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Liban - Le commentaire

Une belle dame insaisissable : la démocratie

Comme le pays, le 14 Mars est composite. Il pense rarement comme un seul homme. Il présente donc le même défaut de cohésion et de cohérence. En 2009, à la veille des élections, les Occidentaux demandaient aux loyalistes s'ils pourraient gouverner seuls, après la victoire. Et ils en recevaient des réponses variées, nettement différentes. Certains soutenaient que la majorité assurerait le pouvoir en solo, la minorité assumant un rôle d'opposition classique. Tandis que d'autres, plus avertis, indiquaient qu'à cause de l'armement du Hezbollah, l'on ne pourrait mettre en place qu'un cabinet mixte. Avec capacité de blocage pour le 8 Mars. Et c'est bien ce qui se produisit.
Malgré un détail important à l'époque : Nasrallah claironnait avant le scrutin qu'il déboucherait sur un exercice effectif de la démocratie bien comprise. C'est-à-dire sur une majorité qui gouvernerait seule et une minorité qui s'opposerait. C'est qu'il s'imaginait que le 8 Mars allait l'emporter. Et ce camp en était tellement convaincu, qu'il avait lui-même persuadé la Syrie de ne pas intervenir en sa faveur dans ses zones d'influence, dans la Békaa ou au Nord. Damas avait saisi la perche au vol, restant scrupuleusement sur la touche, pour se faire mousser auprès des Occidentaux qui l'en priaient.
La vraie démocratie est donc restée en suspens. Remplacée par cette aberration appelée démocratie de consensus, qui veut que tout soit décidé à l'unanimité, donc que personne ne gouverne.
Les loyalistes n'étaient pas en reste, côté mauvais calculs. Car ils pensaient, naïvement, qu'une fois au pouvoir, et la République remise sur les rails, ils obtiendraient du Hezbollah qu'il confie la supervision de son armement à l'armée. Ce n'est sans doute qu'aujourd'hui qu'ils réalisent que ce rêve est hors de question. Bien qu'ils eussent accepté, de manière du reste répétitive, la participation au pouvoir de leurs adversaires, rendue encore plus nécessaire, plus impérative, comme Doha l'a montré, par l'utilisation, le 7 mai, en mode interne, à Beyrouth, dans la montagne ou dans la Békaa, comme plus tard à Ras el-Nabeh, de cet armement massif du Hezbollah dit de la résistance.
Côté casting, la menace armée a permis au 8 Mars d'obtenir le perchoir, c'est-à-dire la présidence de la Chambre. Et, sans doute surtout, d'empêcher la majorité, pour majorité qu'elle fût, d'élire un président de la République à sa guise, sinon sortant de ses rangs. Le chantage a imposé un package deal admissible pour l'Arabie saoudite : un président de la République de consensus ne venant pas des rangs du 14 Mars et un gouvernement mixte, moyennant la désignation à sa tête du principal leader sunnite, le chef du Courant du futur, Saad Hariri.
La paix civile se trouvant clairement en jeu, à l'ombre des menaces du clan armé, la majorité n'avait plus vraiment le choix. Il lui fallait renoncer à tirer la conclusion logique du verdict des urnes pour gouverner seule. Elle a donc convenu de l'élection à la présidence de la République d'un indépendant total, Michel Sleiman, comme du maintien de Nabih Berry, chef du mouvement Amal, à la présidence de l'Assemblée nationale. Malgré le fait qu'il aurait dû être écarté, lui plus qu'un autre, pour avoir, dans la lutte contre Fouad Siniora, fermé la Chambre dont il avait la clé.
L'actualité rebondit d'ailleurs sur cet épisode. En effet, le tandem Hezbollah-Amal avait imposé le choix de Berry en faisant valoir qu'étant représentatif politiquement de la communauté chiite, il en avait le droit. Autrement dit, et comme le veulent les usages, que chaque communauté dispose à son gré des postes ou attributs qui lui reviennent au sein de la République. Or cette règle, qui est l'un des piliers de la coexistence, a été violée ces derniers jours par l'éviction de Saad Hariri, principale personnalité politique sunnite, du reste appuyée par les religieux.
Mais le 8 Mars n'en est pas à une contradiction près. Michel Aoun en tête, ce camp refuse, en cas de nouveau cabinet mixte, d'accorder à la nouvelle opposition ce tiers de blocage dont il avait lui-même usé et abusé naguère. Aux fins de congeler l'État libanais, ce qu'il veut soigneusement éviter maintenant que le pouvoir direct, et non plus par défaut ou d'objection, s'offre à lui. Pour aller, estiment les libanistes, encore plus loin que la paralysie, et faire du Liban un vassal attaché à servir les intérêts de la Syrie et de l'Iran, face aux Américains. En passant par le torpillage du TSL et du tracé des frontières libano-syriennes.
Comme le pays, le 14 Mars est composite. Il pense rarement comme un seul homme. Il présente donc le même défaut de cohésion et de cohérence. En 2009, à la veille des élections, les Occidentaux demandaient aux loyalistes s'ils pourraient gouverner seuls, après la victoire. Et ils en recevaient des réponses variées, nettement différentes. Certains soutenaient que la majorité assurerait...

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