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Liban

Il y a 22 ans, partait un amoureux du Liban, l’ambassadeur d’Espagne Pedro de Aristegui...

La veuve de l’ambassadeur de Aristegui, Joumana Aouad, prononçant son allocution avec, à sa droite, l’ambassadeur d’Espagne, Juan Carlos Gafo. Photo Sami Ayad

Le 16 avril 1989, un obus syrien a visé l'ambassade d'Espagne à Hadeth et emporté l'ambassadeur Pedro Manuel de Aristegui. 22 ans plus tard, avant-hier samedi 16 avril, une cérémonie commémorative a rendu hommage à l'ambassadeur : un cèdre a été planté et une plaque dans la ruelle bordant l'ambassade a été inaugurée. Une pensée a également été adressée à son beau-père, l'écrivain libanais Toufic Youssef Aouad, à sa belle-sœur, la poétesse Samia Aouad Toutounji, ainsi qu'à l'officier de police Nicolas Élias Kassis, qui périrent avec lui.
« Ne craignez pas ceux qui tuent le corps parce qu'ils ne peuvent tuer l'esprit » : autour de la plaque, différentes personnalités, ainsi que les proches et amis des familles concernées ont d'abord partagé une prière. L'actuel ambassadeur d'Espagne, Juan Carlos Gafo, a ensuite prononcé une allocution de circonstance, s'attardant sur « les qualités d'homme charismatique de mon collègue et prédécesseur qui a défendu avec ferveur (...) la justice sociale et la démocratie ». Faisant écho aux témoignages qu'il entend constamment, il a ajouté : « Qui n'a pas été impressionné par ce bon papa (...) conduisant sa moto ou se promenant (...) dans les magasins de Hadeth, défiant tous les dangers de l'époque ? » L'ambassadeur de Aristegui entretenait effectivement un lien particulier avec Hadeth, « au point qu'on le confondait avec ses habitants », a pour sa part remarqué Georges Aoun, président du conseil municipal de la localité. C'est de son « humilité » que s'est d'ailleurs rappelé Fadi Taha, habitant de Hadeth, à l'initiative duquel l'ambassade d'Espagne et la municipalité de Hadeth ont parrainé la commémoration : « Je me souviens de l'ambassadeur en Ray Ban noires, venant assister avec sa femme à la messe (en l'église Saint-Joseph adjacente à l'ambassade) », a-t-il confié. Quand l'ambassade a été bombardée, M. Taha était parmi ceux qui ont emporté Pedro de Aristegui à l'hôpital : « Nous nous sommes retrouvés en train d'aider un grand homme à survivre. Aujourd'hui, cet homme a pu nous réunir, même s'il n'est pas avec nous. Comme le cèdre, il peut vivre partout (...). Mais pas tous les arbres peuvent vivre à la place du cèdre », a-t-il assuré...
Pour sa part, Joumana de Aristegui s'est arrêtée sur ceux qui luttent en silence : « Que de vies fauchées (pendant la guerre) pour un pays qui jusqu'à présent n'a pas su se construire », a-t-elle déploré. « Que ces moments que nous passons soient, malgré tout, un message d'espoir (...) pour honorer ces êtres exceptionnels qui demeurent fortement parmi nous », a-t-elle encore dit, saluant le sens de la justice et du droit dont se prévalait l'ambassadeur de Aristegui, et cette « invincible audace, mue par sa foi en la baraka », a-t-elle confié à L'Orient-Le Jour, avant de révéler les circonstances de leur première rencontre : elle accompagnait sa sœur à un dîner à l'ambassade d'Espagne, « énervée, en retard, pas maquillée ». En fin de soirée, c'est l'ambassadeur qui les raccompagna. « En voiture, il m'a tenu la main et je n'ai pas refusé », a-t-elle murmuré. « Et ce ne sont pas cinq, mais mille ans que j'ai vécus avec lui, tellement il était un homme merveilleux », a-t-elle déclaré.
Au-delà de l'homme, ce sont aussi les traits d'un brillant diplomate et homme politique qui transparaissaient samedi : avant d'être assigné à l'ambassade au Liban, Pedro de Aristegui était gouverneur du Pays basque entre 1980 et 1982, « une tâche des plus difficiles », a fait remarquer l'actuel ambassadeur, relevant que ses aptitudes politiques lui auront permis de se passionner pour « la pluralité, essence même du Liban, qui distingue également l'histoire de l'Espagne ». Et Toufic Awad, petit-fils de l'écrivain, d'ajouter : « Il tenait des propos pareils à ceux qui ont animé le printemps de Beyrouth en 2005. » Par ailleurs, « c'est lui qui était derrière l'initiative de créer une antenne dans le secteur Est de l'époque pour l'ambassade d'Espagne, située alors à Ramlet el-Baïda », a confié Gaspard Abdo, officier de chancellerie à l'ambassade d'Espagne, qu'il a rejointe en 1973. Gaspard Abdo a été témoin du rapt de l'ambassadeur en 1985 « par un groupe chiite qui réclamait la libération de deux détenus en Espagne. Libéré après trois heures, il avait répondu aux ravisseurs l'interrogeant sur ce qu'il voulait du Liban : épouser une Libanaise et mener le restant de sa vie à Yarzé, où il a acquis un terrain »...
Ce sont les mots de la fille du disparu, Alexandra de Aristegui, qui ont résumé au mieux la perte du père, du diplomate et de l'amoureux du Liban qu'était Pedro de Aristegui : « Mon père, ma gloire, notre amour perdu : les grands hommes ne meurent jamais, ils vivent éternellement à travers la mémoire de leur famille, de leurs amis et de leur douce présence dans les vies qu'ils ont touchées. Je n'ai jamais connu mon père, il m'a quittée alors que j'étais au berceau, mais son intarissable amour et son souffle éternel m'ont permis de le connaître et de le chérir. Cet amour, vingt-deux ans plus tard, comble toujours le cœur et l'âme de ma mère. J'ai connu mon père à travers toutes les vies qu'il a touchées par son immense courage et sa générosité, je l'ai connu à travers toutes les prières qui lui ont été dédiées. » « Dans une prochaine vie, papa, j'aimerais te reprendre comme père », a-t-elle conclu.
Le 16 avril 1989, un obus syrien a visé l'ambassade d'Espagne à Hadeth et emporté l'ambassadeur Pedro Manuel de Aristegui. 22 ans plus tard, avant-hier samedi 16 avril, une cérémonie commémorative a rendu hommage à l'ambassadeur : un cèdre a été planté et une plaque dans la ruelle bordant l'ambassade a été inaugurée. Une pensée a également été adressée à son beau-père,...
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