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Moyen Orient et Monde - Le point

Encombrants voisinages

« Vous représentez un partenaire idéal non seulement pour les États-Unis, mais aussi pour d'autres pays de la région désireux de parvenir à une libéralisation politique. Je suis impressionnée par l'engagement du gouvernement sur cette voie. Cela prendra du temps, nous le savons d'expérience. Mais nous continuerons d'œuvrer avec vous à promouvoir l'avènement d'une société civile solide, démocratique, respectueuse des droits de l'homme et des libertés. » Hillary Clinton préférerait sans doute ne pas se voir rappeler ces propos tenus le 3 décembre dernier à Bahreïn. Dix semaines plus tard, les premières manifestations se produisaient, dissipant les espoirs de lendemains meilleurs. Depuis, le ton n'a cessé de monter entre l'Iran et l'Arabie saoudite, avec des échanges d'accusations et des menaces à peine voilées d'escalade.
Le coup de théâtre s'est produit hier, quand le chef de l'opposition chiite, cheikh Ali Salmane, a tenu à renvoyer dos à dos les deux grands protecteurs autoproclamés de l'archipel - 33 îles, Bahreïn en étant la principale - en demandant à l'un de cesser « toute ingérence », à l'autre de rappeler un détachement du « Bouclier de la Péninsule » lourdement équipé, dépêché sur les lieux en vertu d'un accord entre les membres du Conseil de coopération du Golfe.
Louable, ce souci de vouloir régler en famille les innombrables problèmes dont souffre le pays. Mais qu'advient-il quand la société est divisée, quand le conflit n'est pas d'ordre politique mais confessionnel et qu'il est vieux de 1 400 ans, comme l'affirme le ministre des Affaires étrangères, cheikh Khaled al-Khalifa, dans une interview au quotidien al-Hayat ? Quand surtout les deux grands ennemis de part et d'autre du Golfe brûlent d'en découdre dans le même temps qu'ils jouent à « alors, on ne retient plus ? » Mieux vaudrait dans ce cas faire son deuil des rêves de coexistence pacifique, peut-être même d'un jour où le royaume wahhabite et la République islamique cesseraient de montrer les crocs.
Les troubles qui ont éclaté le 14 février auraient pu gagner, et plus rapidement qu'on ne le croit, l'ensemble de la région s'ils n'avaient été circonscrits, reconnaît un peu candidement - un peu tard aussi - le chef de la diplomatie bahreïnie. C'est supposer que l'on va en rester là, une hypothèse hautement improbable. Ce qui est certain par contre, c'est que le mouvement de contestation pourrait marquer un temps de pause avant de reprendre, avec cette fois une barre placée plus haut et, pour la famille régnante, une plus étroite marge de manœuvre. La menace, latente, existe depuis des siècles et sous les occupations assyrienne, babylonienne, perse puis arabe, si l'on ne veut pas remonter plus loin dans l'histoire et évoquer un épisode haut en couleur, celui de l'éphémère domination des Qaramita (an 899).
Les plus inquiets ces temps-ci sont les Américains, dont un porte-avions au moins et un groupe d'intervention rapide la Ve Flotte sont stationnés dans le pays, de même que des unités de marines. Un poste d'observation idéal pour qui veut contrôler le mouvement des pétroliers qui assurent, à travers le détroit d'Ormouz, l'approvisionnement de l'Europe, partiellement aussi celui des USA, tout en gardant un œil sur l'Iran voisin. Depuis la fin de la première guerre du Golfe entre ce dernier pays et l'Irak, cette présence est devenue plus marquée avec l'accroissement des effectifs humains, de l'armement et des munitions. Le Pentagone a stocké là, de même que dans trois autres contrées de la zone, des batteries de missiles Patriot pointés sur l'Iran.
Autant pour contrer la menace qui pèse sur eux que pour s'affirmer comme contre-poids efficace dans ce qu'ils considèrent comme leur mare nostrum historique, les Iraniens voient dans cette situation une occasion en or qu'ils ont tenté de mettre à leur profit pour mener une guérilla politique par procuration. La (mauvaise) surprise est venue, par la voix de cheikh Salmane, de leurs alliés supposés. Il leur restait à se contenter de manifester leur mauvaise humeur, ce que Ramin Mehmanparast, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a fait en parlant d'une « immixtion inacceptable » dans les affaires du petit royaume « qui ne fera que compliquer les choses ».
Privé de ressources pétrolières - les puits sont à sec depuis des années -, ne pouvant compter que sur l'Arabie saoudite pour assurer à ses sujets, comme ses voisins, un système de sécurité, confronté à une contestation capable de réoccuper la rue malgré la présence d'agents de l'ordre pakistanais, syriens et baloutches, le régime se retrouve depuis hier face au défi de devoir négocier avec les dissidents.
Une perspective qui n'a rien de rassurant, à l'heure surtout où de nombreux émirats rêvent de disputer à Manama le rôle de principal centre, avec Kuala Lumpur, d'une finance islamique estimée à un trillion de dollars.
« Vous représentez un partenaire idéal non seulement pour les États-Unis, mais aussi pour d'autres pays de la région désireux de parvenir à une libéralisation politique. Je suis impressionnée par l'engagement du gouvernement sur cette voie. Cela prendra du temps, nous le savons d'expérience. Mais nous continuerons d'œuvrer avec vous à promouvoir l'avènement d'une société civile...
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