Lorsqu'il a eu la difficile responsabilité de succéder à son oncle Raymond Eddé, en mai 2000, à la tête du Bloc national, les Libanais ne savaient de lui, outre le fait qu'il était le fils de Pierre Eddé et petit-fils d'Émile, que quelques détails « officiels » : une mère brésilienne, une enfance et une scolarité au Liban, des étés à São Paulo, son service militaire dans l'armée libanaise en 1975/1976 puis des études universitaires au Brésil et aux États-Unis. Et, jusqu'en 2000, une carrière au Brésil où il a travaillé dans l'industrie du papier puis dans des banques d'affaires et privées. « Si j'ai aimé ce pays qui était aussi le mien et où je me sentais chez moi, dira-t-il, je l'ai aimé encore plus par opposition à ce que j'abhorrais au Liban et qui a causé sa perte. J'ai admiré l'unité d'un peuple pourtant constitué de races et d'origines si diverses. J'ai estimé le fait que dans un pays profondément croyant, la séparation de la religion et de l'État n'a jamais été remise en question. Et j'ai apprécié l'importance d'une culture où l'individu n'est considéré que par ses actes, son potentiel, sa productivité et non pour ses origines familiales. J'ai senti la différence entre un peuple qui regarde vers l'avenir et un autre qui est prisonnier de son passé. »
Il accepte, « provisoirement », pensait-il alors, d'assumer la transition du parti. « Ensuite sont venus les défis. La libération du Sud 15 jours après le décès de Raymond Eddé, le 11 septembre, la marche vers l'indépendance et le 14 mars, la lutte pour consolider la souveraineté du Liban et l'assassinat de ses compagnons du 14 Mars. Je suis resté comme tout citoyen qui voulait que le Liban retrouve sa souveraineté et son État de droit. »
Une décennie au service de la liberté
Dix ans plus tard, « 10 ans, 5 mois, précise le Amid, je suis toujours là ! Ces années n'ont pas été contre ma volonté, mais parfois contre ma nature ». Elles lui ont toutefois permis de s'imposer dans le paysage politique local déjà très défini. De toujours dire ce qu'il pense, de provoquer le débat, de dénoncer. Mais elles ne lui ont pas appris à apprécier cet univers agité. « Durant la période qui a précédé le départ des Syriens du Liban, il y avait un objectif à atteindre, qui était noble et nécessaire. L'enthousiasme qui régnait autour de nous était incontestablement stimulant et contaminant. Autrement, je pense qu'il n'y a rien à aimer dans la politique libanaise, quand on n'a pas l'ambition du pouvoir. Ni le vocabulaire que les politiciens utilisent ni l'étroitesse des perspectives d'avenir... Je la fais parce que je pense que je peux contribuer, par mes idées et mes discours, à attirer l'attention sur les dangers qui planent sur ce Liban libéral et tolérant auquel je suis attaché. »
Sa participation et ses échecs aux élections législatives de 2005 et 2009 ne feront que renforcer sa conviction de la nécessité d'adopter une loi électorale transparente comme le système uninominal à deux tours. Il continuera à dénoncer les dangers et les contradictions de la politique de Michel Aoun, de s'insurger contre l'idée d'élire les commandants en chef de l'armée en exercice au poste de président de la République, d'accuser la Syrie davantage d'ingérence directe dans les affaires libanaises, et le Hezbollah de vouloir transformer le visage du pays. Même dans un arabe approximatif, le message passe.
« Si je pouvais revenir en arrière et corriger certaines choses, avoue-t-il, peut-être aurais-je modifié certaines décisions concernant les questions internes du parti. Mais sur les plans national et électoral, j'aurais pris les mêmes positions et décisions, avec le risque qu'elles n'aboutissent pas. J'assume entièrement mes décisions et j'accepte mes échecs, mais je refuse d'être incohérent avec moi-même. Nous assistons aujourd'hui à la montée du confessionnalisme et du populisme aveugle, précise-t-il, amer et très remonté. Il est beaucoup plus facile de mobiliser les gens autour d'un discours hargneux et irrationnel. Et ceux qui le font ne tiennent pas compte de ses conséquences destructrices à long terme pour le Liban. »
« Le grand problème dans notre pays, conclut le Amid malgré lui, c'est qu'on veut toujours rapidement tourner la page des assassinats et balayer la saleté sous le tapis. Le crime politique et la corruption au Liban payent. » « Ce titre de Amid est lourd, avoue-t-il encore. Il est associé à une droiture et une intégrité financière, sociale et politique. Être à la hauteur de celui qui m'a précédé est certes lourd et difficile. »
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