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Diaspora

Le regard d’une femme sur le pays retrouvé de ses ancêtres

Mes racines libanaises ne se trouvaient pas dans mon berceau lors de ma naissance, je les ai tricotées maille après maille, j'ai fouillé la terre, pour les déterrer et les suivre pendant 49 années avant d'arriver au Liban.

Pourquoi autant de temps ?
Mes grands-parents paternels, Moussa Rassi et Élisabeth Wazen, nés respectivement à Tyr et à Beyrouth, ont sûrement émigré vers la fin du XIXe siècle ou au début du XXe.
Ils ont fait souche en Afrique de l'Ouest, au Sénégal. Mon père y est né, ses sœurs et frères également. Français du fait de la présence coloniale, Georges, mon père, s'engage dans l'armée française et part à la découverte du monde et des grandes campagnes militaires.
Il débarque en Inde, où il rencontre Colleen Andrews, ma mère, anglo-birmane qui lui donne 5 enfants. Je suis Évelyne, la dernière et la seule à être née en France métropolitaine. Mon teint mat hérité de ma mère a fait que je me revendiquais, pour simplifier les explications, plus facilement indienne que libanaise. Mon éducation chez les sœurs en internat, fait pour une immersion et une intégration totale, ne me laissait aucun doute sur mon identité bien que l'exotisme me fasse souvent chavirer les sens : l'odeur des épices, les couleurs d'un vêtement, une musique...
Mariage, enfants, de quoi s'occuper l'esprit, la vie qui court et puis le divorce. Je redeviens une entité propre. Je m'exile dans un département d'outre-mer où je me fonds dans le paysage, ma peau faisant couleur locale. Mais je veux me retrouver et je cherche autre chose.
La maladie de ma sœur aînée, Christine, à laquelle je fais la promesse de l'emmener au Liban en octobre, quand elle ira mieux... Elle rend l'âme en août 2003. Par elle, circulaient encore quelques recettes de cuisine libanaise, un peu adaptées mais puisque nous ne connaissions pas les originales...
Novembre 2003, le Liban. Coup de foudre ! Je découvre que, depuis toujours, le cèdre du drapeau a ses racines plantées dans mon cœur.
J'ai depuis, lors de mes voyages dans la terre de mes ancêtres, rencontré des gens de cœur. J'ai pu ainsi en aider quelques-uns par l'envoi d'un peu d'argent et faire du bénévolat, comme l'an dernier à Bécharré au sein d'une colonie éducative sur la francophonie pour des enfants libanais.
Je me reconnais libanaise et je suis prête à faire plus pour le Liban dans le cadre d'une fondation, mais le Liban est-il prêt, lui, à reconnaître comme libanais ce « peuple », pur produit né de l'immigration ?
Cette mosaïque de couleurs, de langues, de cultures, de courants de pensées et de religions sera-t-elle intégrée alors que tant de défiance règne encore entre les populations de l'intérieur. Tant d'inégalités entre les hommes et les femmes.
La diaspora n'est-elle considérée que pour les devises qu'elle peut répandre ?
L'avenir du Liban ne réside-t-il peut-être que dans cet apport massif, tant humain que financier, des Libanais de l'extérieur ?

Mes racines libanaises ne se trouvaient pas dans mon berceau lors de ma naissance, je les ai tricotées maille après maille, j'ai fouillé la terre, pour les déterrer et les suivre pendant 49 années avant d'arriver au Liban.Pourquoi autant de temps ? Mes grands-parents paternels, Moussa Rassi et Élisabeth Wazen, nés respectivement...