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Nos Lecteurs ont la Parole

VDL : versez des larmes

Par Jean-Claude BOULOS
C'était pendant l'horreur d'une méchante guerre. L'année 58 voyait la fin du mandat de Camille Chamoun. Nasser montait en puissance dans l'Égypte révolutionnaire. Un semblant de guerre opposa l'Est (musulmans-chrétiens réunis) et l'Ouest (chrétiens et musulmans réunis) dans une guerre qui allait tout simplement aboutir à l'élection du général Fouad Chéhab à la présidence de la République.
Pendant ce temps, les journaux paraissaient avec de larges espaces blancs qui étaient l'effet de la censure de la Sûreté générale qui refusait de voir paraître des nouvelles qui n'allaient pas avec les desiderata des officiels libanais. Ne parlons pas de Radio-Liban qui de toutes les manières n'atteignait même pas la côte nord de Beyrouth.
Alors les Kataëb prirent le parti de donner les nouvelles à travers leur radio, qu'ils appelèrent Saout Lebnan en arabe et Voix du Liban en français. C'est vers cette radio que se réfugièrent tous ceux qui voulaient avoir la véritable nouvelle de la situation politique. C'est sur cette radio également que Cécile Gédéon (la sœur de Pierre) fit ses débuts et que Aboul Henn (Fouad Haddad - pas le photographe, bien sûr) nous galvanisait avec des articles parlés formidables.
Avec la fin de la guerre de 1958, tout rentra dans l'ordre, jusqu'à ce 13 avril 1975 qui vit les Kataëb tirer sur l'autobus des Palestiniens qui traversait Aïn el-Remmaneh, quelques minutes après qu'une voiture inconnue eut arrosé le groupe de Kataëb qui se pressait vers l'église. Il y eut des tués dans les rangs Kataëb. Il y en eut davantage dans les rangs palestiniens et la guerre de « transformation du Liban » débuta.
Comme je vous l'avais dit il y a peu de temps dans mon blog, Radio-Liban officielle débutait ce jour-là son journal par une nouvelle sur le Rwanda !
Pour avoir accès à la nouvelle juste et libre, le parti Kataëb reprit ses émissions sur les ondes radio avec la même fréquence que Saout Lebnan de 1958. Détail amusant : comme je travaillais comme régisseur publicitaire à cette époque, je suggérai à feu Mounir Takchi d'aller voir cheikh Pierre Gemayel pour lui proposer de faire de cette station un média publicitaire. Cheikh Pierre s'insurgea contre cette idée au nom du patriotisme et du média radio au service « de la liberté et de l'honneur ».
Deux semaines plus tard, VDL annonça qu'elle mettait ses ondes au service des annonceurs publicitaires et acceptait de la publicité. Le média radio eut un succès foudroyant et immédiat. Car en fait c'était le seul média audio valable puisque Télé-Liban était inaccessible à la publicité.
La Voix du Liban deviendra petit à petit la radio la plus écoutée du pays, et ce par toutes les parties confessionnelles et tous les partis politiques de la République, et, malgré la création de Saout Lebnan el-Araby, de Saout el-Jabal et autres, la VDL demeurait leader durant toute la guerre et confortait sa position après la guerre. Et après la fin des hostilités aussi.
Mais même si les rumeurs faisaient état de dissensions en son sein, surtout en ce qui concernait la véritable propriété de la station, toujours est-il que la VDL était et demeure pour tous la radio des Kataëb, celle dont la création avait été bénie par le fondateur du parti, cheikh Pierre Gemayel lui-même. Bien sûr, un média doit sa force aux gens qui le font, au directeur général, au directeur politique, aux speakers de talent, à la véracité des nouvelles, à des voix qui entrent dans l'intimité des familles, à l'art d'une Wardé par exemple aussi. Qui, la première, avait annoncé le massacre de Hama et avait reçu la dernière confession de Ghazi Kanaan...
Comme si les voix politiques chrétiennes n'étaient pas assez divisées, nous voilà devant deux Voix du Liban, racontant certes la même histoire mais de deux côtés différents, et ce à quelques semaines du 75e anniversaire des Kataëb, qui célébreront cette fête avec un grand faste et une campagne promotionnelle de toute beauté. Que feront les deux Voix du
Liban ? Comment Rose pourra-t-elle s'abstenir de commenter cet événement alors qu'elle a tiré sa réputation de son appartenance à la radio créée par le parti Kataëb en 58, puis
en 75 ?
Et qu'écouterons-nous, la station d'Achrafieh ou celle de Dbayeh ?
Au moment où des centaines de milliers de partisans et de sympathisants applaudiront et fêteront l'anniversaire des Kataëb, certains, ayant la même foi dans ce Liban meurtri, se seront mis volontairement en dehors de la fête.
C'est triste. Très triste. Pour une grande partie des Libanais. Pour tous ceux qui ont cru en Pierre Gemayel. Pour tous ceux qui ont vibré aux accents des « 3asher talefe wa khames myyet wa tnein wa arba3in kilomètres mourabba3 » de Bachir.
Pour tous ceux qui ont pleuré la mort de ce valeureux ministre dynamique qu'a été le jeune, si jeune Pierre
Gemayel.
Pour tous ceux qui partagent le deuil de ce parti si libanais dans son essence même.
C'est vraiment le temps de VDL.
Mais VDL = versez des larmes.
C'était pendant l'horreur d'une méchante guerre. L'année 58 voyait la fin du mandat de Camille Chamoun. Nasser montait en puissance dans l'Égypte révolutionnaire. Un semblant de guerre opposa l'Est (musulmans-chrétiens réunis) et l'Ouest (chrétiens et musulmans réunis) dans une guerre qui allait tout simplement aboutir...

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