Avec des titres éloquents où le terme de «brume» (entre une imagerie d'Alain Fournier et de Sylvie Germain), comme un leitmotiv incontournable, revient inlassablement. Comme un chant psalmodié, comme une complainte un peu triste, comme le ressac de la mer, comme l'infini roulis des vagues... Et aussi comme un conte aux images bleues.
En illustration à ce préambule, au hasard des mots, voilà quelques titres plus qu'explicites: Au seuil de la brume, De brumes savoureuses, L'autre brume, La brume silencieuse, Choisir la brume, L'absence de la brume, Cette brume qui me vient, La brume parcourt la colline... Et ainsi s'égrènent ces titres surchargés de brume, sans que la brume, vraiment, au sens physique du terme, soit là...Ou plutôt si, cette brume tant invoquée et évoquée est sous-jacente dans ces espaces noirs, véritable sous-bois des toiles, d'où jaillit pourtant la lumière. Charles Belle a savamment posé (et déposé!) ses roses (ou ses bouts de roses) au coin et en coin de la toile. Des roses comme suspendues dans l'air, comme accrochées au souffle du vent, au bout d'une filandreuse toile d'araignée.
Des roses veloutées, carmin, vermillon, rouge vif, orange, couleur grenat, couleur feu... Des roses hypnotiques, redoutables. Des roses qui mangent l'espace et appellent le regard, indolentes, drues, épanouies, faussement frileuses, intrépides, exigeantes, graves, rêveuses, brûlantes d'amour, dévorées et dévorantes de
passion...
Elles représentent la vie et la mort. Elles symbolisent le cycle d'une traversée humaine. Elles sont hantées d'émotions fortes, agitées et intenses.
Ce ne sont pas de fragiles roses ronsardiennes, mais des fleurs robustes et presque agressives dans leur tendresse, leur beauté ravageuse et insolente. Et pourtant, ce sont des roses éphémères. Mais pas sous le pinceau de Charles Belle, dont la palette les transcende en reflets irisés et leur donne une force et une vie nouvelle, presque surnaturelle et fantasmagorique.
* Galerie Alice Mogabgab, Achrafieh, jusqu'au 23 avril. Tél. : 03/210424.
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