant qu'en son nom propre, en celui des 22, et aussi fantoche et déliquescente que soit devenue cette Ligue-là. Sauf qu'un minimum d'intelligence et de décence exigeaient de Beyrouth, géniteur stakhanoviste de la résolution 1973 sur la Libye de Kadhafi, ne serait-ce que de fermer sa gueule, de s'abstenir dans le cas de la Syrie.
D'intelligence, de décence et, surtout, de pragmatisme : de quelles tares congénitales faut-il donc que les politiques libanais soient flanqués pour qu'ils n'aient pas compris que le peuple de Syrie a atteint un point de non- retour ? Pour qu'ils n'aient pas compris qu'un jour, si loin si proche soit-il, il leur faudra rendre des comptes (moraux, humains...) à ces Syriens et aux dirigeants qu'ils auront enfin élus ? Pour qu'ils n'aient pas compris qu'avec ou sans Moscou, les dés sont jetés et qu'ils aboliront tous les hasards du monde ; que ce que le tandem Medvedev-Poutine pourrait contribuer à éviter, c'est juste une guerre civile, mais définitivement pas la survie de la maison Assad ? Pour qu'ils n'aient pas compris que c'est, depuis le départ, depuis Deraa, inéluctable ? Pour qu'ils n'aient pas entendu, de leurs oreilles entendu, le Premier ministre turc, rien de moins, sur la télévision turque ATV et repris par AP, accuser le frère, Maher el-Assad, d'atrocités, de rechercher la sauvagerie et de ne pas se comporter humainement. Recep Tayyip Erdogan dixit.
Jamais droit d'ingérence, dans son acceptation revelienne pure, n'aura été aussi furieusement impératif.

P.-S. : il est évidemment primordial, nécessaire, que des Ibrahim Najjar pullulent, si seulement cela était possible, dans le nouveau cabinet ; que des Ziyad Baroud y reviennent, que des Charbel Nahas n'y mettent plus les pieds, mais il est surtout urgent, particulièrement urgent, que Michel Sleiman et Nagib Mikati fassent en sorte d'abstraire les Affaires étrangères de toute sphère d'influence possible et imaginable.
Vingt-troisième semaine de 2011.Indépendamment du fait qu'il est impossible de dupliquer Fouad Boutros ou Tarek Mitri et de scotcher le clone ainsi créé au fauteuil du palais Bustros pour qu'il y officie à vie ; indépendamment du fait, aussi, que le ministère des Affaires étrangères est squatté depuis trop longtemps par des lieutenants de Nabih Berry intronisés dès leur entrée en...
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