Le premier acte s'est joué samedi soir quand le Premier ministre François Fillon a présenté la démission de son gouvernement. Le suspense des derniers jours évanoui, il a été reconduit dans ses fonctions dès hier matin. « Après trois années et demie de réformes courageuses, conduites malgré une sévère crise économique et financière mondiale, je m'engage, sous l'autorité du chef de l'État, avec détermination, dans une nouvelle étape », a annoncé le Premier ministre.
Sobre, parfois austère, cet homme de 56 ans, au physique de notable de province, a réussi à imposer son propre style, à l'ombre de l'« hyperprésident » Nicolas Sarkozy. Il fut ainsi le premier, à droite, à assumer la mise en œuvre d'une politique de rigueur économique. Bien placé dans les sondages, il a surtout eu le soutien de la droite traditionnelle qui a quasiment imposé sa reconduction à ce poste qu'il occupe depuis 2007, au risque de mécontenter la composante centriste de la majorité.
Le week-end aura été marqué par d'intenses tractations de dernière minute. Trois fois dans la journée, le chef du gouvernement s'est rendu à l'Élysée tandis que les listes se faisaient et se refaisaient au rythme des rumeurs et indiscrétions. C'est hier soir que le nouveau gouvernement a été annoncé. Un gouvernement marqué par la continuité, le maintien de nombreux fidèles et poids lourds, un gouvernement aussi plus à droite et plus resserré pour mener la bataille incertaine de la présidentielle de 2012.
Michèle Alliot-Marie (64 ans), abonnée aux ministères prestigieux (Justice, Défense, Intérieur), prend les Affaires étrangères où elle remplace l'ex-French Doctor, Bernard Kouchner. Figure de la droite française et proche de l'ex-président Jacques Chirac, elle est la première femme chef de la diplomatie française. Alain Juppé (65 ans), ancien Premier ministre et ex-chef de la diplomatie, revient aux affaires à la Défense où ce technocrate français souvent taxé de raideur fait son retour après une longue traversée du désert.
Forte de la reconnaissance de ses pairs étrangers, Christine Lagarde (54 ans) se maintient au ministère stratégique de l'Économie, alors que la France a pris vendredi la présidence annuelle du G20, en pleine « guerre des monnaies », et qu'elle assumera à partir de janvier celle du G8. Brice Hortefeux, un proche de Nicolas Sarkozy, reste à l'Intérieur.
Un gouvernement également marqué par des grands absents, comme l'ex-ministre de l'Écologie à la fibre sociale Jean-Louis Borloo, pressenti jusqu'à ces derniers jours pour prendre la tête du gouvernement. Exit d'autres centristes comme lui, à l'instar d'Hervé Morin, ex-ministre de la Défense. Exit aussi les personnalités venues de l'opposition de gauche et les représentants de la diversité avec Rama Yade (Sports) et Fadela Amara qui a affirmé hier avoir « pu mesurer » à son poste de secrétaire d'État à la Ville depuis 2007, « les limites que constitue le poids de l'inertie et du sectarisme ». Parmi les sortants figurent aussi Éric Woerth (ex-Travail), frappé par l'affaire Bettencourt.
Avec ce gouvernement, le chef de l'État, en pleine crise de confiance avec les Français après l'adoption au forceps d'une douloureuse réforme des retraites, espère trouver un nouveau souffle.
L'opposition socialiste s'est insurgée contre ce choix de la continuité d'un président qui s'est toujours réclamé de la « rupture » pour changer la France et qu'elle accuse de ne pas avoir écouté les angoisses des Français. « La confirmation de M. Fillon, c'est une fin de non-recevoir adressée par le président de la République aux Français », a ainsi estimé la patronne du Parti socialiste Martine Aubry. Ce gouvernement « est essentiellement clanique », a-t-elle ajouté, parlant de « droite dure ». « Tout ça pour ça ! » avait auparavant déploré le chef de file des députés socialistes, Jean-Marc Ayrault.
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