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Un « islam néerlandais » pour enraciner une communauté

Orient-Occident : ensemble pour la justice

Juriste militante pour les droits de l'homme, j'ai été contactée, en 2008, par Human Rights Watch (HRW), qui me demandait de l'aider dans sa mission au Yémen. Il s'agissait de débusquer les violations des droits de l'homme au Yémen, particulièrement s'agissant des civils déplacés par la guerre dans le district de Saadâ, dans le nord, où les forces gouvernementales affrontent depuis 2004 la faction armée des Huthis.
J'ai beau être une militante des droits de l'homme, je suis bel et bien tombée dans le piège du soupçon et du stéréotype : tout ce qui est américain fait partie d'une conspiration politique totalement étrangère aux droits et libertés des peuples. Il m'a fallu beaucoup d'introspection et un immense désir d'améliorer la condition des gens de mon pays pour parvenir à surmonter mes préjugés. J'ai donc décidé, avec circonspection, d'accepter la proposition de HRW. Dans un premier temps, je devais travailler, à l'essai, dans le cadre de l'organisation yéménite Hewar (le dialogue).
Voilà presque trois ans que je travaille avec HRW. J'ai pu observer comment cette organisation fait son œuvre de recherche intransigeante et méticuleuse au Yémen. Ses enquêteurs ont remis plusieurs rapports, dont trois sur la guerre fratricide qui fait rage à Saadâ. Ils ont également sensibilisé l'opinion publique à plusieurs termes jusque-là absents du lexique yéménite : « civils », « déplacés » et « disparitions forcées ».
Sur la foi de ces rapports, HRW, avec un grand professionnalisme et beaucoup de doigté, a pu persuader les parties intéressées, tant locales qu'étrangères, de mettre fin aux souffrances humaines en faisant libérer les prisonniers, conformément aux principes de la constitution yéménite et du droit national et international. Un rapport particulièrement important publié en 2008, « Disparitions et arrestations arbitraires dans le conflit armé avec les rebelles huthis au Yémen », associé aux travaux des ONG locales, a permis de libérer plus de 50 personnes illégalement emprisonnées à l'occasion de la guerre de Saadâ.

Repenser le regard porté sur les relations entre l'Orient et l'Occident
Il ne faut pas se leurrer : sans la volonté et l'engagement exceptionnels des organisations de la société civile yéménite, HRW n'aurait jamais pu jouer son rôle. Kenneth Roth, directeur exécutif de HRW, a même affirmé : « Les militants des droits de l'homme du Yémen figurent à n'en pas douter parmi les plus indépendants et les plus professionnels du monde arabe. »
Quant à moi, ce travail auprès de HRW m'a aidé à repenser le regard que je porte sur les relations entre l'Orient et l'Occident et à réfléchir sur la meilleure façon de combler la fracture. La coexistence ne peut exister que dans un désir partagé de respect, de justice et d'équité universels.

Ne pas construire des ponts qui risquent de s'écrouler
Certes les phénomènes culturels et idéologiques ne sont pas étrangers aux contradictions et aux tensions qui viennent parfois envenimer les relations entre les musulmans et les Occidentaux. C'est pourquoi de nombreux intervenants choisissent d'agir au niveau intellectuel et culturel, par le biais de la littérature, de l'art ou de la musique, ce que je respecte.
Mais il ne faut pas oublier non plus que nous cherchons à jeter des passerelles entre deux communautés dont les relations ont aussi été empoisonnées par des problèmes portant sur les grands principes du droit, des libertés, de la sécurité, de la justice et de l'égalité.
Vouloir fermer les yeux sur cet état de fait, tout en prétendant prêcher l'entente islamo-occidentale, c'est s'exposer à construire des ponts qui risquent à chaque instant de s'écrouler. Pour que ces ponts tiennent, il faut que les communautés musulmane et occidentale les construisent sur des assises solides, sur un terrain d'entente commun.
Le terrain des droits de la personne, par exemple, où elles peuvent, ensemble, œuvrer pour la justice et l'égalité.
Dans l'immédiat, il est difficile d'y parvenir dans le contexte gouvernemental. Aussi, les pays avides de changements doivent-ils se rabattre sur la société civile. Mon combat personnel pour les droits de l'homme au Yémen m'a convaincue que c'est en travaillant au niveau de la société civile que nous parviendrons à créer un changement réel et à jeter les bases solides d'un terrain d'entente entre les peuples du monde musulman et ceux de l'Occident.


*Radhia al-Mutawakel est militante des droits de l'homme et directrice de Hewar, organisation yéménite de développement démocratique. Article écrit pour le service de presse de Common Ground (CGNews).

Source : Service de presse de Common Ground (CGNews). Reproduction autorisée.
Juriste militante pour les droits de l'homme, j'ai été contactée, en 2008, par Human Rights Watch (HRW), qui me demandait de l'aider dans sa mission au Yémen. Il s'agissait de débusquer les violations des droits de l'homme au Yémen, particulièrement s'agissant des civils déplacés par la guerre dans le district de Saadâ, dans le...