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Liban

Relire le « testament » de l’imam

Dans ces moments difficiles que traverse le Liban, comment ne pas penser à l’imam Mohammad Mahdi Chamseddine et au « testament » qu’il nous a légué ?
Le parcours de cet homme est fascinant. Il milite à ses débuts en faveur d’une démocratie classique basée sur la loi du nombre, réclamant dans la lignée du Mouvement des déshérités, le droit des chiites à une représentation conforme au fait qu’ils représentent la plus nombreuse des communautés libanaises. Puis, avec le temps, il modifie sa position. La complexité libanaise qui, au début, l’irritait commence à l’intriguer et à le fasciner. Il reconnaît alors formellement s’être trompé et se prononce clairement pour un retour à l’esprit du Pacte de 1943.
En 1994, il convie à un congrès sur le thème de « L’islam et les musulmans dans un monde en changement ». À la grande surprise des participants venus de tous les pays musulmans, trois des six commissions de travail formées sont présidées par des évêques appartenant aux principales communautés chrétiennes du Liban. Il explique à ceux qui l’interrogeaient sur les raisons de cette présence chrétienne, qu’aucune discussion engageant les musulmans du Liban ne pouvait être faite sans la participation de leurs « associés dans la nation ».
Il participe, la même année, à un congrès sur le thème de « La crise de la communauté chrétienne après l’accord de Taëf (1989) », critiquant l’isolement politique dans lequel est maintenue la communauté chrétienne.
Rejetant avec force les solutions simplistes qui reposaient sur l’idée d’une « uniformisation » accélérée de la société, il est allé jusqu’à remettre en question la clause de l’accord de Taëf prévoyant l’abolition du confessionnalisme politique qui a longtemps été la principale revendication de la communauté chiite puisqu’elle ouvrait la voie à l’adoption d’une « démocratie du nombre ».
Dans une discussion portant sur l’histoire du Liban et sur les problèmes que posait la rédaction d’un livre d’histoire unique, il critique les tentatives de « simplifier » l’histoire, proposant de laisser à chaque communauté le soin d’écrire sa propre histoire et de ne procéder à une écriture commune qu’à partir de la date de la création de l’État libanais au début du siècle dernier. Les histoires communautaires, dit-il, sont par définition différentes et partielles puisqu’elles ne couvrent qu’une partie du Liban. L’histoire officielle ne débute qu’avec la création de l’État libanais et cette histoire peut être écrite sans soulever de problèmes majeurs parmi les Libanais.
Mais son apport essentiel réside dans son rejet de tout projet chiite autonome, invitant les chiites du Liban et du monde arabe à s’intégrer dans les pays où ils se trouvent, proposant d’ailleurs l’accord de Taëf comme modèle pour une solution du problème irakien. Même le Hezbollah qui ne reconnaissait pas l’autorité de l’imam avait été forcé de modifier son discours, de le « libaniser », c’est-à-dire de prendre en compte l’existence des autres communautés et de s’intégrer à la réalité libanaise en abandonnant partiellement son statut de mouvement de libération nationale pour qui le Liban ne représente qu’une simple base d’opérations.
Dans la crise que nous traversons, ce message d’ouverture est d’une importance capitale. Il est nécessaire de relire le « testament » de l’imam et de rendre justice à cet homme de paix.

 

Par Samir FRANGIÉ
Ancien député

Dans ces moments difficiles que traverse le Liban, comment ne pas penser à l’imam Mohammad Mahdi Chamseddine et au « testament » qu’il nous a légué ?Le parcours de cet homme est fascinant. Il milite à ses débuts en faveur d’une démocratie classique basée sur la loi du nombre, réclamant dans la lignée du Mouvement des déshérités, le droit des chiites à une représentation...
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