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Nos Lecteurs ont la Parole

II- Existe-t-il un droit de vérification/contestation pour le Liban des documents émanant du TSL ?

Par Pr Fady FADEL

2- Leçons à tirer des textes fondamentaux
En premier lieu, il convient de distinguer entre le principe de coopération et la suite à donner quant aux demandes/ordonnances émanant du tribunal. Au regard de l'accord précité et des principes du droit international (voir notre article dans L'Orient-Le Jour en date du 3 février 2011, page 5), les autorités libanaises ne peuvent pas d'une façon unilatérale et dans l'absolu décider de ne plus coopérer avec le TSL (voir L'Orient-Le Jour du mercredi 30 mars 2011).
Les engagements pris auparavant par le gouvernement libanais d'une part, et son comportement de bonne foi d'autre part, plaident en faveur de la validité de l'accord instituant le TSL. Donc, un retrait de l'accord ou une décision unilatérale de suspension des effets juridiques résultant des obligations internationales du Liban seraient contraires aux règles du droit international coutumier, conventionnel et jurisprudentiel (convention de Vienne, article 25 de la Charte de l'ONU, avis de la Cour internationale de justice le 20 décembre 1980, etc.).
Or, le fait qu'une autorité publique libanaise ait reçu une demande du procureur ou du chef du bureau de la défense n'implique pas ipso facto un ordre donné par ces deux organes à l'endroit du Liban. Rien n'empêche les autorités nationales destinataires de vérifier aussi bien la forme que le fond de cette demande, en faisant montre de bonne foi de coopération, loin des a priori de refus de coopérer.
Dans ce sillage, les demandes concernant les démarches effectuées auprès de l'État libanais ouvrent la voie à l'intervention d'une tierce partie, en l'occurrence une chambre (composée de trois juges) ou du juge de la mise en état. La chambre ou le juge est saisi(e) de l'affaire pour trancher en cas de différend entre les parties.
Bien plus, si les autorités libanaises ne sont pas convaincues du bien-fondé du constat judiciaire de la chambre ou du juge de la mise en état et contestent toujours la demande en question, ou même l'ordonnance, on ne peut pas parler à ce stade d'une violation du droit international par le Liban ou d'un manquement à ses engagements internationaux.
En effet, il existe une dernière intervention, à savoir celle du président du TSL qui tranchera en dernier lieu dans ce litige.
Ce qui est intéressant à souligner dans ce cas, c'est la voie de « consultation » à entreprendre par le président du tribunal pour faciliter les échanges entre le Liban et les organes du TSL, ou au mieux pour comprendre la position libanaise et/ou le constat judiciaire de la chambre ou du juge de la mise en état.
Cette consultation devrait permettre un meilleur fonctionnement de la coopération au regard du respect des règles propres au tribunal et des intérêts nationaux du Liban.
Cette voie de consultation rejoint le mode diplomatique de règlement d'un différend international, dans le sens où le président du tribunal, soucieux de la bonne administration de la justice, tenterait de concilier les approches des parties au différend pour aboutir à un résultat fondé sur le droit et peut-être sur l'équité. Son pouvoir d'appréciation est considérable à ce niveau de la procédure et l'attitude « constructive » des autorités libanaises jouera un rôle déterminant dans la qualification des faits en question.
La consultation du président doit aboutir au constat judiciaire final. Ce n'est qu'à ce moment qu'on peut - ou non - considérer juridiquement que le Liban n'aurait pas respecté ses engagements ou aurait manqué aux règles de droit international.
La saisine du Conseil de sécurité (CS) par le président suivra cette dernière étape procédurale.
En cas de constat de violation du droit international ou de manquement aux engagements internationaux par le Liban, le CS reste le maître de la situation par rapport à son pouvoir propre d'appréciation et de qualification ainsi que pour les mesures à entreprendre - ou non - à la suite des faits établis par le président du TSL.
- En deuxième lieu, force est de constater que les débats politiques relatifs à la coopération - ou non - du Liban avec le TSL assombrissent davantage l'opinion publique libanaise face à cette échéance.
En effet, les appels des uns à couper tout lien avec le TSL, laquelle rupture émanerait d'un droit libanais souverain, sont loin d'être réalistes et réalisables, ne serait-ce que sur le plan du principe du respect des engagements internationaux. Et les prétentions des autres que la contestation par le Liban d'une demande émanant du TSL est en soi ou ipso facto une violation du droit international sont de l'ordre démagogique. Le droit pénal international ainsi que les règles procédurales en droit international ont connu une évolution depuis 1992 qui tend à concilier ce qui est requis pour une justice pénale internationale avec les intérêts nationaux, sans qu'il y ait une opposition pure et dure entre ces exigences.

(À suivre)

 

Pr Fady FADEL
Professeur de droit international
Vice-recteur et secrétaire général de l'Université antonine

2- Leçons à tirer des textes fondamentauxEn premier lieu, il convient de distinguer entre le principe de coopération et la suite à donner quant aux demandes/ordonnances émanant du tribunal. Au regard de l'accord précité et des principes du droit international (voir notre article dans L'Orient-Le Jour en date du 3 février 2011, page 5), les autorités libanaises ne peuvent pas...

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