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Liban

« Un changement de gouvernement ne suffit pas pour annuler des accords internationaux », affirme un expert

Le congrès juridique arabe pour l'étude du TSL qui se déroule à La Haye a attiré, outre les juristes en provenance du Liban et du monde arabe, plusieurs observateurs et experts qui suivent de près toutes les questions pertinentes liées au TSL. Wissam Tarif, directeur exécutif de l'Association Insan, une ONG partenaire de l'Union européenne et spécialisée dans les questions de justice internationale, a répondu aux questions de L'Orient-Le Jour.
Abordant la question de l'avenir du TSL à l'aune d'un éventuel bouleversement politique au Liban, l'expert précise que le nouveau gouvernement qui sera formé au Liban se trouvera devant un choix incontournable pour ce qui est du protocole signé entre ce pays et l'ONU en vue de l'instauration du TSL. Selon lui, si le nouvel exécutif souhaite changer ou amender les clauses de cet accord, il doit commencer « par reconnaître cet accord pour pouvoir en discuter par la suite avec les Nations unies, et réclamer d'éventuelles modifications au texte ». « La reconnaissance de facto de cet accord est donc inéluctable » pour pouvoir le modifier, ajoute l'expert. Et d'insister sur ce point en ajoutant : « Les accords internationaux ne peuvent être annulés du simple fait qu'il y a eu un changement de gouvernement. » Ce n'est toutefois pas l'avis du juriste Daoud Khayrallah, avocat et professeur à l'Université de Georgetown. Ce dernier estime en effet que dans la mesure où l'accord est conclu entre deux parties, rien n'empêche que l'une des deux parties décide de s'en désister si elle arrive notamment à prouver l'irrégularité de l'adoption de cet accord.
Quant à la question de la suspension par le Liban de sa contribution financière au TSL, M. Tarif reconnaît que le nouveau gouvernement pourra toujours décider unilatéralement d'arrêter le financement, sauf qu'il s'agit d'une mesure « qui peut être facilement contournée par le secrétaire général de l'ONU, qui a la possibilité d'aller trouver d'autres bailleurs de fond ». « Ce qu'il faut savoir toutefois, c'est que la part du Liban qui serait comblée par des États tiers constituera une dette pour le pays du Cèdre, qui devra s'en acquitter un jour ou l'autre. Le fait de se dérober au financement ne signifie pas pour autant que le Liban va pouvoir y échapper », assure M. Tarif.
Concernant la possibilité pour le gouvernement de demander le retrait des juges libanais affectés au TSL, il explique que « cela ne sera possible que dans le cas des juges qui sont cadrés et qui sont toujours considérés comme fonctionnaires de l'État libanais ». Autrement dit, le gouvernement n'aura pas d'autorité sur le vice-président du TSL, Ralph Riachi, ni sur le juge de la chambre d'appel, Afif Chamseddine, qui ont tous deux présenté leur démission au Liban et ne relèvent plus de l'État. Quant aux trois autres juges, Micheline Braïdi, Joyce Gemayel et Walid Akoum, « ils peuvent effectivement être rappelés au Liban dans la mesure où ils sont toujours affectés à l'administration libanaise ». Tel n'est toutefois pas l'avis d'un expert juridique à La Haye qui explique, sous le couvert de l'anonymat, que dans la mesure où les juges ont été désignés par le secrétaire général de l'ONU, ils ne peuvent être révoqués que par lui. « Exception faite pour le vice-procureur du TSL, Joyce Tabet, qui, elle, a été désignée par un décret du gouvernement libanais. Par conséquent, le gouvernement libanais peut dans ce cas précis revenir sur sa décision par un autre décret annulant le premier », explique la source.
Mais, là aussi, une issue de sortie est prévue puisque le secrétaire général de l'ONU peut toujours désigner d'autres magistrats, explique M. Tarif.
Selon lui, le gouvernement libanais peut en outre demander au procureur général d'arrêter toute coopération future avec le TSL et celui-ci devra bien entendu se soumettre. Dans un tel scenario, le Liban sera considéré par l'ONU comme pays « non coopérant » et le Conseil de sécurité pourra prendre en conséquences les mesures qu'il estime adéquates, sachant notamment que le Liban a, en principe, l'obligation de coopérer sur base du chapitre VII, dit l'expert.
Il reste enfin à savoir dans quelle mesure un éventuel refus de coopérer de la part du Liban pourra affecter les travaux du TSL et plus particulièrement les activités futures du bureau du procureur. « Tout dépendra de l'avancement de l'enquête et des besoins du procureur à l'avenir en matière d'investigation et d'entretiens sur le terrain. S'il a déjà progressé de manière notoire sur ce plan, l'arrêt de la coopération libanaise ne pourra aucunement l'affecter », assure M. Tarif.

Le dossier de Gaza
Réagissant aux voix critiques dans le monde arabe et au Liban en particulier qui se demandent pourquoi aucune action en justice n'a jamais été enclenchée par la communauté internationale pour juger les crimes massifs commis à Gaza, alors qu'un tribunal spécial a été créé exclusivement pour juger les assassins d'un seul homme, l'ancien Premier ministre Rafic Hairi, Wissam Tarif se dit étonné d'entendre ce type de discours sachant que le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno Ocampo, a déjà achevé d'étudier le dossier de Gaza qui n'attend plus que son feu vert pour le lancement de l'enquête. « C'est à Ocampo que revient le dernier mot pour trancher dans un sens comme dans un autre. Il lui faudra simplement trouver le courage de le faire, et d'accepter de renoncer à une fin de carrière éclatante », commente M. Tarif, qui laisse entendre que des pressions internationales vont certainement être exercées sur le procureur de la CPI afin qu'il lâche prise. L'expert se dit également surpris de « l'apathie dont font preuve les États arabes qui se gargarisent de discours futiles alors qu'ils sont censés venir faire du lobbying à La Haye pour faire pression sur Ocampo en vue de faire avancer ce dossier ».

 

J. J.

Le congrès juridique arabe pour l'étude du TSL qui se déroule à La Haye a attiré, outre les juristes en provenance du Liban et du monde arabe, plusieurs observateurs et experts qui suivent de près toutes les questions pertinentes liées au TSL. Wissam Tarif, directeur exécutif de l'Association Insan, une ONG partenaire de l'Union européenne et spécialisée dans les questions de justice...

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